Rencontre avec Kimsar au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « L’Enval » !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Je suis autrice, compositrice, interprète, flûtiste et aussi cheffe de chœur. Je suis installée à Paris depuis quelques mois après avoir passé sept ans dans le Sud et avoir fait des résidences en Moselle et en Allemagne. J’ai lancé Kimsar en 2018 pour porter mes compositions Pop Folk chantées en français et en anglais. En plus de ce projet musical, je fais pas mal d’action culturelle ; de médiation ; avec des personnes éloignées de la culture, des amateurs et beaucoup de projets participatifs. J’ai initialement une formation en administration culturelle à Sciences Po Paris et en anthropologie de la musique à l’ÉHESS et c’est en rédigeant ma thèse sur la musique de l’Himalaya que je suis arrivée au magnifique village de Kimsar perché à 2000 mètres de hauteur dans cette chaîne de montagnes en Asie et il m’a inspiré ce nom de scène ; cela me permet de me rappeler en permanence de cet endroit magique.
Comment décrirais-tu ton univers artistique ?
Ma musique est à mi-chemin en l’imaginaire et la nature et elle est assez aérienne, multiculturelle, naturelle, organique et plutôt perchée dans tous les sens du terme (rires). Mon univers artistique n’est pas très sérieux, pas très réaliste, il est plutôt dans l’imaginaire et la fantaisie.
« L’Enval » a-t-il été imaginé comme un disque conceptuel ?
Oui et cet album a connu beaucoup de concepts différents car le fil conducteur a changé beaucoup de couleur au fil du temps. J’ai commencé à concevoir ce disque il y a un an et demi à peu près et comme j’ai toujours beaucoup de compositions en cours, j’ai cherché à ce qu’il y ait un fil rouge entre ces chansons afin qu’il y ait une cohérence ; cela m’a permis de réduire la sélection des compositions. A ce moment-là, j’avais déjà dans l’idée de faire comme un conte avec une sorte de trame narrative qui raconterait un parcours initiatique. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais dans l’idée que ce disque serait plutôt aquatique, j’ai sélectionné plusieurs chansons sur le thème de l’eau mais finalement, ça ne m’a pas convenu car je voulais rajouter des morceaux qui ne collaient pas avec ce thème. Pendant six mois, j’ai fait une résidence dans une école en Moselle avec les Ateliers Médicis. C’est en jouant avec les enfants et en testant des choses avec eux ; durant ce programme qui s’appelle Les Résidences Création en cours ; que je me suis rendu compte qu’il y avait un côté retour à l’enfance dans cet album qui me plaisait bien. A partir de là, je me suis dit que j’allais faire un conte plutôt coloré avec des choses visuelles fortes et simples. Sur scène, il y a notamment du papier crépon et des fils de laine ; des choses que l’on pourrait trouver dans une école primaire. Et c’est en allant me balader dans la forêt près de cette école que j’ai trouvé le lieu où se déroulerait ce parcours initiatique. Pour choisir la setlist des chansons, j’ai fait des cartes avec des pays qui correspondaient aux différentes ambiances et ensuite, j’ai essayé de trouver un parcours. Sur ce disque, on retrouve des chansons plus aquatiques, d’autres qui se passent plus dans la forêt, certaines avec des thèmes un peu plus sombres et d’autres beaucoup plus lumineuses.
Musicalement s’inscrit-il dans la lignée de ce que tu as fait précédemment ou as-tu suivi d’autres voies ?
Comme dans le premier, il n’y a pas d’instruments virtuels dans cet album. Le fait qu’il y ait plusieurs langues sur « L’Enval » est une autre similarité ; il y a du français et de l’anglais un peu à parts égales et un petit peu d’hindi pour rappeler ce village de Kimsar dans l’Himalaya. En revanche, l’orchestration est un peu plus étoffée. La contrebasse intervient un peu plus que sur mon premier album et j’ai rajouté de la basse électrique et du Wurlitzer pour donner un peu plus de groove. Mon premier album tournait essentiellement autour de la voix, de la flûte et de la batterie alors qu’il y a beaucoup plus d’instruments harmoniques sur le second. « L’Enval » a plus de corps.
