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Rencontre avec Ludo et Butcher du groupe Principles Of Joy au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « It’s Soul That Counts » !

Publié le par Steph Musicnation

(c) William

(c) William

Avez-vous créé Principles Of Joy sur la base de vos influences communes ou avez-vous choisi d’expérimenter une autre direction ?

L : Nous sommes un groupe mais aussi une émanation de notre label ; Q-Sounds Recording ; qui fonctionne comme les vieux labels de Soul tels que Motown et Stax ou plus récemment Daptone. Nous avons un crew de musiciens ; un groupe maison ; qui est capable de jouer derrière différents projets vocaux pour lesquels nous écrivons des répertoires. En ce qui concerne Principles Of Joy, l’idée était de monter un projet à partir du répertoire d’une chanteuse pour laquelle nous avions mis fin au projet car cela n’allait pas du tout humainement ; ce qui se passait avec les musiciens était hors de nos valeurs. Des morceaux étaient écrits et nous avons mis un petit de temps à nous dire que c’était dommage qu’ils ne voient pas le jour. En général, Christelle Amoussou qui est la songwriter du label écrit sur mesure pour une voix, nous trouvions que ces morceaux-là étaient forts et qu’ils méritaient de ne pas rester dans les placards. Nous avons décidé de remonter un projet autour de ce répertoire qui était inexploité. J’ai commencé à demander à des musiciens du label de jouer mais il n’y avait pas assez de gens pour faire un groupe et de ce fait, nous avons recruté un peu à l’intérieur soit par connaissances soit en mettant un message sur les réseaux et les musiciens se sont agglomérés ainsi autour du projet. Tout le monde s’est mis à faire de la Soul soit par envie soit parce qu’ils étaient intrigués. En France, il n’y a pas beaucoup de musiciens qui jouent de la Soul et du R&B au sens 60’s et 70’s. Comme nous sommes le seul label à avoir un tel back catalogue, à avoir consacré toute notre production à ce genre, nous sommes les seuls à avoir un savoir-faire de musiciens dans ce goût-là, nous sommes des spécialistes et pas des généralistes. Nous avons formé les musiciens qui sont arrivés que ce soit au son ou au style sans leur faire perdre leur spécificité.

Quels seraient ces principes de la joie qui baptisent votre groupe ?

B : L’honnêteté, la franchise, la communication, la bienveillance envers les gens qui nous entourent, le fait de ne pas se prendre pour ce que l’on n’est pas, être humble, rester fidèle à ses valeurs.

: Si nous revendiquons le fait d’être un label de Seine-Saint-Denis, ce n’est uniquement parce que j’y ai grandi. Pour moi, cela exprime certaines choses qui sont des particularités de territoire. Quand on grandit en banlieue, on développe certaines valeurs comme faire face à l’adversité, se débrouiller seul, respecter sa parole, être honnête et cela développe forcément l’humilité. Au-delà de cela, le terme principles of joy vient aussi du gospel et même si nous ne sommes pas du tout religieux, c’est souvent associé à cela et la Soul est quand même la version un petite peu profane du gospel. Si pour nous, cette joie n’est pas basée sur celle que l’on peut retrouver dans la ferveur religieuse, elles ont en commun une forme de transcendance car on peut transcender son corps et son âme à travers le moment que l’on vit dans la musique notamment en concert et c’est cela les principes de joie, ça ne veut pas forcément dire faire que des textes marrants.

Que mettriez-vous en avant chez  Rachel Yarabou qui est votre frontwoman ?

B : Le fait que Rachel soit présente et pas que physiquement, elle est là dans l’instant, elle est consciente de ce qu’elle représente, elle arrive à s’adapter vraiment à ce qu’écrit Christelle, elle fait confiance et il n’y a pas beaucoup de gens qui arrivent à se laisser porter par une parolière. Rachel est au service de la musique, elle est à l’écoute et c’est quelqu’un de super humainement parlant.

