Retrouvailles avec Coffees And Cigarettes au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « Roller Coaster » !
Peux-tu nous dresser un petit bilan de ton précédent album « Freak Show » paru à l’automne 2017 ?
« Freak Show » a été un beau tremplin pour nous. Nous ne nous attendions pas à ce que cet album dure aussi longtemps ; nous avons terminé en janvier les dernières dates de cette tournée qui a été compliquée du fait des confinements et du COVID. Durant cette période, le line up a complètement changé car aujourd’hui, sur scène, je suis accompagné d’un violoncelliste et d’une violoniste. Durant cette tournée, nous avons créé plein de choses dont notre label. Ce disque a été plutôt bien reçu par la presse et nous avons pris beaucoup de plaisir à le défendre en live. « Freak Show » était plus sombre que « London Western », cet album m’a permis de plus m’affirmer dans le Hip Hop et de dire des choses plus personnelles ; ce que l’on retrouve encore plus sur le troisième album.
« Roller Coaster » a-t-il pris son temps à cause de la pandémie ?
Il faut savoir que la campagne Ulule de ce nouvel album date de fin 2019 mais nous avons pris du retard dans l’enregistrement de ce disque à cause des restrictions dues à la pandémie. L’altiste qui a joué sur cet album habite en Belgique, ma violoniste réside à Paris et mon violoncelliste à Bordeaux. Avec la pandémie, il était impossible de passer la frontière et toutes nos périodes d’enregistrements tombaient pendant des confinements. Au lieu de bosser dans l’urgence, j’ai préféré tout stopper et j’ai prévenu les fans sur Ulule. Je me suis dit que l’album allait prendre le temps nécessaire même si cela m’a un peu stressé au début. Quand les gens ont bien compris la situation, cela m’a apporté une certaine fraîcheur ; nous nous sommes retrouvés en studio avec mes musiciens et nous nous sommes dit que nous avions enfin le temps. C’était la première fois que nous n’étions pas dans le rush. Nous avions déjà presque fini l’album chez moi et nous avons tout transposé en studio. Il y a eu un vrai moment de travail musical ; je n’avais jamais connu cela sur un album auparavant. Je suis très très content des arrangements de ce disque.
A quoi fait référence ce roller coaster qui donne son nom à ton nouvel album ? Serait-ce tout simplement à la vie ?
C’est simpliste à dire mais c’est ça, c’est la meilleure définition. Au moment de la sortie de « Freak Show », j’ai appris que ma mère avait un cancer et que cela allait être très compliqué. A cette même période, j’étais en plein divorce. Il y avait plein de choses qui étaient en dents de scie dans ma vie. Ensuite, j’ai rencontré ma compagne avait qui je vais me marier. J’ai pris conscience de ces hauts et de ces bas, de cette sorte de vague et je me suis dit que cet album devait parler de cela.
Ce nouveau pas discographique a notamment été annoncé par « Le Syndrome de Peter Pan », ce titre est-il né d’une observation générale ou d’une réalité personnelle ?
Les deux, en fait. Juste avant cette interview, je suis retourné à Sevran où j’ai grandi ; Allée Marianne Oswald. Rien n’a changé, c’est absolument fou. La première phrase de cette chanson parle de ce lieu. « Roller Coaster » aborde les hauts et les bas de la vie et le fait de me réfugier dans l’enfance m’a rassuré un peu à des moments où je me sentais perdu. Pour parler de ma vie et de ma mère dans mes textes, il fallait que j’aborde mon enfance. Même s’il y a des choses un peu génériques des années 80 et 90 dans cette chanson, tout est vrai.
Peux-tu nous parler de la mise en images animée de ce morceau ?
Ce clip est né d’un pur hasard. J’ai rencontré quelqu’un qui faisait de l’animation en 2D notamment pour Arte, j’ai trouvé ça merveilleux, j’ai contacté cette personne afin de lui exposer les idées que j’avais déjà en tête pour la mise en images de ce titre ; le fait notamment que l’enfant se trouve au bord d’une falaise et qu’il doive faire le choix entre rester enfant ou devenir adulte ; mais elle m’a répondu qu’elle n’aurait pas le temps car elle avait trop de travail et elle m’a conseillé de prendre contact avec Louis Paul Caron qui sortait juste des études. J’ai envoyé le projet à Louis Paul et il l’a adoré ; il a eu de belles idées de couleurs pastel qui m’ont tout de suite séduit. J’avais à l’esprit une animation dans le genre du jeu Limbo sur Xbox où un petit personnage avance dans des niveaux. Nous avons vraiment beaucoup échangé durant un mois et comme la pochette de l’album, ce clip a été un pur cadeau pour moi.
Pour rester dans le thème de l’enfance, comment comparerais-tu la tienne et celle de tes propres enfants ?
Du temps de mon enfance, il y avait une grande part d’innocence. Je me souviens que quand je jouais Allée Marianne Oswald, j’étais entouré d’enfants de différentes cultures et nous nous foutions de savoir quelle était la religion des uns et des autres. Nous étions les gamins du quartier et nous jouions tous ensemble. Nos parents nous laissaient sortir et nous faisions notre vie. Moi, maintenant, en tant que parent, j’ai plus de mal à faire cela. La période actuelle est anxiogène et elle n’invite pas à l’innocence, voir des enfants masqués, c’est compliqué, il y a une peur ambiante à l’école. Au-delà de cela, j’ai gardé plein de choses de mon enfance et de mon éducation que j’essaie de transmettre à mes enfants. Ma mère était institutrice, les livres étaient très importants et il n’y a pas une semaine où nous n’allons pas à la bibliothèque pour emprunter des bouquins. Par ailleurs, l’un de mes grands plaisirs est de faire découvrir des films comme « Retour Vers Le Futur » et « Le Roi Et L’Oiseau » à mes enfants. Je ne leur fais jamais regarder des choses de manière innocente, c’est toujours pour les nourrir. C’est de la transmission.
