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Retrouvailles avec Doris afin d’en apprendre plus sur son nouveau projet musical !

Publié le par Steph Musicnation

Retrouvailles avec Doris afin d’en apprendre plus sur son nouveau projet musical !

Que t’a apporté la sortie de « Garçon » en 2015 ?

« Garçon » m’a apporté un peu de visibilité.J’ai également gagné la confiance d’artistes de qualité. Je pense à Taïro qui m’a invitée à écrire sur son dernier album, ou aux Nubians qui ont collaboré sur mon nouvel Ep.Avoir Nodey aux manettes de « Garçon » m’a beaucoup portée.

As-tu évolué musicalement en trois ans ?

Je ne sais pas si l’on peut parler d’évolution car j’ai l’impression d’avoir toujours fait des disques en corrélation avec mon état d’esprit du moment. Ce nouveau projet est peut-être moins léger que les précédents, même si « Garçon » n’était pas souriant de bout en bout.Disons que j’ai l’impression d’avoir muri mes thématiques plutôt que ma musique.

Quelle a été la genèse de ton nouveau projet ?

Ce projet est né d’un appel, celui de mon arrière grand-mère paternelle qui est camerounaise. Il y a trois ans, j’ai ressenti le besoin de prendre un avion et de partir sur les traces de mon aïeule. Je voulais me recueillir sur sa tombe.En traversant le Cameroun, je pensais me rapprocher de cette femme, marcher sur ses pas, mais en réalité ce voyage me guidait à moi-même. Il a été comme une bénédiction.J’ai écrit mes premières rimes sur le chemin du retour, dans l’avion.

Photo Gael Rapon

Photo Gael Rapon

Comment présenterais-tu ce disque à venir ?

Cet opus c’est ma quête d’identité. C’est une célébration de ma négritude.C’est ma manière de me réconcilier avec chaque parcelle qui me compose, de me réapproprier mon image.Dans ce projet, j’ai également redessiné le monde pour cette petite fille noire que j’ai été. J’ai tenté d’inventer un cocon empli de poésie et de bienveillance pour elle.

Sur ton précédent EP, tu chantais « Cheveux », tu reviens avec « La Couronne De Jeanne » qui aborde également ton patrimoine capillaire. Peux-tu nous en dire plus sur cette importante des cheveux chez toi ?

Très jeune, j’étais mal à l’aise avec ma nature de cheveux car la société semblait dissocier le cheveu crépu du beau, ou du moins, j’avais très peu de modèles pour m’identifier, peu de représentations.Alors à 15 ans, j’ai utilisé des produits chimiques pour lisser mes cheveux.Au final, ma relation douloureuse à mes cheveux posait de plus vastes questions, notamment celles de l’estime de soi ou de l’importance de la représentation.Je parle cheveux mais j’aurais également pu évoquer ma morphologie (forme de mon nez, etc), quand d’autres femmes aux carnations de peaux foncées auraient pu parler de leur couleur (problématique de colorisme).Je voulais arpenter ces plaies de l’âme laissées par l’histoire (esclavage, colonisation) et les panser en poésie.Me libérer de tous les fantômes qui hantent encore plus ou moins insidieusement la société actuelle.

Comment est née ta collaboration avec Les Nubians ?

Les Nubians avaient bien aimé mon Ep  « Garçon » et il s’avère que nous avions un ami en commun, Alexis Peskine qui a d’ailleurs co-réalisé le clip de « La Couronne De Jeanne » (avec Soraya Kallel). C’est Alexis qui nous a mis en contact. Les Nubians sont basées à Brooklyn et je partais aux États-Unis pour mettre en images un de mes clips. j’ai eu l’occasion de les rencontrer là-bas.Cet échange a été magique parce que Les Nubians sont à mes yeux de véritables icônes.Je me souviens, quand je les voyais sur mon écran de télévision plus jeune...c’était fou! Elles m’autorisaient à croire en mes rêves. Enfin des artistes auxquelles je pouvais m’identifier!Les Nubians ont été très disponibles et d’une humilité!! C’était un honneur pour moi de les avoir sur ce projet.

Retrouvailles avec Doris afin d’en apprendre plus sur son nouveau projet musical !

Musicalement parlant, comment présenterais-tu « La Couronne De Jeanne » ?

« La Couronne De Jeanne » est une sorte d’interlude poétique qui introduit mon EP. Pour résumer, c’est une version poème qui est suivie du titre « Libre » également disponible sur les plateformes de téléchargement.J’introduis et je conclus mon EP avec deux poèmes.

