Retrouvailles avec Jeanne Mas afin que la chanteuse puisse répondre aux questions de ses fans !
Pour la première fois, on vous sent totalement apaisée pendant cette période de promo, quelles en sont les raisons ? (Alain)
Je dirai que cela est dû à la bienveillance des gens, à leur gentillesse, à leur accueil et au plaisir que je prends en ce moment à faire cette promo.
Comment ressentez-vous l’industrie musicale aujourd’hui ? Quel est votre regard notamment sur l’émergence du streaming ? (Romuald/Joël)
Je pense que c’est très compliqué d’être artiste aujourd’hui car on vous demande plusieurs exercices. Il faut être alerte à toutes ces interviews que l’on fait car on parle plus que l’on ne chante. Dans les années 80, je chantais plus que je ne parlais, c’était déjà plus mon domaine car parfois, je me suis retrouvée dans des émissions où il fallait beaucoup parler et j’avais la sensation de ne pas être dans mon élément. Il m’est arrivé de faire des interviews sur des portraits qui m’étaient consacrés et ça me mettait presque mal à l’aise car je ne voyais pas pourquoi je devais parler de moi si je ne parlais pas de ma musique. Le métier a changé mais c’est à moi de m’adapter si je veux continuer. En ce qui concerne le streaming, je ne suis pas contre mais je ne vois pas comment les artistes peuvent survivre aujourd’hui avec zéro rémunération sur leur travail alors que les plateformes qui utilisent leurs œuvres s’enrichissent ; il y a des abonnements mais quasiment rien n’est reversé aux artistes. En ce qui me concerne, je préfère mettre mes chansons sur mon site Internet soit à l’achat soit gratuitement afin que les personnes qui le souhaitent puissent les écouter ; moi, ça me rapporte toujours zéro mais au moins, je garde ma dignité. Après, chacun fait ce qu’il veut.
Jeanne ; vous qui avez sur succès grâce à la fidélité de vos fans, vous continuez à vous renouveler et ce malgré très peu de radiodiffusion de vos œuvres récentes, comment expliqueriez-vous cela ? (Cyrille)
Je dois ma motivation et mon envie de continuer à mes fans ; j’ai beaucoup de chance qu’ils soient là pour me soutenir ; mais le succès, je ne l’ai que si mon travail est bon. Aujourd’hui, les médias s’intéressent à « Phosphore » ; et c’est formidable ; ils passent les chansons de cet album, ce qui est totalement nouveau et c'est rassurant. Il y a beaucoup d’éloges sur cet album et sur plusieurs chansons et cela, c’est grâce à mon travail.
Continuez-vous aujourd’hui à travailler dans la réalisation, la production et l’édition de courts-métrages et d’albums pour d’autres artistes ? (Bruno)
Après le COVID, les productions sont devenues extrêmement compliquées. Nous étions en face de nouveaux éléments, il fallait protéger tout le monde et les coûts devenaient insupportables pour ceux qui avaient de petits budgets pour monter des films. Tout devenait très compliqué, il fallait qu’il ait un COVID officer, il fallait faire des tests à tout le monde, les tournages s’arrêtaient dès qu’il y avait la moindre personne qui était contaminée…c’était un vrai gouffre économique et avec mon associé, nous avons décidé d’aider les productions mais sans plus investir vraiment. J’ai bifurqué dans le montage et j’ai partagé mon expérience avec des gens qui avaient besoin d’aide pour développer leurs idées et leurs scenarii. Petit à petit, je me suis intéressée à d’autres choses ; j’ai même été moi-même COVID officer et c’était quand même assez plaisant. Aujourd’hui, j’ai envie de m’investir plus dans les documentaires qui sont une forme de culture des autres et du monde.
Selon vous, quelles qualités font un grand artiste musical ? (Alina)
L’humilité, avant toute chose, car un artiste ne doit jamais penser qu’il est au-dessus de qui que ce soit. Les plus grands artistes que j’ai croisés tout au long ma carrière ont toujours été des gens très humbles, passionnés et respectueux du public.
