Retrouvailles avec Mahrnie au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son EP « Scarlet » !
Pourquoi as-tu attendu autant de temps pour sortir un EP qui regroupe tes quatre singles réalisés par Emmanuel EMO ?
C’est vrai que cela peut paraître bizarre car « Sauvage » est paru en 2018 mais à cette époque-là, j’avais déjà l’intention de sortir un EP mais finalement, mes titres sont sortis les uns après les autres, la parution de « Reines » a coïncidé avec un concert aux Trois Baudets. Il fallait que les sorties se fassent rapidement afin que ce soit raccord avec la promo. J’ai enchaîné ensuite avec « Le Malheur Du Temps » et ce n’est que récemment grâce à mon amie Nicole (Nico & The Red Shoes) que mon EP a pu voir le jour car elle m’a proposé de le publier sur son label NTRS Records et de le distribuer via Kuroneko Media. Comme les quatre titres ont été pensés en même temps et qu’ils forment une continuité, Nicole trouvait ça dommage qu’ils ne soient sortis qu’en singles. Nous avons regroupé ces titres, c’était l’occasion et au moins, ça restera à vie.
J’imagine que d’autres chansons ont vu le jour depuis celles-ci, quand et sous quelle forme vas-tu les présenter ?
Non, je me suis vraiment concentrée sur ces quatre-là. Après le concert aux Trois Baudets, plein d’autres ont été annulés du fait du COVID et comme je suis également comédienne, j’ai travaillé sur un court-métrage, j’ai été prise aussi dans une résidence d’écriture, j’ai beaucoup écrit mais il n’y a pas d’autres chansons qui ont vu le jour. Au fond de moi, je pense que je ne pouvais pas passer à autre chose tant que cet EP n’était pas sorti. « Scarlet » étant ma chanson préférée parmi les quatre, je ne voulais pas me précipiter comme pour les autres, j’attendais le bon moment pour la sortir.
De quoi parles-tu dans « Scarlet » ?
A la base, « Scarlet » était un poème que j’avais écrit à l’âge de 15 ans et qui s’appelait « La Poésie Des Sens ». Dans ce poème, je parlais de l’éveil de nos sens influencés par la nature, le vin, la nourriture…tout était entremêlé. J’ai retrouvé ce poème il y a quelques années quand j’étais à Londres, je l’ai transposé en une chanson en anglais car je chantais dans cette langue-là à l’époque et quand je suis revenue en France, je l’ai adapté en français. C’est un morceau hyper sensuel et enivrant qui parle d’une femme qui se retrouve dans une chaleur extrême durant l’été dans une atmosphère très moite ; le vent qui effleure sa peau et l’humidité sur l’herbe vont éveiller son désir sexuel et elle va s’imaginer avec un homme. « Scarlet » parle de la sexualité féminine et du désir féminin.
Ton premier EP présente-t-il quatre facettes de ta personnalité ?
Complètement mais tout se regroupe. Ce sont des chansons assez engagées, les textes sont très littéraires avec un peu de mystère car mon écriture n’est pas brute. « Sauvage » abordait la libération de la parole des femmes. « Reines » parlait d’une femme qui voulait absolument prendre sa place dans l’espace public et dominer au même titre que les hommes. Mon titre « Le Malheur Du Temps », il abordait les droits des femmes et notamment le droit à l’avortement. « Scarlet » parle du désir féminin et pour moi, la sexualité féminine est tout autant signe de droits des femmes et féministe que le reste. Si on peut parler d’une quatrième vague féministe en ce moment, je pense que c’est vers là que ça va aller, le fait que les femmes apprennent à connaître leur propre désir.
Penses-tu que la femme dans toute sa diversité sera toujours au centre de ton projet musical ?
C’était le cas pour ce projet-là et je pense que ça restera toujours le cas même pour mes projets d’écriture de scénarios ; c’est très lié. En revanche, il y a évidemment d’autres thèmes qui m’importent. Les nouvelles chansons que j’ai écrites tournent beaucoup autour de la nature et des animaux. Dans le fond, tout est lié pour moi ; l’exploitation des femmes, des animaux, de la nature…Je pense que cela restera central car c’est ce qui me caractérise, c’est mon combat à moi au quotidien en tant que citoyenne. Forcément, cela résonnera dans mes chansons.
Comment qualifierais-tu l’univers de ce premier disque court ?
Féministe et engagée mais après, il ne faut pas que cela prenne le pas sur la musique et l’artistique. Dans mon écriture, il y a quelque chose de très poétique ; j’adore écrire ainsi et je ne me force pas à le faire, c’est assez naturel. L’influence littéraire est très présente tout comme l’influence cinématographique. Quand j’écris, je vois les images en premier et après, le texte et la musique arrivent.
Sur ta chaîne Youtube, on peut découvrir deux autres projets ; « Swimming In The Tea » et « Dark Waters ; peux-tu nous en dire plus ?