Justement, « Libre » est disponible et tu partages ce titre avec LaAerial ; cela veut-il dire que ton nouveau projet sera intégralement participatif ?

Non. Les Nubians et LaAerial sont mes seules collaborations sur « L’Enfant Noire », tout le reste de l’EP est une véritable introspection. Alors je raconte mon histoire toute seule.Pour « Libre », je trouvais intéressant de laisser une femme noire-Américaine s’exprimer, considérant toutes les problématiques autour de la question noire aux États-Unis. Pour te raconter la genèse de ce morceau, j’avais envoyé mon poème « La Couronne De Jeanne » à LaAerial pour qu’elle m’aide à le traduire en anglais. Elle a été tellement touchée qu’elle en a fait un début de chanson, c’est ainsi qu’est né « Libre » . Ce morceau incarne vraiment la sororité.

Vas-tu pousser plus loin ce projet fort et intime en allant par exemple en parler dans des écoles et/ou dans des associations ?

Je t’avoue que je ne m’étais pas posée la question mais j’ai été approchée par une professeure en université qui a fait étudier « La Couronne De Jeanne » à ses élèves. Je ne me rendais pas compte de la portée de mes rimes. Je serais ravie de pouvoir échanger et partager, insuffler l’amour de soi et grandir grâce à ce genre d’échange.

Photo Gael Rapon

Photo Gael Rapon

Quel message aimerais-tu faire passer avec « L’Enfant Noire » ?

L’amour de soi.Ce projet je l’ai baptisé « L’Enfant Noire » car je souhaitais m’adresser à toutes ces petites filles noires qui m’ont bouleversée.À commencer par Pecola, protagoniste du roman « L’Oeil Le Plus Bleu » de Toni Morrison. Pecola est une petite fille afro-américaine qui vit dans l’Amérique ségrégationniste des années 40. Du haut de sa dizaine d’années, elle rêve d’avoir les yeux bleus. C’est son obsession. Elle se dit qu’avec des yeux plus clairs, le monde la regarderait assurément avec tendresse. Toni Morrison explique que la petite Pecola portait « une étoffe de laideur ». Cette enfant était loin d’être laide, c’est juste qu’elle avait été recouverte par la société américaine d’une affreuse étoffe.Mes grands-mères étaient de la génération de Pecola. Même si ces dernières n’avaient pas vécu la ségrégation, elles avaient grandi dans des sociétés construites sur l’idée d’une hiérarchisation de la race (j’entends par race, construction sociale). Alors je me suis demandée si mes aïeules portaient-elles aussi des étoffes. Quant était-il de ma mère? Et moi? Pourquoi à l’âge de Pecola, je fuyais mes cheveux naturels comme elle fuyait ses yeux noirs?Je voulais me débarrasser de ce résidu d’étoffe, entretenu par des plaies mal pansées de l’histoire. Puis je voulais m’asseoir à coté de toutes les petites filles noires du monde entier et les débarrasser de ce tissu empoisonné.J’aspirais vraiment à insuffler l’amour et l’estime de soi.

Si je te demandais de me citer deux mots en rapport à « L’Enfant Noire » ?

Réconciliation et amour de soi.

Retrouvailles avec Doris afin d’en apprendre plus sur son nouveau projet musical !

Quels ont été les retours de tes proches sur ton nouveau projet ?

Sur le dernier titre, j’ai réussi à émouvoir mon père, la consécration! Rires. J’ai eu beaucoup de retours touchants de la part de femmes noires et métissées. C’était émouvant de voir que mon témoignage était finalement celui de beaucoup d’autres femmes. Au-delà de ces retours, j’ai également reçu des mots touchants de personnes qui n’étaient pas forcement racisées, mais qui m’ont remerciée de l’invitation à voyager à travers mes ressentis, et d’être face à des problématiques qu’elles ne palpaient pas toujours. C’est comme si mes rimes avaient engendré une jolie empathie.

Quand va sortir ce nouveau projet ?

C’est prévu pour le mois de juin. Le titre « Masque Blanc » va lancer ce projet. C’est un chanson qui m’a été inspirée par le recueil « Peau Noire, Masques Blancs » du psychiatre Martiniquais Frantz Fanon. Livre qui interroge sur les névroses collectives laissées par l’histoire (notamment le colonialisme).

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