Êtes-vous nostalgique des années 80 ; période durant laquelle vous avez aligné des tubes devenus culte ? (Xavier)
Non. Pourquoi devrais-je être nostalgique de quelque chose que j’ai vécu ? Ça ne peut pas continuer toute une vie. C’est bien que ça s’arrête à un moment et que l’on puisse faire autre chose. Je vois cela un peu comme des vagues. Par ailleurs, ça nous donne aussi l’envie de nous renouveler car si tout était linéaire, on ne ferait plus aucun effort.
Regrettez-vous d’être partie aux USA où y vivez-vous une vie heureuse ? Y êtes-vous connue ou préférez-vous y vivre incognito ? (Françoise)
Je vis assez incognito en Arizona et je ne regrette absolument pas d’être partie aux Etats-Unis ; je trouve que ce pays m’a énormément appris et donné et surtout, il m’a aidée à rester humble car on ne vous attend pas là-bas ; c’est très compliqué et en même temps, tout est possible. Aux Etats-Unis, j’ai pu acquérir des connaissances et explorer des secteurs que je n’aurais jamais pu explorer en France car j’étais trop Jeanne Mas. Je suis dans l’anonymat là-bas et cela me convient tout à fait car j’aime être une personne parmi d’autres, communiquer avec les gens, être humaine tout simplement. En revanche, je n’aspire pas au bonheur mais au bien-être et j’y suis bien.
J’ai lu récemment que les Américains étaient classés à la seconde place ; derrière le Luxembourg ; des plus gros consommateurs de viande avec 125 kgs par habitant chaque année ; comment y vivez-vous pleinement votre véganisme ? (Stéphane)
Il faut savoir qu’il y a aussi une grande population de végans aux Etats-Unis. Il y a tellement de monde aux USA…c’est quand même l’un des pays les plus peuplés au monde. Il y a une partie des habitants qui aiment la bière et le steak, ils n’aspirent pas à une vie avec d’autres valeurs « saines », ce sont des gens qui enrichissent l’Amérique, l’industrie de la viande et l’industrie pharmaceutique car ils sont tout le temps malades. Mais, il y a aussi un véganisme croissant, de plus en plus de restaurants végans, de gens conscients que la planète est en danger et qu’il faut faire un effort dans notre alimentation pour notre bien-être et pour celui de la planète ; si ce n’est en plus pour protéger les animaux qui ne méritent pas d’aller aussi cruellement dans des abattoirs. En tout cas, aux Etats-Unis, il y a une réglementation très stricte, on n’y tue pas les animaux sauvagement. Si les Américains aiment manger du bœuf, ce n’est pas pour autant qu’ils aiment torturer les animaux mais tout n’est que contradictions dans tous les pays.
Votre amie France Gall chantait « La Seule Chose Qui Compte »…Quelle est la seule chose qui compte pour vous ; en tout cas ; celle qui compte le plus dans votre incarnation actuelle ? (Fabien)
Dans cette incarnation, le plus important est d’arriver à des fins qui soient à la hauteur des attentes spirituelles que l’on attend de moi à savoir de mettre la compassion au centre de ma vie, ne plus juger, m’éloigner de l’égocentrisme afin d’arriver à un état de pureté où l’autre coexiste et fait ; à la limite ; partie de moi.
L’album « Les Crises de l’Âme » aurait-il existé en tant que tel si Daniel Balavoine n’était pas décédé ? On a la sensation que vous aviez repris le flambeau en quelque sorte avec ce disque. (Alain)
Cet album a été marqué par une série de bouleversements dans ma vie ; le départ de Daniel qui était un repère pour moi, la naissance de ma fille ; ça a été beaucoup de choses pour une femme sensible comme moi, je traversais des crises de l’âme et peut-être qu’inconsciemment, j’ai voulu continuer l’œuvre de Daniel.