J’ai fait ces deux projets quand j’étais à Londres entre 2014 et 2016. Quand je suis arrivée à Londres, j’ai commencé à prendre des cours de chant avec une personne qui écrivait pour des artistes émergents. Nous avons travaillé sur des comédies musicales et ça ne me plaisait pas car ce n’était pas du tout mon univers ; je ne me retrouvais pas dedans surtout qu’en général, il faut avoir une bonne voix de poitrine alors que j’ai plutôt une voix de tête. Je me suis mise à écrire et à composer sérieusement, je lui ai abordé mon travail afin qu’il me dise ce qu’il en pensait et là, il m’a dit ok, on arrête les comédies musicales et on se met à faire des chansons (rires). Cette empreinte comédies musicales était un peu présente dans « Swimming In The Tea » car mon co-writer ; Sean Jay ; venait de cet univers-là. En Angleterre ; surtout à Londres ; la comédie musicale est une institution. Ce disque était très Pop, très Anglais, il y avait beaucoup de piano-voix. Petit à petit, j’ai testé plein de styles à la recherche de mon identité musicale et c’est là que j’ai choisi Mahrnie qui est une référence à Hitchcock comme nom de scène. Je suis partie dans quelque chose de beaucoup plus noir et c’est là que le projet « Dark Waters » est arrivé. Je suis allée très loin dans la noirceur et peut-être aussi dans la violence. Mon écriture était beaucoup moins littéraire par rapport à ce que je fais maintenant, elle était plus scénaristique. Je voyais mes séquences, mon personnage, la caméra ; tout ; et je me suis vraiment éclatée. Ce second projet m’a permis de travailler avec d’autres compositeurs et co-writers en Angleterre dont Db Clifford qui a eu pas mal de récompenses aux Grammy Awards, Dom Morley, Marta Salogni qui a œuvré avec Björk…vraiment des très bons. J’ai pu explorer une autre manière de faire en studio dans la recherche du son parfait avec les musiciens et j’ai pu tester mes propres choses dans la prod. J’ai adoré faire ces deux projets Anglais que j’ai remis récemment sur Youtube car ils montrent ma construction.
Comment t’ont-ils servi pour la suite ? Ont-ils posé des bases ou au contraire, as-tu cherché à t’en éloigner ?
Ils m’ont certainement servi pour l’écriture et la composition. « Dark Waters » m’a servi pour la production ; même si j’entendais déjà des choses auparavant, elles se sont précisées sur ce projet. Les chansons de ce disque étaient très longues et j’ai retenu la leçon ; quand j’ai rencontré Emmanuel (EMO), il m’a dit qu’on allait resserrer un peu (rires). Cela m’a permis de me rendre compte qu’il y a des gens qui écoutent derrière, ce n’est pas que moi qui peut m’éclater et partir dans mes délires artistiques, il faut prendre en compte ces personnes. Si je veux que ma musique passe en radio, il faut que je m’adapte. Avec le single « Scarlet », je reviens vers quelque chose d’un peu plus positif et joyeux car j’étais allée très loin dans le côté noir sur « Dark Waters ». La suite ira dans la direction de ce quatrième single.
Il y a une vraie qualité d’écriture dans tes textes, que ou qui retrouve-t-on dans tes inspirations littéraires ?
Pas trop de poésie car je suis assez novice à ce niveau-là. Je trouve que l’on va moins facilement vers la poésie mais c’est peut-être parce qu’il y a des restes de l’école où il fallait apprendre des poésies par cœur (rires) et du coup, cela nous a éloignés du plaisir-même d’en découvrir et pourtant, j’adore cela. Au départ, quand j’écrivais, l’influence d’Antonin Artaud était vraiment présente ; l’écriture théâtrale ; et maintenant, plus précisément, Mona Chollet car j’ai lu tous ses livres ; « Sorcières : La Puissance Invaincue Des Femmes » m’a beaucoup influencée pour « Le Malheur Du Temps ». Je pense également à Virginie Despentes et Virginia Woolf.
Musicalement parlant, quels ont été les artistes qui ont forgé ta culture ?
Britney Spears, Alizée, Zazie et Vanessa Paradis même si cela ne se retrouve pas du tout dans ma musique. J’adore la Pop commerciale, les tubes, le côté dansant et show à l’Américaine. Beaucoup de musique classique et cela est dû à mes études au conservatoire de Dijon.
Quels sont tes prochains projets ?
Je vais continuer la promotion de mon EP, mon dernier clip a été sélectionné pour le Festival du court-métrage en Bugey qui se déroulera les 1er et 02 juillet et j’aimerais partir sur de nouvelles chansons. Je suis en recherche de producteurs pour mon court-métrage et je suis en train d’écrire un premier livre. J’ai vraiment envie de mettre en avant le côté autrice car c’est ce qui fait le lien entre chacun de mes projets.