Rencontre avec Nicolas Falez au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur le premier album de Signal Faible !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
J’ai 52 ans et une vie remplie de musique puisque j’ai eu des groupes depuis l’âge de 15 ans notamment Superflu avec qui j’ai publié trois albums et Fontaine Wallace avec qui j’ai sorti deux albums. Signal Faible pour lequel nous nous rencontrons est un projet un peu décalé, ce n’est pas tout à fait un groupe mais il est très collectif. Je suis auteur, compositeur, je chante, je joue de la guitare et de quelques autres instruments. Je suis également journaliste, je travaille à Radio France Internationale qui est une radio du service public et depuis une quinzaine d’années maintenant, je travaille sur le Proche et le Moyen-Orient ; je suis donc bien occupé en ce moment.
A quel moment la musique est-elle entrée dans ta vie professionnelle ?
C’est une très bonne question à laquelle je peux répondre sur plusieurs périodes. Adolescent, je voulais faire de la musique et du journalisme ; à ce stade, il y avait les deux rêves. J’ai eu des groupes tout en faisant mes études et c’est à l’école de journalisme que j’ai rencontré les musiciens avec qui nous avons fondé Superflu ; un groupe qui a eu une activité à plein temps par moments à la fin des années 90/début des années 2000. Il y a eu des périodes où j’ai fait plus de musique mais dans le temps, il y a eu plus de moments où je me suis consacré au journalisme. Globalement, la réponse serait que je fais les deux ; ce sont les deux piliers fondamentaux de mes activités.
A quoi renvoie ce signal faible qui donne son nom à ton projet ?
Ce signal faible renvoie à plusieurs choses. Tout d’abord au fait que j’assume et que je me sente en phase avec une audience qui est aujourd’hui dans la marge ; dans un chemin de traverse, dans l’indé, dans un système alternatif et cela aussi bien dans la partie création musicale qu’en ce qui concerne le label qui m’accompagne. J’ai bien conscience d’émettre à un volume pour lequel il faut prêter attention si on veut s’y intéresser. Au-delà de cela, il y a un jeu de mots car ces dernières années, on a beaucoup parlé des signaux faibles qui sont les petits indices qui permettent de détecter un phénomène ; on parle souvent de ce terme en ce qui concerne la radicalisation. Je trouvais qu’en repassant ce terme du pluriel au singulier, il le devenait justement et il renvoyait à cette première idée que je viens de développer. Je trouvais que ce nom situait artistiquement le projet et ensuite, la question a été de savoir ce qu’on allait faire entrer dedans.
Pourquoi as-tu baptisé le premier album de Signal Faible « Nom De Domaine » qui est un terme assez « générique » ?
Non seulement, il est générique mais on l’a formé et on l’utilise dans le contexte d’Internet, du numérique, du virtuel mais quand on réfléchit bien, on peut tout à fait emmener ailleurs ce terme car on peut y voir un espace, une partie de la nature, une propriété, un lieu où l’on sentirait bien…L’idée était d’arracher ce terme à son environnement initial tout en me disant que c’était mon enclos, mon pré, voilà ce que je veux y construire et faire partager.
Comment est né le titre très collaboratif « Soustraction » ? Pourquoi as-tu choisi de le faire chanter par d’autres artistes ?
Tout l’album a fonctionné par un système d’invitations en direction de gens dont j’aime beaucoup le travail. Adam Snyder qui joue du piano est un ancien musicien du groupe Américain Mercury Rev que nous avions croisé à l’époque de Superflu ; Adam est un vieil ami qui vit très loin dans l’état de New York, ça a été génial de le contacter en lui demandant s’il pouvait enregistrer ce piano chez lui et m’envoyer ensuite le fichier afin que je le glisse dans la session. Même avec des artistes beaucoup plus proches géographiquement, nous avons procédé ainsi. Si « Soustraction » a été chanté par d’autres artistes, c’est parce qu’il s’y prêtait plus que les autres titres. J’ai eu envie de pousser le curseur à fond sur ce morceau, tous ceux qui voulaient chanter sur ce titre ont pu le faire. Sur cette chanson-là, c’est la voix de quelqu’un qui part, qui abandonne, qui quitte, qui laisse quelque chose ; on peut imaginer qu’il meurt ; et finalement, disparaître, se dissoudre, se soustraire dans ce récit-là avait beaucoup de sens puisque pour moi, cela a créé une sorte de procession de gens que j’adore et elle accompagne la voix assez imaginaire de celui qui dit que c’est terminé pour lui et que son souvenir sera ce qu’il va laisser. Techniquement, à chaque fois que je recevais une piste de voix, je me faisais disparaître très concrètement. Il y avait une grande adéquation entre la façon dont ça a été fait et le sens de la chanson.
Quels thèmes abordes-tu sur « Nom De Domaine » ?
Comme « Nom De Domaine » n’est pas un album solo puisque nous sommes très nombreux sans pour autant être un groupe, je me suis senti assez libre d’être plus introspectif par rapport aux chansons que j’écrivais dans le cadre de mes groupes précédents. Sur cet album, il y est question de souvenirs d’enfance, de liens familiaux, amoureux et amicaux. Par ailleurs, comme j’aime aussi explorer des recoins assez sombres et de façon cinématographique et distanciée, j’ai vraiment pensé « Pizza » qui est une chanson de séparation comme une scène de cinéma ; il n’y avait pas d’affect.
