Retrouvailles avec DONAMARIA au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur son second EP !
Ton premier EP « Amnesya » est paru à l’automne 2020, quels en ont été les principaux retours ?
C’est le fait qu’il y avait une proposition forte en termes de sens qui a beaucoup été mis en avant ; le côté hyper introspectif et la recherche de sonorités qui allaient dans le sens du propos abordé dans chaque chanson. Au-delà de cela, les visuels ont pas mal marqué les gens car ils apportaient quelque chose de complémentaire à la musique. Et pour finir, les textes, beaucoup de personnes m’ont dit qu’ils étaient hyper poétiques et vraiment jolis ; cela vient du fait de l’inspiration du recueil de poèmes « Les Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire. Chaque chanson était truffée de références à Baudelaire et à des films aussi et il en était de même dans les clips. Cet EP était un peu une cartographie avec plein de choses cachées dedans. Ce que je voulais dire dans les textes a été plutôt bien compris par un certain type de public plutôt pointilleux alors que le public plus général a eu un peu plus de mal car je me suis cachée derrière pas mal de métaphores ; chose qui m’arrangeait à cette époque-là. J’ai eu de très bons retours et ça a été une bonne surprise.
Tu as dévoilé ton second disque « Anamnesya » il y a quelques semaines, il est évident que ces deux projets se complètent, les as-tu pensés en même temps ?
Oui, nous avons vraiment réfléchi et poussé le concept au maximum avec mon binôme Robin Morgenthaler avant la pandémie et pendant le premier confinement. Nous sommes partis de l’allégorie de la caverne de Platon, de cette notion d’être enfermé dans une grotte et d’avoir une vérité qui nous est imposée par des ombres et que pour avoir accès à certaines choses de la vie et d’autres vérités, il faut sortir de cette grotte. Une fois qu’on en est sorti et que l’on y revient, ceux qui sont encore dedans ne veulent généralement pas entendre ce que l’on a à dire, tout simplement car chacun doit faire son propre vécu. L’allégorie de la caverne de Platon est plus axée sur le plan philosophique par rapport à la connaissance et moi, je me la suis appropriée plus sur le plan émotionnel, expérience de vie et traumatisme. Lao-Tseu disait également que l'expérience n'est une lumière qui n'éclaire que soi-même. Je suis partie de ce point d’axe-là, le jeu d’ombres, le fait d’être enfermé dans une bulle quand on ne va pas bien et une fois qu’on en sort, qu’est-ce qui se passe et comment on arrive à être en paix avec soi-même.
Ces deux EPS présentent-ils deux facettes différentes ?
Oui, clairement car on passe vraiment de l’ombre à la lumière. Dans « Amnesya », il y a la notion d’amnésie liée aux traumatismes, au fait que les souvenirs sont parfois altérés et que l’on n’y peut pas grand-chose. Alors qu’« Anamnesya », c’est la réminiscence, c’est le fait de se ressouvenir et pour moi, de cela à découlé la reconnexion avec soi-même, avec ses émotions, le fait de reprendre possession de son corps, d’avoir le corps et l’esprit alignés, de s’accorder de la bienveillance et de l’amour. J’ai voulu présenter un album en deux étapes car je les vivais moi-même tout simplement ; c’était complètement cohérent. Dès le début, nous avions déjà projeté la pochette 1 et la pochette 2, nous avions vraiment une vision globale de cette première présentation.
As-tu testé de nouvelles choses d’un point de vue musical sur « Anamnesya » ?
Oui, le titre « Demain » est beaucoup plus électronique, un peu plus club, un peu plus Techno et cela illustre un peu mes amours d’adolescence. Nous sommes allés chercher des sonorités un peu différentes, plus brutes mais qui allaient toujours dans le sens du propos. On retrouve la notion d’exutoire dans ce morceau car au bout d’un moment, trop c’est trop, on a besoin de se défouler et le fait d’aller en club, de se dépenser physiquement, de faire la fête, de voir des amis, cela permet d’exulter ce qui a besoin de sortir. Dans « Rouge Sang », c’est pareil, nous sommes allés chercher des sonorités beaucoup plus chaleureuses et sensuelles ; chose que je n’avais absolument pas exploré dans le premier EP qui était très froid.
Quels thèmes abordes-tu sur ce nouvel EP ?
Sur ce nouvel EP, je parle notamment de pardon, de self bienveillance, de connexion à sa propre sensualité, à sa féminité, d’accepter d’être bien dans son corps tel qu’il est sans jugement avec amour, de dépression, d’accepter ses parties sombres, d’amour universel…Je suis extrêmement triste de voir la violence du monde en règle générale, je trouve qu’il n’y a que très peu de place pour les gens qui s’aiment ; qu’importe la couleur de l’amour ; et dans « Ô Nuit », j’aborde également l’histoire de Gad Beck.
Peux-tu nous en dire plus sur cette chanson et sur cette histoire ?
