Retrouvailles avec Cyril Mokaiesh à l’occasion de la parution de « Dyade » !
« Paris-Beyrouth » ton précédent album est sorti peu de temps avant la pandémie, comment as-tu vécu le fait de n’avoir pas pu défendre ce disque sur scène autant que tu l’aurais dû ?
Ça a été un traumatisme car certains albums sont plus sentimentaux que d’autres et celui-ci, je le mets vraiment en haut de la pile. J’ai quand même eu la chance que cet album ait été défendu par les médias ; nous nous étions vus à cette occasion. Ce disque a eu une existence même si effectivement, il n’a pas pu être tourné sur scène autant qu’il aurait dû et ça a été une frustration. Je ne suis pas défaitiste et je pense que cet album qui est tellement à part aura sa chance sur scène dans les mois à venir. La chance que j’ai eue a été de pouvoir rebondir en profitant de cette période durant laquelle tout le monde était à l’arrêt. Je me suis recentré ; comme beaucoup de gens ; sur ce que je sais faire, l’énergie, l’écriture, les chansons, tout est cela est revenu assez vite. Une chanson en amenant une autre, une rencontre, un duo en amenant un autre, rapidement, j’ai pu aller de l'avant et me dire qu’il y aurait quelque chose après « Paris-Beyrouth ». Aujourd’hui, « Dyade » est sorti mais je ne désespère pas que ce précédent album ait une deuxième vie.
A ce moment-là, avais-tu déjà un autre album dans un coin de ta tête ou est-ce le premier confinement qui a été le déclencheur pour ton nouveau disque ?
Non, au moment où « Paris-Beyrouth » est sorti, je n’avais pas du tout en tête d’écrire des chansons afin de faire un autre album. Il y a vraiment un temps pour tout dans ma manière de construire mes albums. J’ai la chance d’aimer chaque étape. Le temps de l’écriture est important ; il est fondateur ; il y a celui de l’enregistrement en studio ; c’est celui des retrouvailles avec les musiciens ; et il y a celui des concerts qui marque les retrouvailles avec le public. Je chéris chaque étape. Là, c’est le temps d’aller à la rencontre des gens qui a été perturbé et du coup, cela a bouleversé mes cycles. Il a fallu remplacer ce moment exutoire par un moment de recentrage. Ça a mis un petit de temps. J’ai retrouvé le public d’une autre manière par les réseaux sociaux en enregistrant une première chanson ; « Le Jour d’Après » ; avec mon fils qui faisait les chœurs. Ça a été ma manière à moi de dire aux personnes qui me suivent que même si les concerts étaient annulés, elles pouvaient me voir et m’entendre.
D’où est venue cette envie d’un disque totalement composé de duos ?
Les réactions sur « Le Jour d’Après » ont été tellement enthousiastes qu’elles m’ont donné vachement de force ; grâce à elles, je me suis dit que tout n’était pas perdu et j’ai profité de cette chanson pour en écrire une autre et c’est là que l’idée des duos est venue. Assez rapidement, cela a produit un effet boule de neige.
Peux-tu nous donner ta propre définition du terme dyade ?
Je me suis un peu creusé la tête car je n’avais pas envie d’appeler ce disque « Duos ». Je suis tombé sur la définition de ce mot ; dyade ; qui disait que c’est l’ensemble le plus petit d’éléments solidaires. J’aimais bien l’idée que cette année reparte par le plus petit collectif possible en l’occurrence le chiffre deux. Aujourd’hui, nous avons la chance de nous retrouver à plus nombreux et je dois dire que c’est une période dont je profite à fond car ça m’avait vraiment manqué profondément. Je pense que l’énergie trouvée pour faire cet album a été essentiellement puisée chez ces artistes qui ont bien voulu me faire confiance et chanter avec moi.
Comment s’est fait le choix des artistes qui t’accompagnent dans cette nouvelle aventure ?
Ce sont les chansons qui ont dicté les arrangements mais aussi les artistes avec qui j’avais envie de collaborer. Il y a eu plusieurs manières. Parfois, je pensais à quelqu’un et je me disais que ça serait super de pouvoir faire un duo avec cet artiste ; j’avais envie d’en faire un avec Dominique A que j’avais rencontré lors d’une émission radio durant laquelle j’avais senti sa bienveillance. Une fois que je me dis que j’aimerais bien proposer une chanson à un artiste, peut-être que quelque chose reste inconsciemment dans ma manière d’écrire afin que celle-ci soit suffisamment ouverte/séduisante pour qu’elle donne envie à celui auquel je m’adresse ; ça pouvait se faire dans cet ordre-là. Parfois ; comme cela a été le cas avec « La Rosée » que je partage avec Calogero ; c’est en jouant la chanson que je me suis dit que c’était peut-être un refrain, un sujet, une mélodie qui pourrait le toucher. Nous nous croisions depuis plusieurs années, j’ai pris mon téléphone en me disant qu’à ce moment-là, les artistes avaient aussi peut-être envie de partager de la musique, je me suis lancé et j’ai eu cette chance.