Dans « L’Antijumeau », tu cites pas mal de frères mais lesquels t’ont-ils le plus marqué dans ton parcours artistique ?
De façon surprenante, je vais répondre les frères cinéastes. Quand on cite les frères Larrieu, Podalydès, Coen et Dardenne, on se dit que cela représente une sacrée filmographie. J’ai vraiment l’impression que tout ce que j’ai toujours écrit en chanson se nourrissait beaucoup de ce que je lisais et voyais au cinéma. J’adore aller au cinéma et tirer le fil de la filmographie de quelqu’un que je découvre ; qu’il soit réalisateur, scénariste ou comédien. Dans « L’Antijumeau », je n’ai pas cité ces frères-là seulement pour le name-dropping ou pour la rime, ils ont beaucoup compté dans mon parcours ; et encore une fois, je crois à la porosité des différents domaines artistiques.
Afin de faire référence à « Par Ta Petite Tête », quelle chanson triste aurait le don de te guérir ?
J’ai récemment chanté « Story Of Isaac » lors d’une soirée scène ouverte hommage à Leonard Cohen au Motel et cette chanson a ce don-là. J’apprécie le fait que tu réagisses sur cette phrase tirée de « Par Ta Petite Tête » car elle résume beaucoup de choses sur le disque mais aussi sur mon parcours. Je crois au pouvoir consolateur des chansons tristes et pas l’inverse car je n’ai pas l’impression qu’elles m’enfoncent dans la tristesse mais au contraire qu’elles me guérissent.
J’ai eu la sensation qu’il y avait beaucoup de nostalgie dans ton album, le vois-tu comme une sorte d’hommage à tes années passées ; à une époque révolue ?
Non, justement, ce n’est pas un hommage à une époque révolue car je vois cet album comme un lien très vivant entre mon passé ; la référence est assumée ; et mon présent car je continue à vivre avec. « Nom De Domaine » se termine sur « Une Lumière Neuve » qui figurait sur l’album « La Chance » de Superflu et j’ai repris cette chanson car je veux vraiment mettre en avant cette continuité-là dont je suis très heureux ; je suis la même personne qui a écrit « Vingt-cinq Ans » dans le premier album de Superflu qui est sorti il y a 25 ans cette année.
Ton travail de journaliste influence-t-il tes écrits ou au contraire, essaies-tu de t’en détacher ; aussi bien en ce qui concerne les choses positives que celles plus négatives dont tu pourrais être témoin ?
J’essaie vraiment de faire vivre les deux domaines de la façon la plus étanche possible. Par exemple, je refuse toute promo sur le média pour lequel je travaille et c’est vraiment un choix car je sépare vraiment les deux ; j’ai même fait inscrire que je ne faisais pas de promo sur RFI sur mon contrat avec le label Microcultures. Quand je parle d’un domaine ou de l’autre, je suis dans l’approche la plus séparée possible de ces deux domaines mais quand je parle de moi, je ne suis qu’une seule et même personne qui fait ces deux choses-là et qui se réjouit de ne pas avoir eu à choisir entre les deux.
Maintenant que tu as dévoilé un premier album sous le nom de Signal Faible, comment envisages-tu la suite de ton projet musical ?
Il y aura des clips pour les chansons qui n’ont pas encore été mises en images et des live sessions qui arriveront dans les prochaines semaines/prochains mois. Les concerts ont commencé à l’automne et c’est ce qui fera sans doute une bonne partie du programme de 2024 tout en sachant qu’il ne sera pas possible de faire venir les seize invités qui figurent sur le disque. J’ai voulu décliner Signal Faible en duo avec Marion Elan Trigo qui est violoncelliste et chanteuse. C’est une formule très minimaliste et très intimiste qui permet de présenter les chansons comme je veux qu’elles le soient même s’il a fallu repartir d’une page blanche pour passer des arrangements de l’album à ce duo. Les premières rencontres dans les endroits où nous avons joué ont été vraiment superbes.
Penses-tu déjà au second album de Signal Faible ?
Non mais c’est intéressant comme question car j’ai vécu une très chouette période de transition puisque le second album de Fontaine Wallace est sorti en 2021, nous avons tourné jusqu’en 2022, nous étions très contents de faire des concerts ; le groupe n’est pas terminé mais pour le moment, chacun est sur des projets différents ; et j’étais déjà dans Signal Faible. C’était très bien de défendre un disque en concert et de commencer à en créer et même à en enregistrer un autre mais là, pour le coup, je suis plus dans l’instant présent. Je vais continuer de voir ce qu’il se passe d’autant que faire des concerts avec quelqu’un qui n’a pas participé à l'album est une nouvelle aventure qui commence.
Nouvelle sortie le 03 novembre 2023
https://bfan.link/signal-faible?fbclid=IwAR2DH7KOZDPOANbZF0TA1cJqjE-CMSopxjjHyAO9BjjABVJWJfFsvVxlnJI