J’ai été contactée pour participer à l’Eurovision et j’ai écrit cette chanson à ce moment-là. Je me suis demandée ce que j’aimerais défendre à ce concours et je me suis dit qu’il y avait encore trop d’endroits dans le monde où l’on ne peut pas être libre d’aimer qui l’on veut tel que l’on est ; je parlais typiquement aussi d’homosexualité. Je voulais écrire une chanson qui prône l’amour et qui envoie une sorte de miroir à ceux qui critiquent les autres afin qu’ils se regardent et qu’ils regardent le mal qui font au monde. J’ai été énormément marquée par l’histoire de Gad Beck que j’avais lue dans « Traité des Gestes » de Charles Dantzig. Durant la seconde guerre mondiale, Gad Beck était amoureux d’un autre homme qui s’était fait emprisonné à Auschwitz avec toute sa famille. Après avoir trouvé un costume SS, Gad Beck est allé là-bas, il est arrivé à faire sortir son amoureux de la prison mais cet homme n’a pas voulu le suivre, il a fait le choix de rester avec sa famille dans ce camp de concentration et il y est mort. J’avais en tête cette image très forte de Gad Beck qui regardait l’homme de sa vie se retourner et rerentrer à Auschwitz, j’ai imaginé l’intensité de cet amour complètement caché et cette histoire m’a énormément portée dans l’écriture de cette chanson.
« Amnesya » et « Anamnesya » vont-ils être réunis physiquement afin de constituer un album que ce soit en CD ou en vinyle ?
Je ne sais pas…peut-être…j’aimerais bien en tout cas. Comme je suis une artiste complètement indépendante ; je n’ai pas de distributeur ni de tourneur ; c’est un chemin de longue haleine même si ça se passe bien. Faire un album physique, cela coûte de l’argent…je vais donc voir mais nous avions déjà réfléchi à une pochette qui réunirait les deux EPS ainsi qu’à un album deluxe avec des nouveaux titres qui ne seraient disponibles que dans la version physique…Il y aura quelque chose mais où, quoi, comment, je ne sais pas encore.
As-tu dans l’idée de proposer des variations de ce double projet ; des remixes, des versions acoustiques ?
Des versions acoustiques, oui car je fais déjà pas mal de concerts en piano-voix mais aussi avec des harmonies puisque trois choristes viennent chanter avec moi. Des remixes, je ne pense pas.
Peux-tu nous parler de la mise en images de « Demain » ?
Il y a un lien direct avec le premier EP à savoir le personnage de l’ennemi féroce qui est le point de départ de mon projet. L’ennemi féroce représente le boycotteur qui est en chacun de nous ; il vient toujours dans l’autodestruction, la réflexion malsaine…C’est un référence directe à « L'Héautontimorouménos » qui est un texte de Baudelaire ; ce terme signifie bourreau de soi-même. Je me suis crée moi-même mon propre bourreau, cet ennemi féroce est un peu mon double maléfique. J’avais envie qu’il soit présent dans le clip de « Demain » car cette chanson parle de dépression, d’isolement, d’aller mal mais aussi du fait de se reconnecter au monde, de sortir, de voir des amis, de danser car demain, ça ira mieux en fait. Dans ce clip qui a été réalisé par Valentin Hollingshausen du Studio Parnas, je suis accompagnée de cet ennemi féroce afin de boucler la boucle entre ces deux EPS. A l’image, je voulais montrer que même si l’on sort, que l’on exulte et que l’on est entouré, on peut se sentir extrêmement seul. A la fin du clip, ce lever de soleil côte à côte illustre le passage de la nuit au jour et la bienveillance que l’on s’accorde à soi-même.
Es-tu plus tournée vers demain ou hier ?
(Rires) Demain ! Je suis nostalgique, hier est beau mais demain n’existe pas encore et tout est possible.
T’illustrer encore plus dans le domaine visuel te tenterait-il ?
Oui, que ce soit dans la réalisation ou dans l’acting. J’adore les collaborations aussi bien dans l’écriture, la composition ou dans l’artistique en général. Je pourrais réaliser des clips mais je fais déjà beaucoup de choses toute seule ; je suis productrice, éditrice… ; et je suis heureuse de pouvoir artistiquement être entourée de personnes qui ont une vision à la fois commune et complémentaire à la mienne. Il y a vraiment un cocon qui se crée avec chaque personne avec qui je travaille. Pour revenir sur l’acting, il faut savoir que j’ai fait des études en comédies musicales et dans le cinéma avec Oscar Sisto et j’adore cela. Quand j’étais petite, j’étais une grande fan de Mylène Farmer et de tous ses clips avec Laurent Boutonnat, je trouvais ça fascinant de faire des courts-métrages ; à l’étranger, on retrouvait cela aussi chez Michael Jackson. J’adore quand les clips apportent quelque chose de complémentaire et racontent une histoire. J’aime mêler les arts et j’aspire à développer ce côté-là ; faire des clips encore plus longs et pourquoi pas, faire un film.
Quels sont tes prochains projets ?
Cet été, je vais travailler sur mon premier album. Une live session devrait sortir la rentrée tout comme un prochain clip pour une chanson présente sur « Anamnesya ». Idéalement, j’aimerais présenter un single inédit début 2024.