Rencontre avec Michel Peteau de Cheval Fou au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « Couteau Calme » !
Comment est né le projet musical Cheval Fou ?
Cheval Fou a été mon premier groupe et je dirais qu’en gros, c’est le vrai groupe que l’on fait dans une vie. Nous étions quatre gamins au sortir du lycée et nous avions le même délire. Je venais de voir l’une des premières représentations de Tommy ; l’opéra-rock ; des Who aux Champs-Élysées et le saut de Pete Townshend au dessus de Roger Daltrey est resté gravé dans mes yeux. Je suis ressorti de là en n’étant pas le même. Le lendemain, j’ai arrêté le lycée avec pour ambition de faire Peter Townshend comme métier. J’ai rencontré immédiatement le batteur Stéphane Rossini qui est devenu un ami très présent dans ma vie ; son héros tait Keith Moon, ça tombait très très bien. Le groupe s’est formé et ça a été un délire total pendant huit à dix ans. Nous avons vraiment vécu des choses insensées comme la première partie de Miles Davis à Tabarka et le remplacement de Grateful Dead pour notre premier concert dans Les Halles. Nous avons été complètement transformés par ce groupe. En 1972, nous sommes partis avec toute une tribu de gens dont mon père qui avait créé un journal itinérant ; nous pouvions être quatre-vingt. Nous étions partis avec un nombre insensé de camions, nous étions complètement autonomes et nous pouvions jouer notre musique psychédélique assez puissante où nous le voulions.
Qu’avez-vous fait musicalement parlant quand le groupe s’est arrêté ?
Avec Stéphane, nous avons sorti un disque sous le nom de NYL avec notamment Janik Top le bassiste de Magma. J’ai accompagné également Elli Medeiros à la guitare durant à peu près cinq ans. Ensuite, j’ai monté le duo Pop La Fiancée du Pirate qui a duré huit ans. C’était un tout autre monde dans lequel j’ai oublié ce que j’avais vécu pendant dix ans avec Cheval Fou. Il y a eu également la bande originale du film « Les Nuits Fauves » de Cyril Collard, le groupe Pierrot le Fou avec lequel j’ai sorti trois disques et Superbravo qui existe toujours.
Comment expliqueriez-vous qu’il y ait si peu de disques de Cheval Fou et autant d’espace entre ces deux albums ?
A l’époque de La Fiancée du Pirate, le label Legend Music m’a contacté et m’a rappelé Cheval Fou ; cette parenthèse complètement folle de ma vie. J’ai rencontré Patrick Meynier ; le directeur de la maison de disques ; il m’a dit qu’il aimerait sortir un disque de Cheval Fou car il était passionné de Rock Français des années 70-80. Je n’avais pas de documents sonores de cette époque-là mais il en a retrouvé grâce à des fans qui avaient enregistré des concerts sur cassettes et c’est avec cela que j’ai fait le premier disque de Cheval Fou. Je me suis replongé dans ces concerts où nous jouions très fort et pendant très longtemps et afin que ce CD soit complet, j’ai créé le morceau « La Fin de la Vie… » dont le texte a été parlé par ma fille âgée de trois ans. Ce morceau a eu une vie incroyable pendant une vingtaine d’années et on m’en a parlé aux quatre coins du monde ; d’Inde, de Californie…Cheval Fou m’est revenu dessus grâce à Armelle Pioline ; avec qui j’œuvre dans Superbravo ; qui m’a demandé pourquoi je ne remontais pas le groupe. Du fait du confinement et du temps que nous avions à disposition, je me suis retrouvé seul en studio et ce second album est né. Je tiens à dire qu’Armelle qui chante sur ce disque m’a donné une énergie incroyable pour qu’il existe.
Comment avez-vous voulu ce disque d’un point de vue musical ?
Tout s’est fait totalement à l’instinct. Pour composer, je m’installe devant mon MAC, j’envoie un riff, tout se met en branle et cela donne naissance à un morceau.
Qu’avez-vous voulu exprimer au travers de cet opus majoritairement instrumental ?
Depuis Cheval Fou, cela fait à peu près trente d’ans d’affilée que je fais des chansons avec des interprètes ; j’ai chanté moi aussi sous le nom de Michel Moi ; mais j’ai ressenti le besoin de revenir à l’instrumental pour le rêve. Tout le monde peut écouter un instrumental, y voir ce qu’il veut et partir dans un rêve total. J’aime bien cette forme de musique car quand il y a des mots, on les écoute. Tous les titres des morceaux qui figurent sur « Couteau Calme » sont libres d’imagination.