Quels thèmes abordes-tu sur ce nouveau disque ?
Si toutes les chansons viennent à la base de quelque chose que j’ai vécu ; une idée très forte ; au fil de la composition, cela devient des allégories plutôt universelles dans lesquelles les autres personnes peuvent se reconnaître aussi. Mes chansons partent d’expériences singulières pour arriver à des thèmes plus généraux. Sur cet album, je parle notamment d’emprise et du fait de ne pas trouver sa place dans la société.
Peux-tu nous parler de la mise en images du premier extrait baptisé « Le Fort » ?
Pour ce clip, j’ai vraiment fait confiance au réalisateur Théo Longo et ça a été une très chouette expérience. Je lui ai expliqué que pour moi, le fort représentait la famille et mon petit village d’origine à la campagne et si je me suis sentie très en sécurité dans ce cocon familial, j’avais toutefois envie de partir et d’explorer. Dans « Le Fort », la princesse ne sait pas si elle veut en sortir ou pas, c’est son dilemme ; est-ce un donjon où elle est prisonnière ou est-ce un fort où elle se sent bien. Théo m’a dit que mon fort était en fait une cabane d’enfant et en montrant cela à l’image, ça permettait de dire en filigrane que pour moi, c’était relié à l’enfance et ça offrait également plein d’autres interprétations. Cette idée nous a permis d’explorer plein de choses créatives. Nous avons fait appel à l’accessoiriste et couturière Manon Trompowsky que j’avais rencontrée sur un festival d’opéra à Aix-en-Provence, elle nous a fabriqué une très belle cabane en draps ; le tissu donne au fort un côté fragile mais aussi très étouffant. Le clip a été tourné avec trois jeunes figurantes âgées de onze ans ; Jade, Jeanne et Lisa ; trois petites filles adorables et pleines de talent. Le chef opérateur Nassimo Berthommé a fait des jeux de lumière intéressants avec le tissu de la cabane.
Aimerais-tu développer encore plus le récit initiatique de « L’Enval » par écrit ?
Ce n’est pas en projet, pour l’instant mais il a déjà été un peu développé dans le livret de l’album avec la graphiste Mathilde Mosson. Les paroles sont importantes pour moi et je vais prendre le temps de bien les mettre en valeur en parlant notamment de toutes les interprétations possible. J’aimerais beaucoup mettre en images chacune de ces chansons même de façon modeste. A la fin, cela me donnera un matériau assez conséquent de textes et d’images et il est possible que j’en fasse quelque chose…
Qu’aimerais-tu transmettre aux auditeurs avec « L’Enval » ?
L’appétit pour l’imaginaire ! Nous sommes bombardés d’informations, gavés de choses toutes prêtes, et je trouve important de laisser la place à l’imaginaire ; se poser, écouter une chanson et commencer à penser à plein de choses. J’aime bien l’idée que mes chansons puissent donner envie aux gens d’imaginer des images, du texte et d’autres choses. J’aimerais bien que mes chansons ouvrent des perspectives aux gens et qu’elles leur donnent envie de créer des choses.
Peux-tu nous en dire plus sur ton fanzine mensuel ?
