Retrouvailles avec Morgane Imbeaud au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « The Lake » !
D’un point de vue musical, « The Lake » est-il dans la continuité d’« Amazone » paru en 2020 ?
Non, pour moi, « The Lake » marque un nouveau chapitre. C’est pile-poil la musique que je voulais faire depuis longtemps. J’ai beaucoup écouté des groupes comme Archive et Explosions In The Sky mais je ne savais pas faire ce genre de musique dans le son notamment par rapport aux envolées de guitare. J’ai œuvré avec Robin Foster sur « The Lake » ; l’entente a été incroyable ; nous avons la même sensibilité, nous avons été hyper complémentaires et cela m’a donné un élan, je me suis sentie libre de faire exactement ce que je voulais musicalement sans que l’on vienne me dicter ce que je devais faire ; ce qui a toujours été un peu le cas auparavant. Musicalement et humainement, cet album ouvre un nouveau chapitre qui est trop bien.
Au niveau de l’écriture, as-tu encore plus creusé dans l’intime sur ce second album solo ?
Complètement. Sur cet album, chaque chanson correspond à une émotion particulière. Par moments, il me manquait les mots justes pour décrire ce que je ressentais mais je crois qu’en fait, je n’ai pas envie de les trouver et c’est pour cela que je les exprime en musique. Des fois, afin d’aller vraiment au fond de soi, on cherche cette espèce de tristesse ou de mal-être ; cette boule au ventre ; qui donne l’impulsion pour écrire et cet album a démarré alors que j’étais en plein burn-out. J’ai eu du temps durant mon hospitalisation et même s’il fallait que je me reconstruise, je ne pensais qu’à cela et au fait d’aller mieux. Aujourd’hui, on parle beaucoup de santé mentale mais jamais d’hospitalisation ; je trouve étrange que ce soit encore tabou car les listes d’attente sont vraiment énormes ; pour ma part, j’y ai appris énormément de choses et cela m’a donné une force plus intense pour réaliser ce que je veux faire.
Ecrire ces nouvelles chansons a-t-il eu un effet « thérapeutique » sur toi ? T’ont-elles permis de tourner une page afin d’aller de l’avant ?
Pour la première fois, j’ai vraiment eu peur d’y passer car ça a été très dur d’avoir de l’aide. A partir de ce moment-là, je me suis dit que la vie que j’avais connue jusqu’alors était terminée et ça a eu un impact tellement énorme que je ne réfléchissais à rien d’autre en dehors de ma musique. J’ai eu à cœur d’aller au bout de ce second album en faisait des choses qui me ressemblent vraiment. Je trouve ça aussi cool que triste car je fais de la musique depuis longtemps mais je suis trop contente d’y arriver enfin !
Quelles thématiques abordes-tu sur ce disque ?
L’eau fait partie des thèmes présents sur ce disque ; cet élément qui m’apaise me fascine autant qu’il me fait peur. Sans que cela ne soit volontaire, l’eau est devenue le fil rouge de cet album. Je parle aussi de résilience dans ces chansons, de la beauté des choses dans des côtés un peu sombres et il y a un peu de provoc légère sur le titre « Sage ».
Pourquoi as-tu choisi de dévoiler la moitié de ton album, single après single, avant sa parution ?
Pour moi, l’image est hyper importante et en ce qui concerne cet album, nous avons eu envie d’en faire le plus souvent possible. J’ai la chance de travailler avec Biscuit Productions qui sont mes meilleurs amis depuis plus de quinze ans et nous sommes partis sur l’idée du plan séquence par rapport à l’émotion que nous voulions décrire. Cela me paraissait important que les « personnages » présents dans chaque clip soient des gens proches afin qu’il y ait une histoire avec moi en plus. Ces clips ont été un peu comme des hommages ou des déclarations d’amour pour eux. Nous avons installé cela petit à petit afin d’expliquer pourquoi ça me tenait tant à cœur et comme cet album a été long à faire, je trouvais ça bien de mettre du temps pour le dévoiler et l’installer. Par ailleurs, cela permettait de montrer que ce disque était cohérent mais assez diversifié au final.
Où se situe ce lac qui donne son titre à ton second album ?
C’est le Lac de Servières qui se situe en Auvergne ; c’est mon préféré. Ce lac assez sauvage se trouve près de celui de Guéry qui un peu plus touristique. Ce coin est vraiment très beau et très calme. Le Lac de Servières a un côté refuge pour moi, il peut m’arriver n’importe quoi dans ma vie, personne ne me peut me prendre le moment où j’y suis. Personne ne peut m’atteindre à ce moment-là. De toute façon, il n’y a pas de réseau, comme ça, c’est réglé (rires). J’ai l’impression que je peux déverser tous mes secrets dans ce lac. C’est marrant car chaque Auvergnat dit que c’est SON lac.
Par ailleurs, y-a-t-il une notion métaphorique dans ce lac ?
Il y en a mais il y a surtout un hommage. L’ami avec lequel j’avais enregistré « Les Songes de Léo » à l’époque est décédé et nous avions commencé un projet que nous avions appelé « The Lake ». Par ailleurs, un lac a deux facettes, comme moi, il y a un côté très doux ; très calme ; mais il a aussi un côté mystérieux ; caché. C’est difficile de connaître réellement un lac.
Sur cet album, tu as œuvré avec Robin Foster, qu’a-t-il amené à « The Lake » ?
La moitié ! Nous disons que nous avons co-composé car il a arrangé toutes chansons que j’ai amenées, il y a ajouté toutes les envolées de guitare, il a trouvé des riffs, Robin ne pouvait pas être qu’arrangeur de cet album. Pour certaines chansons, Robin est arrivé avec la musique et ensuite, j’ai créé la mélodie de voix et le texte. Au final, Robin est ma moitié musicale. Il y a eu un échange, sans problème d’égo, une écoute incroyable entre nous et ça a été génial. Le rôle de Robin a été hyper important. Sans lui, cet album aurait été tout autre. Robin m’a donné confiance en moi. Quand on s’entend aussi bien avec quelqu’un, la dimension humaine est inspirante pour la musique.
La langue s’est-elle imposée d’elle-même en fonction des morceaux ?
Tout à fait, c’est exactement cela. Composer une chanson en français ou en anglais, c’est très différent. Dans notre langue, il y a beaucoup plus d’attente dans les mots, dans le message, dans le côté poétique. En Anglais ; même si c’est la langue de Shakespeare et qu’elle est exigeante ; il y a plus de liberté tant que le message est fort derrière et passe par rapport aux mots. Je trouve qu’en anglais, la voix est vraiment un instrument, ce n’est pas qu’un messager alors qu’en français, c’est un peu le contraire. J’avoue que je pars souvent d’un yaourt en anglais mais à l’époque, c’est Jean-Louis Murat qui m’avait donné confiance dans l’écriture en français.
Qu’aimerais-tu apporter aux auditeurs avec « The Lake » ?
Avec cet album, j’aimerais apporter du lâcher-prise, une épaule et dire aux gens que personne n’est seul. De par mon passé psychologique, j’ai toujours travaillé sur moi et en parallèle de la musique, je fais des ateliers auprès de jeunes en service civique sur la tolérance et l’empathie et je me rends compte à quel point on ne sait plus se parler de nos jours.
Peux-tu nous donner une couleur, un adjectif et une émotion pour synthétiser « The Lake » ?
Bleu, résilient et rage.