Rencontre avec Jérémie Bossone au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « Cherokee Rose » !
Comment expliquerais-tu le côté habité de tes interprétations ? Est-ce que tu accentues cela encore plus en live ?
Pour le coup, je pense que c’est une question de tempérament. On peut réfléchir sur l’écriture des textes ou sur la réalisation musicale mais en ce qui concerne l’interprétation, cela vient du tempérament de l’artiste. En revanche, je laisse souvent la place à des personnages et à des histoires dans mes chansons et de ce fait, il y a une part d’incarnation à un moment donné et ça, ce n’est pas l'écriture, c'est le bonhomme. Je fais en sorte d'écrire comme je suis. C'est toujours une manière de se rapprocher d'une forme de petite vérité intime. Par ailleurs, même si ce sont des chansons qui sont aussi faites pour être jouées sur scène, je suis très attaché à l'objet, à l'album. Dans le milieu de la chanson, les gens ne captent pas trop cela car pour beaucoup, une chanson s’écoute sur scène. Pour ma part, j'ai grandi avec des albums et dans la construction de ces disques, il y avait un début, un milieu et une fin ; on voyageait en écoutant un album et je suis encore très attaché à cela. Sur album, je donne ce que je donnerai en live, je ne crois pas que ce soit très différent. Sur scène, tu as juste le visuel en plus ; tu as le bonhomme en face !
« Cherokee Rose » est très éclectique d’un point de vue musical. Cela a-t-il toujours été le cas chez toi ou as-tu cherché spécifiquement à ne pas te mettre de barrière sur cet album ?
Là, on touche au cœur du sujet et on pourrait même dire au cœur du problème car au début, ça a été un peu compliqué pour moi parce qu’il est vrai que j'ai tendance à changer de genre d'un album à un autre. Cependant, ma manière d'écrire et ma voix ; et il n’y a rien de plus personnel qu'une voix ; constituent un fil rouge dans mes disques. Mon premier album était très Rock, le second l’était encore plus, j’ai fait des disques plus Rap ou plus Folk, ça varie d'un album à un autre et sur « Cherokee Rose », ça varie d'une chanson à une autre. Chacun peut piocher ce qu’il veut dans cet album mais ce qui m’intéresse surtout, ce sont les gens qui vont accepter le voyage total. J’ai besoin de relief dans ma musique et c’est pour cela que je peux passer d’un murmure à un cri. Il y a des chansons qui appellent certaines formes et d'autres qui en appellent des différentes. J'adore chanter en guitare-voix mais aussi avoir des morceaux plus produits et cinématographiques de temps en temps. Les mots relief et narration sont très importants dans mon travail.
J'ai lu que tu as écrit plusieurs romans mais qu’un seul est sorti à ce jour…comme tes chansons sont assez développées dans la narration, faut-il y voir le condensé de nouvelles ?
On m’a déjà dit que mes chansons étaient proches de courts-métrages ou de nouvelles ; je pense que l’on peut se faire avoir par la forme car dans l’idée, une chanson est courte ; mais en vérité, elles sont plus proches de films ; et notamment de grands films épiques de 03h00, de longs films. La forme chanson étant plus courte, les chansons le sont obligatoirement mais j'atteins souvent des formats qui tournent autour de sept ou huit minutes mais ce n'est pas construit comme une nouvelle car le but du jeu dans cet exercice littéraire est d'arriver très vite à la fin alors que pour moi, tout le parcours compte autant que la fin. Dans mes chansons, je prends le temps de développer des climats et des atmosphères. J’aime développer des choses en cours de route comme dans des longs-métrages.
De quoi parles-tu sur « Cherokee Rose » ?
Paradoxalement, j’aborde des choses intimes et d’autres plus sociales sur ce disque qui est à la fois très personnel et très ouvert sur le monde. Je parle notamment d’amour, de mon passé de sportif ; car à la base, j’étais censé devenir handballeur avant de me faire péter les deux genoux ; de mon combat d'artiste ; ce que c'est que de d'exister dans ce milieu mais aussi ; globalement ; de la situation mondiale notamment cette récupération capitalo-fascisante qui est très inquiétante. En tant qu’artiste, il me paraît difficile de ne pas évoquer cela ; ne serait-ce que par instants car le but du jeu n’est pas de faire un essai philosophique ou social.
Que retrouve-t-on dans l'écriture de ces nouvelles chansons ?
