Rencontre avec deux membres de Sunshade au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « Melanconia Felice » !
Pouvez-vous expliciter le titre du quatrième album de Sunshade ?
Jean-Christophe : « Melanconia Felice » est un album de changement ; il marque un nouveau cycle dans le projet Sunshade ; il y avait l’idée de se déplacer et même de se transporter en Italie. Par ailleurs, je suis quelqu’un qui travaille beaucoup sur la question du souvenir en ce qui concerne le son et les images ; je ne travaille pas avec des références directes. Cette mélancolie heureuse à laquelle renvoie le titre de cet album est très présente dans la musique de Sunshade. Tous nos albums sont très Pop, mélodiques et faciles d’accès ; c’est quelque chose qui m’a toujours intéressé dans la musique que ce soit à travers The Cure, The Beatles, Pixies ou Depeche Mode ; et en même temps, il y a toujours eu cette idée de nostalgie.
Comment est née l’idée de cet album façon road trip en Italie ?
JC : Au départ, j’ai vraiment composé cet album comme une bande originale ; je me suis projeté là-dessus. Le hasard a fait que Camille ; qui interprète les chansons de ce disque ; et moi, nous connaissons tous les deux l’Italie ; nous y avons déjà voyagé ou séjourné. J’ai été amené à commencer cet album et à l’écouter à Venise dans le cadre de la biennale d’architecture. Ces morceaux qui étaient à l’origine des instrumentaux résonnaient avec certaines de mes influences Pop Italiennes et d’anciennes musiques de films ou de séries d’Ennio Morricone ; cela collait vraiment avec ce que j’avais envie d’enregistrer et cet état d’esprit. Ca a été une évidence que ça allait être l’Italie et cette imagerie-là.
Etait-ce une évidence de faire chanter ces nouvelles chansons par une artiste féminine ?
JC : Oui, ça a été une évidence et ça s’est construit comme cela. Quand Mathieu est parti à travers le monde entier pour réaliser un documentaire sur le Paris-Dakar, je me suis retrouvé à travailler sur un projet instrumental car j’ai du mal à ne pas faire de musique et là, il n’y aurait pas eu de Sunshade pendant six mois. Quand Mathieu s’est rendu compte qu’il ne pourrait pas être disponible pour continuer plus que ça, je me suis dit que ce serait un disque composé d’instrumentaux mais j’avais quand même cette idée d’Ennio Morricone avec ces voix de femmes qui sont très loin dans la reverbe. Je ne voulais pas forcément chercher une chanteuse ou un chanteur mais j’avais le souhait de trouver quelqu’un qui puisse porter ces voix qui reprennent des mélodies et c’est en discutant de cela avec Emma et Camille que nous nous sommes dit qu’il faudrait proposer cela à quelqu’un de notre entourage et comme Camille avait envie de chanter, elle s’est dit pourquoi pas. Nous nous sommes amusés à faire une reprise de Daho et nous nous sommes rendu compte que c’était intéressant vocalement bien au-delà du fait de ne faire que quelques voix dans la reverbe.
Camille ; sur cet album, n’as-tu été qu’interprète ou as-tu participé pleinement à la création des morceaux de « Melanconia Felice » ?
Camille : Disons que ça se raconte différemment en fonction de là où l’on prend l’histoire. Initialement, je n’étais pas dans le projet. J’ai été invitée potentiellement en tant que choriste sur quelque chose de beaucoup moins construit pour ma part. Quand je suis arrivée sur ce projet qui était déjà bien avancé sur le plan des compositions, je ne savais pas vraiment ce que j’allais pouvoir apporter car je n’étais pas là pour fabriquer le projet avec eux. Quant Emma s’est lancée dans l’écriture des textes, je m’y suis retrouvée de manière beaucoup plus intuitive. Chacun de nous a amené à sa façon quelque chose de très personnel dans le projet ; pour ma part, c’était très cohérent avec ce qui se produisait d’un point de vue personnel dans ma vie. J’ai construit avec eux ce projet-là comme on se met à reconstruire quelque chose, un moment ou une histoire. Il y avait quelque chose de beaucoup plus anarchique, organique et crédule en même temps car quand je suis arrivée dans ce projet, je me suis laissé porter par Emma et Jean-Christophe qui savaient vraiment ce qu’ils faisaient et avec cet environnement-là, ça a évolué dans le bon sens, j’ai vraiment trouvé ma place grâce à eux. Au fur et à mesure, c’est devenu quelque chose de collectif sans que l’on s’y soit préparé.
JC : Ma version serait que les femmes ont pris le pouvoir dans ce projet (rires). C’est vrai que Camille est arrivée pour être interprète mais comme Emma a beaucoup communiqué avec elle, ses textes résonnent bien avec Camille. Emma a écrit pour Camille et Camille n’aurait pas été là, Emma n’aurait pas écrit, c’est venu comme cela. Ca a été un vrai échange.
Par quoi as-tu été séduite dans ce projet avec Sunshade ?