Partager un duo avec ta sœur ; Laura ; a-t-elle été une évidence ?
Oui, cette idée est vraiment venue avec le thème de la chanson « Honfleur » qui parle de cette ville, de la Normandie et de mes souvenirs d’enfance ; ceux avec elle, ma mère et mon frère. L’adolescence est une période bénie car on est candide et on a la vie devant soi. Durant les vacances, je suivais partout mes ainés. J’ai des souvenirs joyeux, printaniers et ensoleillés avec eux. Ces souvenirs sont comme des peintures pour moi. Chaque fois que je reviens de vacances en voiture et que je peux passer par Honfleur, j’aime m’y arrêter car c’est une ville magnifique qui représente vraiment quelque chose pour moi. Quand le texte de cette chanson m’est venu, je ne voyais pas qui d’autre que ma sœur aurait été plus légitime pour le chanter.
Chaque artiste a-t-il apporté un peu de son univers dans le tien ? Avez-vous œuvré à la manière d’un « ping-pong » ?
Oui d’autant plus que j’ai choisi des artistes qui ont beaucoup de personnalité. A partir du moment où un artiste vient poser sa voix, ça enrichit la chanson et ça la tamponne d’un marqueur qui vient de sa singularité. Quand Keren Ann est venu poser sa voix sur la mienne, elle m’a proposé des choses en termes de tonalité. Le ping-pong dont tu parles, c’est fait en studio main dans la main et cela a donné lieu à des surprises.
Comment se sont déroulées les sessions d’enregistrement ?
Par chance, tous ces artistes étaient dans le même état d’esprit que moi ; nous avions tous envie de nous retrouver en studio afin de faire de la musique vivante.
Vu le contexte actuel, as-tu voulu un disque tourné vers l’avenir sur lequel il y aurait notamment de l’espoir ?
Tout dépend de l’humeur dans laquelle je suis avant d’attaquer un album mais il y a un brief de départ. Je savais par exemple que « Paris-Beyrouth » allait être un album dense ; j’en étais capable et j’avais envie d’aller me confronter à mes origines et à cette culture. Pour « Dyade », je me suis raccroché à l’espoir des jours meilleurs. Nous avons tous été enfermés chez nous à regarder par la fenêtre et en plus, il faisait beau, j’avais envie de me raccrocher à cette image d’un ciel bleu à l’horizon dont on allait bientôt pouvoir profiter.
Quelles thématiques abordes-tu sur « Dyade » ?
Le confinement, les émotions générés par l’isolement forcé, la rupture, le romantisme des grands soirs, les approximations et les mensonges de nos dirigeants…mais essentiellement, cet album se concentre sur l’après car je n’avais pas envie de ressasser tous ces sentiments difficiles qui nous traversaient ; j’avais vraiment envie de croire que cette période allait finir par nous rassembler et que nous allions peut-être tirer des leçons de l’individualisme auquel nous sommes confrontés depuis des années par rapport à la concurrence, la compétition, le chacun chez soi…Pour le coup, nous étions chacun chez soi et nous ne pouvions pas faire autrement que de nous passer des autres mais moi, ils m’ont énormément manqué et j’avais envie de le dire.
Comment vas-tu présenter cet album sur scène ? L’organisation promet d’être « sportive »…
Je vais présenter « Dyade » à La Nouvelle Ève à Paris du 23 au 25 novembre et j’ai le bonheur d’avoir à mes côtés presque tous les artistes sur trois jours. Comme ce sera des concerts de présentation de l’album, je vais également interpréter des chansons puisées dans mon répertoire précédent. C’est bien de pouvoir faire une vraie fête dans un lieu qui est un cabaret populaire et historique du quartier de Pigalle et je suis certain que lors de ces concerts, il y aura du sourire et du partage. Durant la tournée, comme j’ai écrit ces chansons, je peux les chanter tout seul et si de temps en temps, un invité vient me faire un coucou, je partagerai la scène avec lui avec plaisir. Je vais forcément mélanger mes albums tout en proposant des concerts cohérents et qui retraceront plusieurs périodes.
« Dyade » va-t-il donné naissance à d’autres collaborations avec certains artistes présents sur ce disque ?
C’est un peu trop tôt pour le dire mais pour l’instant, ça a donné naissance à des dîners ; ce qui est déjà bien chouette au moment où l’on commence à tomber les masques et où l’on se retrouve pour profiter de la vie, de la culture et des copains. Je me réjouis déjà qu’il y ait une suite à ces collaborations et que l’on continue de se donner des nouvelles. Récemment, je suis allé voir en spectacle Clara Ysé et Raphaële Lannadère. Je continue d’avoir les uns et les autres au téléphone et forcément, il en restera quelque chose. Je n’ai pas fait ce disque pour ça ; loin de là ; mais comme c’est sain, évidemment que je m’en souviendrai et j’espère que ça participera à d’autres événements…Nous nous sommes trouvés, il n’y a pas de raison que nous nous perdions.