Rencontre avec Nicolas du groupe Iaross au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « Apnée » !
D’où vient le titre de votre quatrième album ? Serait-ce une référence à ce monde mis +/- sur pause depuis près de deux ans ?
Oui, c’est une référence à cela mais aussi à ; l’étouffement intellectuel ; la chape de plomb qu’il y a depuis des années voire même des siècles sur les sociétés humaines et surtout celle dans laquelle nous vivons en ce moment. Ce titre est venu à l’époque des Gilets Jaunes ; il y avait déjà un ras-le-bol et cela s’est accentué un peu avec le COVID. Le titre de cet album est d’autant plus parlant aujourd’hui par rapport à notre époque notamment avec les masques.
« Apnée » s’ouvre « La Vitesse » dans laquelle on attend la clameur de manifestants appelant à la résistance. Peux-tu nous en dire plus sur cette superposition sur le texte de cette chanson ?
Cette clameur a été tirée d’une manifestation de Gilets Jaunes a laquelle j’ai participé car c’est un mouvement que j’ai pas mal suivi et dans lequel j’étais assez impliqué. Je trouvais que ce mouvement était profondément humain et qu'il se basait sur des choses douloureuses ; des désaccords profonds. J’ai enregistré la manif et ensuite, j’ai dit le texte dessus. « La Vitesse » est en rapport avec le désarroi de notre société. « La Vitesse » parle du fait que tout va vite et que tout se délite. On ne prend pas le temps de respirer et cela donne des explosions comme celle-là.
Cette introduction donne-t-elle le ton d’un album politiquement dénonciateur/revendicateur ?
Je ne dirai pas que c’est revendicateur…Cet album a été pensé de manière globale et cette introduction est aussi importante que la fin. Ça introduit quelque chose qui est politique mais je ne considère pas ce que nous faisons comme étant militant avec le poing levé. Pour moi, nous faisons quelque chose d’humaniste. Je me vois plus comme un témoin, quelqu’un qui va regarder notre société, qui va avoir une sensibilité, qui va être touché par certaines choses et qui va les retranscrire. J’ai écouté des artistes comme Léo Ferré et Noir Désir qui étaient beaucoup plus revendicateurs. Certes, il y a de la politique dans ce que nous faisons car c’est la vie, ça nous nourrit, ça fait partie de notre quotidien mais je préfère avoir un regard poétique sur les choses et plus tourné sur l’humain.
Quelles sont les thématiques abordées sur « Apnée » ?
« Barbarie » parle des murs érigés entre nous, des cloisonnements, de comment vivre la différence dans la société. J’ai écrit « Ni Pour Eux, Ni Pour Dieu » en regardant un documentaire sur le conflit Israélo-palestinien. J’ai eu cette image d’un paysan Palestinien en larme car il avait tout perdu après avoir été spolié de ses terres par des colons et ça déclenché ce texte-là. « Demain » parle du regard que l’on peut avoir sur des choses dures mais en même temps de l’espoir que l’on a sur les choses que l’on sera amené à faire demain. « Pantins » qui possède un peu un aspect de comptine aborde le fait d’être tout le temps dans un aller-retour, on fait un pas en avant puis un pas en arrière sans vraiment avancer. Principalement, cet album parle de l’humain.
Musicalement, comment avez-vous pensé cet album ? Marque-t-il une évolution par rapport à son prédécesseur ?
Oui, « Apnée » marque une évolution car cela faisait un moment que nous voulions nous tourner vers de l’Electro tout en ayant aussi un côté plus Rock. Notre ancien batteur est rentré à La Réunion, Julien Grégoire qui est un super musicien est venu nous rejoindre et ses influences ont fait que nous nous sommes retrouvés comme par magie dans les directions où nous voulions aller. Les planètes se sont alignées. Je pense qu’il y a un côté plus franc dans notre musique et le jeu de batterie y est pour beaucoup. Par ailleurs, Colin a évolué musicalement, il a basculé vers les synthés modulaires et cela a marqué l’album également.
Avec quels adjectifs synthétiserais-tu l’univers développé sur « Apnée » ?
Sensible, délicat mais aussi rageur et violent.
Finalement, « Apnée » ne serait-il pas une respiration ? Pour vous mais également pour le public…
Pour nous, ce disque est effectivement une respiration. Les deux ans qui se sont écoulés avant de sortir « Apnée » ont été un peu durs mais nous ne sommes pas les seuls dans cette situation ; loin de là. Ce disque a été enregistré en 2019 et il était censé sortir fin 2020 mais il a fallu attendre, attendre et préserver. Le fait qu’il soit sorti maintenant, c’est une belle respiration. Nous avons pu faire des concerts récemment et cela fait du bien. Je suis hyper content. En ce qui concerne le public, j’espère que c’est aussi une respiration ; c’est pensé comme cela, en tout cas.
Pourquoi avez-vous intégré un cover de Léo Ferré sur « Apnée » ?
Nous avons été marqués par Léo Ferré dans notre évolution musicale. C’est un artiste que nous aimons beaucoup tous les trois. Pour moi, Léo Ferré est encore terriblement actuel. Cette reprise nous permettait de montrer qu’il y avait déjà ce rapport entre la poésie et la musique il y a plus de 50 ans. C’était un gros défi de reprendre ce titre et quelque part, c’était une manière de « tuer le père ». Nous avons eu à cœur de garder l’ossature, respecter le chanteur et la chanson tout en la modernisant et en y mettant notre patte. Le choix du titre a été volontaire par rapport à l’album car « La Mémoire et la Mer » est une réflexion sur la nature et cela évoque plein de choses dont la pochette d’« Apnée ».
Peux-tu nous parler de vos envies visuelles pour la mise en images de « Barbarie » ?
J’ai matché sur l’univers assez poétique et onirique de la réalisatrice Ruby Cicero qui a déjà œuvré pour pas mal d’artistes. « Barbarie » étant un morceau qui parle des différences, Ruby a choisi d’évoquer ces choses-là par le biais d’un dragqueen. A l’image, on retrouve un père confronté à des difficultés pour éduquer sa fille et le sujet de l’homosexualité est abordé de façon fine alors que les mentalités n’ont pas évolué depuis 40 ans. Il y a de beaux costumes dans ce clip, une référence à Divine qui était une icône dans les années 70 et 80 et un clin d’œil au film « Pink Flamingos » de John Waters.
L’interprétation des textes est très habitée, vivante, viscérale pour ainsi dire ; l’écriture et l’interprétation sont-elles indissociables pour toi ?
Quand j’écris un texte, il y a toujours un lien avec la façon dont je vais le dire et c’est aussi lié à la musique. Quand j’écris, j’ai besoin d’avoir un support musical et je me projette toujours dans de la parole. Ensuite, nous retravaillons les ossatures des chansons avec les supers zikos avec qui je travaille.
Avec une pareille plume, l’idée de la développer d’un point de vue littéraire t’a-t-elle déjà effleuré l’esprit ?
Oui, bien sûr ; ça me traverse l’esprit. J’ai écrit un recueil de poésies qui n’est pas encore sorti et j’aimerais écrire plus tard quelques nouvelles.
iAROSS // Barbarie - Clip Officiel
Réalisation : Ruby Cicero Directeur photographie : Simon FavierAssistant caméra : Enzo PianettiChef électro : Killyan LardyÉlectro : Camille Gillmann Stylism...
Nouvelle sortie le 19 novembre 2021
https://bfan.link/apnee?fbclid=IwAR1_OV-hNpY-OYO4_AJL8jlDKfgLpGFt4hrRbG5F_Mav6bF-7qWgQIRnrbQ