Sur cet album, je passe de l'intime à l'universel et je le fais en voyageant à travers tout un panel d'émotions différentes. Longtemps, je me suis traîné l'image d'un écorché vif dans ce milieu ; mais j'avais certainement tendu le bâton pour me faire battre car j'ai souvent abordé des histoires d'amour qui finissaient mal ; mais chose nouvelle sur « Cherokee Rose », il n’y a pas de chansons d’amour tristes. Je suis assez fier d’avoir écrit des chansons d'amour qui finissent bien dans cet album, c'est relativement nouveau et c'est un petit pied de nez à mes détracteurs.
As-tu des idées bien précises pour des mises en images de certains morceaux ?
Le plus intéressant, dans le roman comme dans la chanson, est de travailler sur une image évoquée et non pas une image montrée. Quand je fais une chanson qui raconte une histoire où chaque couplet est construit comme un épisode qui mène à un autre épisode, j’estime que la chose est finie en soi si elle est réussie et cela pose un problème car on vit dans une société où l’on a besoin de visuels continuellement. Je me pose ce genre de question à chaque nouvel album car j’aime travailler l’outil vidéo mais je me demande toujours quelles chansons choisir car souvent, celles qui sont mises en images sont celles qui sont créés pour être vues en images à l’écoute de la chanson et pas spécialement pour être clippées. Pour ma part, je préfère faire des clips pour des choses moins narratives. Si c’est narratif, je vais juste paraphraser dans un clip et je trouve cela dommage.
Sur « Cherokee Rose », Eminem apparaît comme une inspiration flagrante, quelle a été ta porte d'entrée dans l'univers du Rappeur américain ?
J’avais entendu ses plus gros tubes ; comme le grand public à cette époque-là ; mais je dois dire que c’est Benoît Dorémus ; un camarade de la chanson ; qui m’a mis un peu le pied à l’étrier. Lors d’une discussion, je lui ai dit que Bob Dylan m’avait ouvert les portes de tout et Benoît m’a répondu que dans son cas, c’était Eminem. Comme j’ai une amitié sincère pour Benoît mais également un vrai respect artistique envers lui, j’ai réécouté différemment Eminem après cette discussion et je suis tombé sur « Kim ». J’étais moi-même en train de conclure une chanson de ce type-là, il m’a ouvert une voie et je me suis dit que je pouvais y aller. « Kim » m’a vraiment mis à genoux. Le côté dramatique, cinématographique mais aussi l’énergie d’Eminem me parlent.
Comment synthétiserais-tu « Cherokee Rose » ?
Epique, rageur, tendre, cinématographique, vrai et varié en termes de couleurs et de tonalités.
Pourquoi as-tu choisi d'illustrer la pochette de ton album avec cette photo ?
On y voit un bonhomme qui est assis entre une tombe et un tigre en peluche, cela illustre le fait d’être entre la fin et le début de la vie. Le tigre en peluche renvoie à l'enfance, il y a une notion de tendresse ; on y revient ; mais c’est quand même un tigre et donc, il y a un côté féroce et vorace. On retrouve tout cela dans la chanson éponyme. Quant au tombeau à côté, on notera que j’ai eu le bon goût de ne pas m’allonger dedans, je suis à côté et cela veut dire que ce n’est pas fini. Sur cet album, la chanson « Monumental » évoque une lutte face à un système mortifère qui travaille à nous enterrer quand on a quelque chose à dire. La tombe est comme une épée de Damoclès qui est près de nous. Il y avait du sens dans tout cela.
« N'oublie pas mon fils qu'il faut aimer les hommes » ; sous-entendu l’humanité ; serait-il le message que tu aimerais que les auditeurs retiennent de cet album ?
Il y aurait sans doute tout un tas de messages mais effectivement, celui-là en serait un. Je crois l’humanité et pourtant Dieu sait qu’elle est capable du pire comme du meilleur. Je ne veux pas que l’on mette tout dans un sac et que l’on balance l’humanité même si elle mange cher en ce moment.
Quels sont tes prochains projets ?
La tournée est en train de se mettre en place ; en France essentiellement mais aussi en Suisse. J’ai à cœur de faire vivre cet album sur scène. La promotion va continuer et il se pourrait qu’il y ait des live sessions. Je vais également continuer à faire vivre ma chaîne Youtube de manière un peu différente notamment en revenant sur des coups de cœur et les expliquant.