Retrouvailles avec Isa Somparé au Studio Luna à l’occasion de la parution de son nouveau disque intitulé « Le Monde Est Fou » !

« Le Monde Est Fou » est-il dans la lignée de « Rouge à Rêve » paru 2016 ou as-tu exploré de nouvelles directions ?

Oui et non ; “Le Monde Est Fou” est peut-être dans la lignée de “Rouge à Rêve” au niveau de l’écriture à ceci près que sur mon précédent disque, j’abordais le sentiment amoureux, l’amour, la rupture et tout ce qui peut se passer entre les deux. “Rouge à Rêve” était plus sur l’intimité alors que celui-ci est ouvert sur le monde extérieur. D’un point de vue musical, à priori, ce disque n’est pas dans la lignée de son prédécesseur. “Rouge à Rêve” était plus acoustique avec des petites touches électro alors que “Le Monde Est Fou” est plus radical. Il est beaucoup plus poussé au niveau des sons synthétiques.

Le travail a-t-il été différent sur « Le Monde Est Fou » ?

Oui. Sur le premier, même si c’est moi qui m’occupe des arrangements et de la réalisation de mes albums, j’avais fait appel à plusieurs musiciens qui avaient joué, en studio, avec de vrais instruments, alors que pour “Le Monde Est Fou” qui a été fait durant le confinement, je n’ai travaillé qu’avec deux musiciens ; Léandro Aconcha au piano et claviers et Daniel Blanc à la guitare. Comme nous ne pouvions pas nous retrouver à cause des mesures sanitaires, je leur ai envoyé mes démos en leur demandant des choses précises et ensuite, ils m’ont renvoyé leurs pistes par Internet. Le travail s’est fait à distance et le son est un peu différent car ce disque a été fait avec  plus de machines que le premier, et dans mon Home studio.

Pourquoi n’as-tu pas inclus les titres « Zumba Météo » et « Comment Te Dire » sur ce disque ?

Tout simplement parce que ce n’était pas vraiment le propos. J’ai voulu garder une cohérence dans ce disque. « Zumba Météo » est une chanson très solaire et joyeuse et « Comment Te Dire » également. Ces chansons sont assez légères et même si elles n’ont pas un propos hyper profond j’aime les écrire.  “Le Monde Est Fou” en revanche, même si je pense que l’on s’attache d’abord à la musique, est plus construit au niveau du fond.

Avec un titre comme « Le Monde Est Fou », on pourrait penser que tu vas proposer une musique plus engagée, est-ce le cas ?

Il est vrai que j’avais des choses à dire sur ce disque mais je me méfie du terme engagé car ce n’est pas un album revendicateur. Par rapport aux thèmes abordés sur ce disque, ça pourrait vite devenir politique mais j’essaie de toujours laisser “ouvert” dans mon écriture et surtout je ne porte jamais de jugement, je raconte ce qui me touche.

De quoi parles-tu sur ton nouveau disque ?

Je parle des migrants, de la prostitution, d’écologie, de folie intérieure. Je me suis inspirée de la légende qui entoure le guitariste Robert Johnson qui aurait vendu son âme au Diable pour écrire “Carrefour du Diable”. Dans “Le Lac Léman”, je parle de la folie dans un couple qui ne va pas bien et qui se ment, et “J’attends” traite de cette attente folle durant le confinement…

Qu’est-ce qui te fait dire que le monde est fou ?

Tout ! (Rires) On ne va pas parler politique ou géopolitique mais il suffit de regarder les informations pour être frappé par la folie du monde dans lequel nous vivons ; la pédocriminalité au sein de l’église, ce qui se passe en Afghanistan, l’avenir des femmes dans ce pays, le terrorisme au Mali, le procès du 13 novembre, ce qui se passe en Turquie, au Brésil, Trump, le COVID, la destruction permanente de la Terre au nom du profit…C’est complètement fou ! Le monde l’était peut-être déjà avant mais aujourd’hui, on s’en rend d’autant plus compte car tout est médiatisé.

« Le Monde Est Fou » possède un petit côté voyage, est-ce du vécu ou du fantasmé ?

Ce sont des impressions et des phrases qui me viennent dans des situations que je vis. La chanson “Le Monde Est Fou” m’est venue après un voyage au Canada où j’avais trouvé Béluga mort sur la grève dans une petite anse. Il y avait une ambiance et l’odeur surtout, et j’ai eu envie d’écrire sur les baleines. En ce qui concerne”Porn Geneva”, c’est du vrai. Nous nous baladions à Genève où tout est nickel partout et nous sommes arrivés par hasard dans ce quartier où les filles étaient en vitrine comme à Amsterdam. J’ai été surprise par ce décalage entre ce Genève si propre, si riche et ce quartier où l’on voit la misère financière et surtout psychologique et j’en ai fait une chanson. « Traverser Les Rivières » parle des migrants qui quittent tout et partent loin, ils traversent des terres, des mers, ils risquent leur vie… Je ne l’ai pas vécu mais c’est quelque chose que je peux voir à la télé et ça me touche. Je suis métisse, j’ai une partie de ma famille qui est en Guinée et ils rêvent tous  de venir en Europe. Sur « Traverser Les Rivières », il y a tout un texte en Soussou et c’est mon cousin Issa qui vit en Suisse qui le dit.

Comment qualifierais-tu ton nouveau pas discographique ?

Engagé, élégant, étonnant, beau, je l’espère. Clivant.

Quelles couleurs donnerais-tu à ce disque ?     

Jaune parce que ça se voit bien. C’est la couleur du soleil, elle accroche et je trouve qu’elle donne une certaine pureté à l’image. Violet : un petit clin d’œil à Prince, cette couleur est magnifique et c’est aussi celle du deuil. Rouge : c’est une couleur que j’aime, elle est violente, c’est celle du sang et de la vie aussi. Et peut-être le rose pour la douceur de la voix.

Avoir du temps et faire des détours serait-il le message à retenir de ton nouveau disque ?

Bien vu, c’est dans la chanson « J’attends ». Je ne sais pas si c’est le message mais il est joli. Pour ce titre, je me suis inspirée du poème « Par Les Villages » de Peter Handke. Pour résumer, ce poème dit que passer par les villages, c’est prendre le temps de voir les choses et que le chemin est plus important que le but. Par rapport à notre époque où tout va super vite, je trouvais que c’était bien d’essayer de ralentir un peu. L’éloge de la lenteur, pourquoi pas ? Pour ma part, j’aime quand ça va vite mais j’aime aussi prendre le temps de regarder et de vivre. Flaubert disait qu’une chose est belle quand on la regarde longtemps. Je trouve ça vrai.

Quelles sont tes actualités et/ou prochains projets ?

Le single « Le Monde Est Fou » est sorti le 5 novembre et le clip animé qui l’illustre a été mis en ligne une semaine après. Quant à l’album, il sort le 19 novembre. Nous sommes en train de travailler sur le live afin de défendre ce disque sur scène. Un second titre devrait être extrait de ce disque début 2022…