L : En France, on a beaucoup le mythe de l’auteur-compositeur-interprète et c’est très Français. En vrai, dans la Soul, il y en a très peu. Cela ne veut pas dire que Marvin Gaye n’est pas un grand chanteur mais ce n’est pas lui qui a écrit la plupart de ses chansons et ça, cela donne une forme d’humilité par rapport à la musique car d’une certaine manière, l’interprète est un instrumentiste qui se sert de sa voix et donc de son corps et qui a une position un petit peu spéciale. Rachel a cette force de savoir que l’interprétation est importante et au-delà de cela, c’est une grande chanteuse, elle a vraiment une voix exceptionnelle. Et surtout, c’est une chanteuse qui connaît déjà bien la Soul, ce qui n’est pas si courant que cela en France. Rachel perçoit les enjeux à l’œuvre dans les mélodies et les textes qu’elle interprète ; elle ne se contente pas juste de reproduire une mélodie.

(c) William

(c) William

Pouvez-vous expliciter le titre de votre nouvel album ? Est-ce une sorte de mantra ?

B : Oui, on peut dire cela.

L : Ce titre découle du dernier morceau de l’album qui s’intitule « All That Counts » ; « It’s Soul That Counts » est presque un jeu de mot avec ce titre. C’est comme si ça pouvait tourner en boucle entre le titre et le dernier morceau ; l’univers musical que l’on propose et le détail, cette dernière chanson. D’une certaine manière, c’est un peu comme si l’univers se reflétait dans détail et inversement. Pour en revenir à cette idée de transcendance, ce qu’on a fait de son âme, c’est ce qui compte à la fin d’un concert, d’une journée ou d’une vie.

B : Si on veut pousser le résonnement encore plus loin, le dernier morceau se termine par un fade-out, c’est une boucle qui continue et qui s’éteint ; il y aussi ce côté répétitif comme dans un mantra.

Ce troisième opus s’inscrit-il totalement dans la lignée de ses deux prédécesseurs ? Avez-vous affiné certaines choses ou avez-vous innové sur certains aspects ?

B : Déjà, nous jouons mieux sur ce troisième album et comme nous avons progressé, nous sommes allés dans différentes branches de la Soul. Pour moi, il n’y aucun morceau à jeter sur ce disque, tout est bon, chacun y a mis sa patte, nous nous sommes appropriés tous les titres que nous jouons chacun à notre manière. Pour chaque morceau, il y a vraiment eu une émulation. Tout a été très vite assez fluide. Il y a quelque chose de magique qui s’est produit lors de la composition et de l’enregistrement de ce disque que j’aime beaucoup. Sur deux morceaux, je joue de la guitare acoustique et ce n’est pas hors style, cela reste dans le propos, ça a été intéressant de me permettre de faire ce genre de choses.

L : C’est la continuité parce que c’est toujours nous.

Votre but avec ce troisième album était-il d’enregistrer un disque comme on en faisait dans les années 70 ?

L : Si tu as eu cette impression-là, c’est peut-être parce que nous travaillons sur bandes dans le studio que nous avons monté avec Jérôme notre bassiste. Nous enregistrons sans ordinateur sur bandes, nous mixons sur console et nous aimons certains sons également. Nous avons de beaux instruments et comme nous n’avons pas vingt piges, nous en avons certains depuis longtemps ; nous avons de très belles guitares, de beaux amplis ; et je pense que c’est tout cela qui produit une familiarité de sons. Notre but n’était pas d’enregistrer un disque comme on en faisait dans les années 70, nous le faisons naturellement mais par contre, nous sommes très influencés par les gros classiques de cette période. Malgré tout, il y a des aspects du disque qui font que c’est de la Soul contemporaine car dans la composition ou dans la manière d’aborder la musique, il y a des choses qui n’auraient pas pu se faire dans les années 70.

(c) Bruno Veyrier

(c) Bruno Veyrier

Quelles thématiques abordez-vous sur « It’s Soul That Counts » ?

B : Cet album parle d’injustices, d’amour…

L : La Soul, c’est comme le Hip Hop, c’est une musique qui parle des gens qui la font ; en tout cas, moi, je vois ça comme ça. Ca a toujours été une musique dans laquelle tu exprimes ce que tu vis. Cet album parle notamment du monde qui part en vrille, du réchauffement climatique, de la surexploitation du monde par un capitalisme débridé, de violences policières…

Vous qui en faites en anglais, vous arrive-t-il d’écouter de la Soul en français ?