Quelle est votre connexion avec les indiens d’Amérique dont on peut entendre des voix sur « Couteau Calme » ?
Cela a commencé avec « La Fin de la Vie Le Début de la Survivance » qui est un texte magnifique du Chef Seattle que j’avais mis en musique de manière très libre sur le premier album de Cheval Fou. Ce morceau a tellement tourné que je me suis intéressé de plus en plus aux Peaux-Rouges qui me touchent énormément. Ce peuple était totalement en harmonie avec la terre et la nature. On peut relire le discours de ce chef Indien et il n’y a pas une ligne qui dénote avec ce que nous vivons en ce moment.
Quelles ont été vos envies visuelles pour illustrer ce nouvel album ?
Quand j’ai rencontré le réalisateur Olivier Séror, j’ai tout de suite eu envie de travailler avec lui et nous avons cherché des idées ensemble. Même si chez lui, il y a plein de masques, ils sont très ciblés ; ils viennent notamment d’Afrique et d’Asie ; c’est en lisant un livre sur la magnifique exposition Les Maîtres du Désordre qui avait eu lieu au Musée du Quai Branly et qui présentait tous les masques des chamans du monde entier que nous avons eu l’idée pour le clip mais nous ne voulions pas utiliser des masques qui auraient représenté des choses trop précises. J’ai rencontré LN Audouy qui a exactement compris ce que nous voulions et elle nous a fabriqué de superbes masques. Dans les clips qui ont été tournés, avec Matthieu Askehoug et Cyril Avèque, nous sommes rentrés dans un trip de chamans complètement perdus dans la forêt en 2021 ; trois chamans en dehors de la société mais heureux de choses très simples.
Votre devise jouer large, libre et fort est-elle en réponse à l’époque dans laquelle nous vivons ?
Oui, aussi, évidemment. Pendant dix ans, j’ai joué dans un groupe qui jouait très très fort, notre batteur avait une double batterie et cela faisait un boucan hallucinant ; nous avions une vraie ampleur sonore. Aujourd’hui pour jouer fort, c’est devenu assez dur, c’est presque devenu un souvenir mais avec Matthieu et Cyril, nous jouons assez fort et nous avons un plaisir énorme à faire cette musique. Nous créons comme si nous peignions un tableau à trois sans aucune limite. A chaque fois que nous sortons du studio de répétition, nous avons le sourire aux lèvres comme si nous avions douze ans. Nous sommes scotchés par le plaisir que nous avons à jouer ensemble et nous nous sommes dit qu’il fallait le partager.
Comme avez-vous rencontré ces deux musiciens qui vous accompagnent aujourd’hui ?
Cyril est un cousin par alliance, nous nous connaissons depuis très longtemps mais nous n’avions jamais joué ensemble. J’ai vu son évolution et je dois dire que c’est un batteur talentueux qui joue de tout. Ça faisait vingt ans que nous nous disions qu’il fallait que l’on fasse de la musique ensemble et là, l’occasion s’est présentée, nous avons sauté dessus et ça l’a fait. Quant à Matthieu qui a déjà une sa carrière tout seul, c’est mon voisin. Avec Superbravo, j’avais partagé une scène avec Matthieu et j’avais apprécié son concert. Un jour en buvant une bière, je lui demandé s’il ne voulait pas devenir le bassiste de Cheval Fou, je lui parlé du climat que je voulais atteindre avec ce groupe et il m’a dit qu’il était à fond pour.
« Couteau Calme » va-t-il bénéficier d’une scénographie particulière afin de développer encore plus le « propos » en live ?
Comme nous étions partis pour faire un clip avec Olivier Séror mais que nous en avons tourné quatre, il a beaucoup de rushes et il va s’en servir pour faire du Vjing avant, pendant et après les concerts. Il y aura donc de la projection mais je ne saurai vous dire ce qu’il y aura vraiment car comme la musique, nous ferons ça à l’instinct. J’aimerais beaucoup garder cet esprit d’improvisation qui s’oublie un peu par les temps qui courent.
Quels sont vos prochains projets ?
La release party de l’album se fera le 17 novembre au Triton et je pense sortir de cette soirée avec une très belle captation. Les deux autres clips à venir sont ceux de « Couteau Calme » et « Habillée De Deux Ailes ». On espère que cet album aura une belle vie sur scène…Au-delà de cela, j’ai envie de casser les codes, j’aurai envie de faire un album tous les six mois d’autant que je pourrais enregistrer chaque répétition tant nous prenons plaisir à jouer ensemble dans ce trio Pop.