Seriez-vous intéressée ou favorable à un projet de biopic ou de documentaire biographique dont vous superviseriez le contenu et la réalisation ? Cela permettrait de retracer non seulement la singularité et l’éclectisme de votre travail d’artiste ; des grandes succès à des projets plus confidentiels ; mais également des questions de société qui sont complètement d’actualité et sur lesquelles vous avez été courageusement précurseuse (la question de l’égalité des sexes, les droits des femmes, la lutte contre les discriminations, l’homosexualité, l’écologie…) (Grégory)
Non car je souhaite m’éloigner de mon égocentrisme. Ça ne m’intéresse pas car je n’ai pas envie de parler de moi ou de mes performances dans cette vie présente. Certes, j’ai été en avance sur certains sujets mais je l’ai été sur tellement de choses que finalement, c’est moi qui me suis trompée d’époque ; j’aurais peut-être dû naître quelques temps après mais en même temps, il faut bien qu’il y ait des précurseurs. Dénoncer les violences envers les femmes, les enfants, les homosexuels, c’est extrêmement important et on ne choisit pas son temps, on choisit juste le moment où son cœur a besoin d’exprimer cette révolte.
Depuis un certain temps, vous prônez l’utilisation de l’IA, vos pochettes sont fabriquées à partir d’éléments existants et vos textes flirtent très souvent avec un espace cosmique. Il est clair que la « Jeanne Mas » d’il y a 30 ans est loin de cet univers. A l’instar de La Blonde créé en 2006, ne serait-ce pas le moment de créer un nouveau personnage afin de pousser le curseur plus loin dans la réalisation des clips mais surtout dans une communication plus active et peut-être plus déjantée ? (Patrick)
Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir été un personnage. En revanche, ça me plairait de créer un avatar. On est capable de créer des choses fantastiques avec l’IA, on arrive à exprimer ce que l’on n’arriverait pas à exprimer soi-même physiquement avec un simple photographe même s’il y a des photographes talentueux. J’ai à cœur d’explorer encore plus l’IA pour créer des clips mais aussi de nouveaux types de mixages et de remixes ; j’aimerais comprendre ces nouveaux softwares.
Les concerts au Casino de Paris seront-ils filmés ? Peut-on espérer une sortie en DVD ? (Van/Titi)
Je ne saurais le dire car je ne suis pas productrice du show…Je sais juste que des images seront filmées afin de continuer la promo pour les dates supplémentaires en 2025. Aujourd’hui, on chante devant des centaines de portables et chacun à sa propre petite vidéo de très mauvaise qualité qu’il partage sur les réseaux alors honnêtement, à quoi ça servirait de bien filmer un concert…c’est une offense à notre travail et cela porte plus préjudice aux artistes.
Allez-vous vraiment tirer votre révérence après ces concerts qui célèbrent vos 40 ans de chansons ? (Tatiana)
Je pense que je suis en train de mettre un terme à tout ce que j’ai donné jusqu’à présent sur scène. Je ne me vois pas continuer la scène après ces concerts mais cela ne veut pas dire que je vais tirer ma révérence d’un point de vue musical car la création ne s’éteint jamais…tout est possible. La scène, c’est beaucoup de stress, c’est très prenant physiquement et je ne veux plus vivre cela.
Si la Jeanne Mas de 1984 avait la possibilité de voyager dans le temps et qu’elle vous demandait aujourd’hui si vous avez eu la carrière que vous espériez, que lui répondriez-vous ? A l’inverse, si vous pouviez remonter le temps jusqu’en 1984, quel conseil lui donneriez-vous ? (La Parisienne Life)
C’est la carrière que je voulais avoir et je n’aurai pas de conseils à lui donner car ce qu’elle a fait, elle l’a fait spontanément, avec le cœur et avec beaucoup de naïveté. Comme disait René Crevel : « Il faut beaucoup de naïveté pour créer de grandes choses ». J’ai adoré cette phrase !