Rencontre avec Gael Faure à quelques jours de son concert du 17 décembre à Petit Bain !
Quel regard as-tu sur ton évolution ces dix dernières années ?
C’est délicat d’avoir ce recul-là et de se regarder mais je dirais que je suis un coureur de fond. Dans la vie, je suis plutôt dynamique, j’aime aller de l’avant et aller vite mais finalement, je me rends compte que j’ai une réflexion assez lente sur les choses et j’essaie de ne pas faire tout et n’importe quoi. J’ai un regard plutôt « satisfait » sur ces dix dernières années car je ne me suis pas fait chopper par tous les rouages de cette société qui fait que nous avons envie d’aller vite. Quand je fais les choses, j’essaie de me regarder en face et cet album m’a encore plus aidé à faire ça car je ne suis pas allé dans la facilité au niveau des thématiques qui parlent de l’humain, de notre questionnement sur la vie, sur l’écocitoyenneté…Je te dirais que j’ai un regard bienveillant sur moi-même. Je n’aime pas trop que l’on m’appelle artiste car je préfère être un artisan et voir ma vie comme quelqu’un qui fait de la menuiserie.
« Regain » a récemment été réédité, comment as-tu voulu musicalement cet album par rapport au précédent ?
Je voulais que cet album soit plus scabreux, plus osé, plus expérimental, plus large, plus libre en termes de sons et moins mono-sentiment que le précédent. J’avais envie de me perdre dans un côté plus aquatique et plus électronique, sans pour autant perdre l’idée d’une chanson qui peut être Folk à la base. J’aime bien mettre des couches petit à petit en musique afin que l’on puisse s’y perdre un peu. Avec Renaud Létang qui a produit l’album et les musiciens, nous avons voulu quelque chose de plus souple.
A quoi fait référence le titre de ton album ?
Pour le coup, ce qui m’intéressait dans regain était le terme botanique. En agriculture, c’est la deuxième coupe de l’herbe et c’est celle que l’on donne au bétail. Cette herbe est dans les alpages et elle est censée être plus riche, plus verdoyante et plus tendre. Je trouvais l’image assez jolie et je m’étais arrêté sur une image d’ondulation du blé qui danse un peu. Mon père a été agriculteur pendant 20 ans et j’ai donc toujours baigné là-dedans. Je trouvais le mot regain assez sexy, assez intemporel et assez musical. Comme les thématiques de l’album étaient entre l’humain et l’agriculture, ça se tenait.
Peux-tu nous parler des thématiques de « Regain » ?
Même si je le savais déjà, j’ai pris conscience que la vie passe vite, plus on avance. Chaque jour est à la fois un jour de plus et un jour de moins mais il ne faut pas être fataliste avec ça car c’est beau de grandir et de comprendre. J’ai l’impression que les thématiques de cet album sont un peu toutes liées. « L’Échappée » aborde la vie, « Siffler » parle de reprendre sa vie en main, « Éreinté » c’est l’homme au boulot qui fait des mouvements répétitifs et il est un peu tabassé par la vie, …La vie qui passe, qui court, qui file, tout se rejoint.
Il me semble que ton univers est très tourné vers la nature, est-ce autant une source d’inspiration qu’un moyen de te ressourcer ?
Pour le coup, en effet, l’un ne va pas sans l’autre. La nature est tellement inspirante de base que je ne me dis jamais, tiens, je suis inspiré parce que je suis dans la nature. Dès que je suis dans une forêt ou chez moi en Ardèche, ça m’envoie des choses. J’ai lu notamment « La Vie Secrète Des Arbres » et je pense que nous sommes tous connectés à quelque chose. Pourquoi la lune nous empêche parfois de dormir ? Pourquoi il y a les marées ? Pourquoi faut-il planter parfois des légumes lors d’une lune ascendante ?... Je trouve ça hyper beau et poétique. Je suis très proche de tout cela et j’aime y croire.
Comment est né ton duo avec PiersFaccini ?
Pour le coup, Piers est également quelqu’un qui prend le temps. C’est un artiste que j’ai découvert sur MySpace en 2006 mais je ne l’avais jamais rencontré car il est un peu ermite et donc pas évident à capter. Il a signé chez le même tourneur que moi mais la rencontre a mis un an à se faire. Je crois qu’il a aimé ma fougue et ma sincérité quand je lui ai fait écouter la chanson « Colibri ». C’est une très belle rencontre et j’imagine que nous allons retravailler ensemble.
Les trois titres en anglais présents sur « Regain » annoncent-ils une page plus anglophone dans ton histoire ?
Je me pose la même question que toi par rapport à un repos personnel du projet Gael Faure. J’ai fait beaucoup de concerts cette année, ça m’a bien fatigué mais ça m’a bien appris également. Beaucoup de gens adorent quand je chante en français et beaucoup d’autres adorent quand je chante en anglais. C’est une récréation différente. L’anglais sonne différent et l’approche mentale est différente aussi. Piers a écrit ces textes mais ça a été un vrai travail à quatre mains. Même si j’avais toutes les couleurs et tous les reliefs pour « Only Wolves », je ne voulais pas faire n’importe et j’ai pris un pare-feu. J’ai l’impression que cela va plus vite et que cela me permettrait de délayer d’autres choses. Pour répondre à ta question, ce n’est donc pas impossible, ce n’est pas encore sûre mais pourquoi pas…
Peux-tu nous en dire plus sur ton nouveau clip qui illustre la chanson « Siffler » ?