J’ai crée ce fanzine en collaboration avec Zeugma qui est illustratrice ; j’en avais déjà fait d’autres avec cette amie mais pas du tout dans le cadre de la musique auparavant. Le fanzine est une sous-culture que j’aime beaucoup. L’idée est d’être créatif, on peut faire ce que l’on veut sans aucune contrainte de budget ou de ligne éditoriale, c’est fait en DIY avec les moyens du bord. Le fanzine peut être imprimé chez soi, il ne représente qu’une seule feuille pliée, ça ne pollue pas beaucoup et on peut le distribuer un peu partout. J’adore le fait que le fanzine sorte des circuits classiques de distribution. Je m’en suis beaucoup servi durant ma résidence en Moselle et cela m’a permis de lier des contacts avec les habitants de la région. J’aime le côté ludique du fanzine qui offre la possibilité de faire une communication moins classique et plus originale. Mon fanzine me permet de parler et de prolonger l’univers de « L’Enval » ; j’explique notamment d’où viennent les textes, j’aborde le processus de création, je parle aussi des difficultés que l’on rencontre quand on fait/sort un album…Le fanzine me permet de communiquer tout un tas d’informations qui n’ont pas forcément leur place dans les outils de communications traditionnels.
Qui retrouve-t-on dans tes inspirations musicales ?
Camille pour les boucles, l’utilisation d’instruments très variés et surtout pour l’usage de la voix ; il y a beaucoup de chœurs sur mon album et Camille a beaucoup développé cela. Nous avons pas mal de choses en commun comme le fait d’avoir étudié à Sciences Po, d’être flûtistes toutes les deux, de faire de la musique traditionnelle et de la musique ancienne à côté, d’être sensibles à l’environnement et au développement durable…Camille est une inspiration forte. J’aime beaucoup aussi Damon Albarn qui se renouvelle tout le temps dans la créativité. Il a la capacité de faire de la musique juste quelque soit son médium, sa structure ou son thème. Il peut aborder toutes sortes d’instruments, il peut faire tous les styles et à chaque fois, c’est hyper touchant, sincère, juste et j’essaie de faire cela dans ma musique. Pour terminer, le groupe Canadien Fleet Foxes, ils sont très nombreux et ils font de la New Folk. Ils utilisent des instruments et des placements de voix traditionnels pour faire des choses complètement nouvelles et inventives. Ils ont un côté imaginaire très développé, ils ont des clips animés très beaux avec des visuels très inattendus. J’ai beaucoup ce groupe il y a quelques années et je pense que ça transparait beaucoup dans « L’Enval ».
Quels sont tes prochains projets ?
Il va y avoir la mise en valeur de cet album avec des concerts ; nous sommes en train de monter une formule en trio ; avec Léo Achard et Nghia Duong ; car jusqu’à présent, je me produis en solo avec mon looper. Je vais jouer pour la Fête de la Musique en Allemagne à Erlangen et le 14 août à Annecy dans le cadre de l’Impérial Festival. En parallèle à cela, je vais continuer à jouer le spectacle « Légendes de Quartier » que j’avais créé en 2022 avec le soutien de la région Sud ; ce sont des balades acoustiques et c’est plutôt du répertoire médiéval-renaissance-baroque. Durant ce spectacle, je mélange ces chansons anciennes avec des chansons écrites en ateliers collectifs à la fin des concerts afin que les gens puissent être en lien à travers leur musique. Je fais bouger le répertoire d’un endroit à l’autre afin de créer du lien entre des publics qui ne se connaissent pas mais aussi entre un répertoire très ancien et celui d’aujourd’hui. Je jouerai ce projet notamment le 09 août à Saint-Martin-de-Crau. Pour terminer, j’ai un side project qui s’appelle Les Accouchées ; la démo est en ligne ; ce sont des chansons instrumentales composées pour mes amies qui accouchaient pendant le COVID et qui étaient toutes seules à l’hôpital. Treize bébés sont nés en écoutant cette musique, les parents me disent que ça les apaise, ça leur sert de doudou et j’aimerais bien développé ce projet avec un album de neuf morceaux pour les neuf mois de grossesse.
Le Fort (official music video)
Le #Fort est le point de départ de L'Enval. Premier morceau d'un récit initiatique haut en couleurs, le Fort est cette safe place qu'on construit autour de soi comme une cabane d'enfant, mi-cocon...