C : J’ai beaucoup aimé les précédents projets. J’ai été très touchée par la partie composition mais moins par la partie chantée car c’était en anglais mais c’est à titre personnel car ce n’est pas ma culture musicale même si j’écoute de tout ; je me projette plus facilement dans une chanson en français. Pour « Melanconia Felice », j’ai apprécié cette réappropriation de la langue dans l’univers de Sunshade. Par ailleurs, sur le plan artistique, il y a quelque chose de très complet que j’adore dans l’approche qu’a Sunshade depuis le début. J’aime beaucoup l’aspect graphique et visuel qui marche complètement de pair avec le projet musical. Sur un plan personnel, je ne pensais pas faire cela dans ma vie et ça s’est présenté à moi dans des conditions parfaites.
« Melanconia Felice » s’inscrit-il dans la continuité musicale de ses prédécesseurs ?
JC : Oui car je me suis rendu compte que j’étais attaché à certains sons et à certains ambiances. Quand j’ai commencé le projet Sunshade avec Mathieu qui est également compositeur, il s’est très tôt mis en retrait afin d’écrire et de chanter et il m’a laissé la production. Il faut savoir que je vais assez loin dans les demos et qu’en général, les morceaux produits sont pour ainsi dire les brouillons et cela est une particularité que l’on retrouve sur les quatre albums. Par contre, sur « Melanconia Felice », j’ai eu envie de travailler d’autres sons de synthé, je suis parti sur des choses un peu plus numériques et brillantes dans le son afin de me sortir des sons très nostalgiques de mes synthés analogiques des années 80 que j’aime beaucoup mais qui sont un peu tristes. En dehors de cela, j’ai toujours l’impression de progresser dans la production puisque je bénéficie de l’expérience des albums précédents.
Quels thèmes abordez-vous sur ce disque ?
JC : La séparation, le nouveau départ, le voyage, le fantasme…
Comment chacun synthétiserait-il l’univers de cet album ?
JC : Cet album a été une sorte de bulle pour s’extraire de réalités qui ne sont pas drôles parfois et c’est aussi pour cela que le côté Pop et coloré est très assumé mais il quand même de la profondeur dans les textes. Il y a une forme d’ironie de la situation sur ce disque.
C : Le titre de cet album parle de lui-même. J’ai aimé la possibilité de chanter quelque chose de mélancolique ; donc forcément d’un peu triste ; mais qui possédait une forme d’universalité car les textes peuvent être évocateurs pour qui vit une situation familiale ou amoureuse difficile et se retrouve face à une rupture. Dans cette mélancolie-là, on se retrouve à apprécier des moments ultra doux et simples ; je dirai que l’on revient à des fondamentaux. Pour moi, il y a quelque chose de simple et de sincère dans ce disque.
A quel film déjà existant « Melanconia Felice » pourrait-il servir de bande originale ?
C : « Respiro » d’Emanuele Crialese, quelque chose de très méditerranéen et de très solaire avec une âme féminine qui prend vraiment le dessus sur toute l’histoire et cette idée de fuite mais avec le sourire. C’est un film magnifique.
JC : « César et Rosalie » de Claude Sautet, je pense que ça marcherait pas mal mais pour le coup, c’est mon côté 100% nostalgique et retro qui parle.
Pouvez-vous nous en dire plus quant aux illustrations d’Emma ?
C : Emma a commencé par travailler sur des visuels qui ne sont pas du tout ceux que l’on peut voir aujourd’hui. Il y a eu beaucoup de recherche, elle est passée par des univers plus statiques et plus colorés. Ensuite, nous sommes partis sur le projet de clip pour illustrer « Là bas » qui est très singulier puisqu’il n’a rien à voir avec l’univers graphique que l’on retrouve dans la publication de l’album. Il y avait quelque chose de transversal que je trouvais hyper fort car n’étant pas moi-même issue du milieu de la musique, je me suis retrouvée dans ce côté hybride.
JC : Sur notre premier album, Emma avait fait une image dédiée à chaque titre, c’est presque une habitude que nous avons. Il faut savoir qu’Emma ne souhaite aucun texte sur ses dessins ; ça fait partie de la chartre. Pour « Melanconia Felice », nous allons éditer un livre en risographie avec ces visuels rouges qui sont des interprétations de chacun des chansons et il y aura aussi les textes et un QR code qui permettra d’aller écouter l’album sur Soundcloud. Le léopard est la touche personnelle d’Emma et il représente la vie, l’amour, c’est quelque chose qui peut être attirant mais aussi dangereux et on le retrouve sous plein de formes dans les illustrations. Sur ce quatrième album, Emma a écrit les textes mais habituellement, elle n’apparait pas dans notre musique alors que nous devons notre identité à notre illustratrice.
Quels sont vos prochains projets ?
JC : Le livre qui illustre cet album devrait sortir cet été. Nous travaillons sur un clip pour « Room Service ». Si nous faisons du live, ce sera des choses très choisies notamment en appartement ou dans des lieux particuliers car j’ai à cœur de faire quelque chose de parfait de ce point de vue-là donc ce sera certainement plutôt quelque chose avec de l’image. Il se pourrait qu’il y ait des remixes à l’échelle des quatre albums…
Melanconia Felice par Sunshade sur Apple Music
Écoutez l'album Melanconia Felice par Sunshade sur Apple Music. 2024. 13 morceaux. Durée : 42 minutes.
https://music.apple.com/fr/album/melanconia-felice/1748578336