C’est un clip dans lequel nous utilisons les dernières technologies de pointe notamment la VR et je trouvais ça intéressant et intelligent d’avoir cet axe-là pour une chanson qui traite de prendre son temps. On siffle quand on est dans une dynamique agréable ou quand on réfléchit mais de manière tranquille. Je voulais une marche introspective et libératrice mais je ne voulais pas d’un gars qui existe. J’avais pensé à un dessin animé ou à un jeu vidéo. Un jour, j’ai poussé la porte d’une boutique qui était à louer à Paris et j’y ai rencontré des personnes qui prenaient l’apéro et qui m’ont invité à me joindre à elles. Nous avons discuté, je leur ai fait écouter des titres dont « Siffler » et quelques jours après, ces gens sont revenus vers moi en me disant que ce serait super de le clipper et comme ils font des dessins animés, j’ai trouvé ça super. François Narboux et Anna pour Miam ! animation ont monté ce clip, ils se sont donnés corps et âme et ils ont été chercher des subventions pour ce clip qui est assez pionnier en la matière. Ce sont des êtres merveilleux et talentueux que j’ai hâte de revoir. Je trouvais ça bien d’utiliser cette grande technologie pour une petite chanson qui évoque plutôt l’inverse. Le 17 décembre, lors du concert à Petit Bain, j’espère que nous arrivons à avoir quelques stations avec des casques pour que les gens puissent vraiment voir ce qui se passe à l’intérieur de cette marche.
Qu’est-ce qui selon toi ressort le plus dans ta musique ?
Pour te répondre, je vais paraphraser les gens qui me font des retours et qui me parlent de puissance et d’authenticité. J’ai envie d’être vrai, sincère et connecté. J’ai une rage de bien faire et de vouloir toucher le cœur des gens.
Quels sont les artistes qui ont façonné ta culture musicale ?
C’est assez vaste même si je n’ai pas écouté beaucoup de musique. J’ai beaucoup écouté la bande originale de « Into The Wild » et j’ai beaucoup écouté des artistes comme Ennio Morricone, Bill Withers, Radiohead, José Gonzalez, Rodrigo Amarante, Sébastien Tellier dont j’adore les ritournelles et le coté progressif. J’aime bien aussi l’Electro et des artistes comme Kalkbrenner et Bonobo mais aussi la Folk de Nick Drake, The Beatles et Tame Impala. Je suis assez large dans mes gouts mais il faut que ça me transporte.
Un projet musical avec les Souchon est-il dans les tuyaux ?
Je ne sais pas si un projet musical est dans les tuyaux mais en tout cas, nous nous aimons bien. Nous avons fait quelques chansons ensemble, « Caractère » a été composée avec Pierre et « Quelque Chose Sur La Lune » avec Charles alias Ours. Ce sont des gens que j’apprécie beaucoup, ils veulent s’amuser et partager. Nous avons fait plusieurs festivals ensemble et nous avons monté une sorte de petit concert où nous nous amusons à nous accompagner. Je pense qu’avec Pierre et Charles, nous allons continuer à faire d’autres chansons mais Alain, c’est une autre histoire car je ne sais pas trop comment il fonctionne même s’il m’arrive parfois de lui demander comment il pense les chansons. En tout cas, c’est toujours très agréable de parler avec lui et je dois dire qu’il a toujours plein d’anecdotes à raconter.
Peux-tu nous en dire plus sur Le Chant Des Colibris ?
Le Chant Des Colibris est un festival itinérant que j’ai co-monté notamment avec Céline Morel et Cyril Dion après avoir lu le sublime livre « Vers la Sobriété Heureuse » de Pierre Rabhi. J’ai démarché le Mouvement Colibris qui est un mouvement écocitoyen et qui a une idée de penser un peu différente pour changer les choses dans ce système incroyablement ficelé. Nous ne sommes pas dans une démarche financière et nous allons dans le local. L’année dernière, nous avons été rejoints notamment par Rover, les Souchon, Matthieu Chedid, Zaz...Nous avons été à Bordeaux, à Toulouse, à Nantes, à Lille…L’idée est de prétexter un concert afin que des choses se passent en local et que les acteurs de la transition écologique puissent se rencontrer et échanger. Il y a des débats participatifs, des ateliers et à la fin de la journée, il y a un concert commun.
Comment rêves-tu ton année 2019 ?
Faire cet album aussi honnêtement et aussi naïvement, me livrer autant, cela a pris beaucoup de mes tripes et maintenant, j’ai envie de prendre le temps de réfléchir car je n’ai pas forcément envie de re rentrer tout de suite dans autre chose. Je vais peut-être faire quelques résidences avec d’autres artistes, partir un peu…Une tournée en Amérique Latine se prépare pour septembre prochain.
/https%3A%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2F_eMuICS3mlc%2Fhqdefault.jpg)
Gael Faure - Siffler (Clip officiel 360°)
"Siffler" extrait de la réédition de l'album 'Regain' disponible ici : https://GaelFaure.lnk.to/regainreeditionID Réalisé par François Narboux Crédits : Peermusic France / Grand Bois / MIAM! ...