« Roller Coaster » serait-il ton album le plus personnel ? Je pense notamment à la chanson « Emmène-Moi »…
Oui, clairement. A l’époque de « Freak Show », je me sentais impudique quand je parlais à la première personne alors que sur « Roller Coaster », j’assume totalement mais je ne voulais pas que ce soit pathos par rapport aux thèmes. Ce sont mes musiciens qui m’ont invité à plus assumer et à moins me cacher derrière des personnages. Cet album m’a fait vachement de bien, il a été cathartique.
Quelles sont les principales thématiques sur « Roller Coaster » ?
Il suffit de prendre la pochette de l’album, j’adore faire cela. Sur ce roller coaster, on me retrouve moi qui va droit dans le vide. Il y a également des monstres ; le Coselofo que j’ai inventé et qui symbolise le syndrome de la peur de la page blanche chez les artistes et l’Arthropode qui est le grand méchant de cet album, il représente le cancer qui prend ma mère que l’on retrouve d’ailleurs dans sa pince sur la pochette. Pour les thématiques de cet album, j’ai jonglé avec l’imagerie des dessins animés et des thèmes assez durs et profonds sans pour autant tomber dans le pathos. « Emmène-Moi » parle du deuil, de la première impression lors de l’annonce du décès ; il fallait que ce titre sorte en spoken word, c’est le morceau le plus personnel sur cet album et il y a même la voix de ma maman dessus. Au départ, je voulais finir l’album sur ce titre mais il n’était pas représentatif de ma vie et du coup, ce disque se termine avec « Roller Coaster » qui parle de ma meuf et du retour à la joie et au bonheur retrouvé.
On retrouve le titre « Croquemitaine » sur ce disque, ce personnage faisait peur aux enfants ; à l’âge adulte, quel pourrait être ce croquemitaine pour toi ?
Dans Coffees And Cigarettes, il y a deux personnages importants qui sont un peu mon Yin et mon Yang. Quand tout va bien, c’est le grand retour de Jesse Juice qui était là sur le premier album et un peu dans « Freak Show », c’est là qu’il y a les morceaux Electro Swing hyper dansants. Quant à MC Jesse, c’est la partie sombre de moi-même. Il représente toutes les merdes qui me sont arrivées dans la vie. Dans cet album, il était important que le croquemitaine soit là car il représente le moment où l’innocence s’en va et où arrivent les moments de galère et de souffrance. Le gars qui souffre et qui a envie de se venger de tout ce qui il lui arrive, c’est moi, MC Jesse.
Pour quelqu’un qui découvrirait ton projet aujourd’hui et pour reprendre l’un des tes titres de « Roller Coaster », Coffees And Cigarettes, C’Koa ?
(Rires) C’est vrai que c’est un peu un truc hybride à plusieurs têtes. Quand je fais de la musique, je me pose toujours en tant que fan et je me demande ce que j’aimerais voir sur scène. Quand j’ai créé ce projet, j’avais à cœur de faire du Hip Hop mais mélangé à de la chanson et du Rock. J’ai décidé d’appeler ça du Hop’n Roll. Ensuite, j’ai voulu présenter quelque chose que l’on n’a pas l’habitude de voir sur scène dans le Hip Hop, c’est pourquoi j’ai ajouté des cordes et de la vidéo projection de dessins animés qui est synchronisée avec chacune de mes paroles. Coffees And Cigarettes, c’est en gros un fan de cinéma et de Pop Culture qui adore le Hip Hop, la chanson, le Rock et qui fait de la musique ; tout simplement. Les personnes qui ont grandi dans les années 80/90 ou qui adorent le cinéma et la littérature vont forcément retrouver des références dans mes textes.
Comment as-tu prévu de défendre ce nouvel opus en live ?
J’y pense depuis un moment et nous sommes en train de bosser dessus. Il y a toujours de la vidéo. Auparavant, j’étais très pris par ma guitare et figé par rapport au micro sur scène et maintenant, j’ai envie de me libérer de cela afin de donner de l’aisance et de la théâtralisation à nos spectacles. Comme la line up a changé et que Quentin Gendrot est un super guitariste ; au-delà du fait que ce soit un super violoncelliste ; il va prendre certaines parties de guitare de l’album. Sur scène, j’ai envie de garder la narration qu’il y a sur ce disque. Personnellement, je pense que certains morceaux vont être durs à chanter sur scène mais j’ai envie de les affronter. Sur certaines dates, nous prévoyons déjà de faire chanter des enfants de la chorale que l’on retrouve sur « Roller Coaster ». Je veux que ce soit la grosse fête en live même s’il y aura aussi de l’émotion. La tournée a déjà débuté le 18 mars à Poitiers et nous jouerons notamment à Paris le 11 octobre au Petit Bain.
Coffees & Cigarettes - Le syndrome de Peter Pan
Coffees & Cigarettes - LE SYNDROME DE PETER PANRéalisation : Louis Paul CaronLabel : SF RecordEnregistrement, Mixage : Mana Studio - Manuel MeslierMastering ...