L : Oui parce qu’on en fait (rires). C’est une bonne question car ça pose la question de la Soul en France depuis que la Soul existe. Ça pose une double question à savoir est-ce que la Soul en France existait avant nous ; évidemment mais elle est ténue, elle n’a pas une histoire très florissante ; et si cette Soul existait, était-elle en français ou en anglais. Cette Soul était majoritairement en français car pour moi, les Yéyés dans les années 60 étaient les premières expériences en la matière car ils traduisaient les gros hits de Soul ; des artistes tels que Sylvie Vartan, Eddy Mitchell, Claude François…A l’époque la Soul était N°1 aux Etats-Unis, ce style trustait les charts et les Français se sont dit qu’en transposant ces tubes dans notre langue, ils allaient se faire de la thune mais je pense qu’en plus, les mecs avaient in goût pour cette musique. Mais pour moi, la France a du mal avec les textes qui ne sont pas littéraires, il faut du Brel, du Piaf, du Brassens…Très rapidement quand ça a marché un peu moins pour ces chanteurs, ils sont passés à la chanson Française. Dans les années 70, ça a été beaucoup plus sporadique, les musiques noires se sont plus retrouvées dans le Jazz ou le Rock progressif mais la Soul en tant que style de chansons avec un refrain et des gimmicks qui se dansent a quand même disparu beaucoup et elle est réapparue à la fin des années 80/début des années 90 avec les premières tentatives de R&B mais ça a été très vite liquidé par les majors de l’époque qui n’ont pas laissé à cette scène indé le temps de grossir comme a pu le faire le Rap Français. Dans les groupes du label, certains chantent en français comme The Vogs par exemple.

(c) Bruno Veyrier

(c) Bruno Veyrier

A quels films déjà existants votre nouvel album pourrait-il servir de bande originale ?

B : Quand j’écoute « Ablaze », je me dis que ce morceau pourrait illustrer un James Bond. L’orchestration pourrait s’inscrire dans un film comme celui-là. « No Justice No Peace » ; quant à lui ; pourrait illustrer un film de gangsters ou un giallo Italien ; quelque chose de noir, d’un peu plus sombre.

L : « No Justice No Peace » est très inspiré par la blaxploitation. Comme j’aime le cinéma de genre, j’aimerais bien que cet album illustre un film de ce genre-là ; un film violent, d’horreur, de zombies ou un film d’amour ; un film comme « Guet-Apens » de Sam Peckinpah ou l’un des longs-métrages de James Franco ou alors un film érotique des années 70 comme ceux de Mac Ahlberg.

Comme parfois la frontière entre la musique Soul et les courants Disco, House et Nu-Disco est très fine, des remixes pourraient-ils voir le jour dans les mois qui viennent ?

B : Pourquoi pas, ce n’est déconnant mais ces frontières existent dans différents styles. Beaucoup de musiciens Soul de la Motown ou de Stax ont fait du Disco par la suite. Il y a toujours eu des mélanges. Nous avons déjà eu des remixes sur notre projet et Ludo mixe aussi de son côté. C’est intrinsèque.

L : Toutes ces musiques sont liées. La House découle du Disco qui est de la Modern Soul. A la fin des années 90, j’ai rencontré Chris Thomas qui a fondé Q-Sounds Recording avec moi et il a l’un des plus vieux labels de Deep House Français ; Qalomota. Si c’est moins le cas maintenant, j’ai produit beaucoup de House sous le nom de Joyful Noise. La House Vocal, la Soulful House et la House Garage font partie de mes influences majeures en plus du Hip Hop. Le Q de Q-Sounds vient du Q de Qalomota car au départ, c’était une subdivision de notre label de House sauf que maintenant ça s’est émancipé. Bien sûr, il y aura certainement des remixes…Dans l’album, il y a des morceaux qui s’y prêteraient très bine. 

Quels sont vos prochains projets ?

: Nous avons une tournée de quinze jours en Allemagne au mois de mai.

L : Il y aura aussi quelques festivals en France cet été. Nous allons sortir un 45 tours sur Unique Records ; un label Allemand assez historique qui date de la fin des années 80. Comme notre studio est assez cool pour cela, je pense que nous allons y tourner des live sessions d’ici l’été.

: Si jamais des programmateurs de SMAC lisent cette interview, ils peuvent toujours nous contacter via nos réseaux ou via notre site WEB.

Rencontre avec Ludo et Butcher du groupe Principles Of Joy au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « It’s Soul That Counts » !
https://www.facebook.com/principlesofjoy/
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