Retrouvailles avec Thérèse au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « Jealous » !
Quel regard as-tu, un an et demi après sa sortie, sur ton premier EP solo baptisé « Rêvalité » ?
Je crois que j’ai un regard extrêmement tendre et fier aussi sur ce disque. Tendre car ça me fait sourire quand j’y repense, nous avons été un peu tarés ; avec l’équipe ; de sortir un premier titre entre deux confinements en pleine année de pandémie où nous ignorions ce qui allait se passer et d’enregistrer un EP dans la foulée. Le deuxième titre est sorti après le second confinement. Nous ne savions pas combien y allait y avoir de confinements (rires) mais la vie de « Rêvalité » aura été rythmée par ces années de vie en accordéon. Avec le recul, je suis hyper fière de l’avoir fait. Ce disque n’aurait pas pu sortir avant au vu de ce qu’il traite et il n’aurait pas pu sortir après non plus, cet EP est paru tout simplement au bon moment. « Rêvalité » m’a permis de sortir beaucoup de choses qui se passaient à l’intérieur de moi, j’ai pu les mettre en lumière de façon publique et de toucher un public. C’est aussi pour cela que j’ai un peu de fierté même si c’est dur d’être fier dans la musique. Avec l’âge, j’apprends à me taper un petit peu sur l’épaule et à me dire, ok, je ne suis peut-être pas Rihanna, Beyoncé ou qui sais-je mais je suis moi-même et je le suis à mon maximum et il y a des gens qui apprécient cela et qui me suivent. Je trouve que c’est une grande victoire.
Pourquoi avais-tu donné ce nom à ton disque ? Est-ce parce que tu navigues entre le rêve et la réalité dans l’artistique ?
Un grand OUI mais ce n’est pas que dans l’artistique. Dans ma vie tout court, je navigue entre une sorte de paradigme que je me construis dans ma tête et la réalité. Je me suis toujours décrite comme une pragmatique optimiste. Je tends vers quelque chose que je m’imagine dans ma tête mais je pars toujours des éléments qui existent car je ne peux pas faire sans. Ma vie est un aller-retour permanent entre ce que je trouverais de potentiellement idéal à l’instant t car ça peut évoluer et la réalité qui évolue elle aussi. C’est une sorte de voyage où l’on plonge aussi à l’intérieur de soi avant de ressortir pour être dans le collectif. Je crois que ce sont ces mouvements-là qui créent ce que j’ai nommé rêvalité.
Comment a été reçu ton EP aussi bien par le public que par les médias ?
J’estime avoir de la chance car j’ai la sensation que cet EP a été reçu des deux côtés. Je suis souvent étonnée de ce delta qu'il peut y avoir entre la notoriété de mon projet, l’âge qu’il a, son avancement et l’accueil des médias. Je suis agréablement surprise que ce projet puisse autant intéresser les médias et parfois, je me demande pourquoi ; est-ce parce que mon rapport à la société mais aussi à la musique est singulier, est-ce parce que je suis l’une des rares personnalités asiatiques dans le milieu, est-ce parce que je suis l’une des rares de plus de trente ans qui démarre un projet, est-ce que ce n’est rien de tout cela et simplement parce que ça colle à l’air du temps…C’est très difficile de savoir pourquoi on plaît ; c’est comme dans une relation amoureuse. Je le cueille comme un cadeau car je sais que ça peut être éphémère, il n’y a pas de recette miracle, à un moment, ça colle mais on ne sait pas à quoi ça tient. Pour l’instant, j’ai la sensation que ce phénomène perdure et il en va de même pour le public ; les gens qui ont commencé à me suivre continuent de le faire, ils entrent de plus en plus dans mon univers, ils essaient de palper ce qui s’y passe et ils s’ouvrent à mes différents canaux car certains sont entrés par la musique et ensuite, ils découvrent de la mode, du militantisme ou juste mon amour pour la bouffe et vice versa. Sur cet EP, avec le recul, je pense que ce qui a le plus parlé a été « Chinoise ? ». Le sujet de cette chanson a été peu abordé dans le monde de la musique ; et même dans le monde tout court ; je crois que ça a jeté un pavé assez doux dans la mare mais c’était une nécessité.
Tu reviens avec « Jealous », ce single marque-t-il une évolution ou plutôt un approfondissement ?
J’ai envie de dire les deux. A mon sens, on peut évoluer dans la profondeur et dans la largeur. Dans « Jealous », je crois que l’on retrouve ce qui composait déjà Thérèse ; à savoir le mélange entre mes idées, ma direction musicale-artistique globale et ce qu’apporte Adam (Carpels) qui a participé encore plus à la composition par rapport au premier EP. On retrouve également la patte d’Alexandre Zuliani ; notre troisième larron ; qui fait mes prises de voix et qui vient co-arranger, co-réaliser et mixer les titres. J’ai l’impression que nous nous connaissons mieux, que nous nous comprenons mieux et cela nous permet de créer plus facilement ce mélange entre du Hip Hop, de la Pop et de l’Electro. C’est Thérèse évolution Pokémon 2 (rires).
De quoi parles-tu dans cette chanson hyper réussie ?
Merci du compliment ! Comme son titre l’indique, cette chanson parle de jalousie mais pas amoureuse. J’avais vraiment envie d’aborder la jalousie sociale dans « Jealous ». Pour la petite anecdote, cette jalousie en question, j’ai pu soit la ressentir soit la constater autour de moi dans le milieu de la musique. Evidemment, j’ai voulu extrapoler car je me suis rendu compte que tous les êtres humains peuvent éprouver cette émotion-là.
De quoi pourrais-tu être jalouse dans la vie de tous les jours ?
J’ai commencé à écrire « Jealous » quand je me suis rendu compte à quel point je pouvais être scindée par moments ; je pouvais être profondément heureuse de la réussite des personnes que je côtoie et en même temps, absolument trigger ; comme on dit aujourd’hui ; par leur réussite car cela me renvoyait une image de moi qui ne me satisfaisait pas. A cette époque-là, c’était un peu comme le miroir de mes échecs. Entre temps, j’ai travaillé sur moi et je me suis rendu compte que cette vision de la vie était erronée car la réussite des autres n’est pas le miroir de nos échecs, c’est indépendant, c’est le manque d’amour de soi qui vient titiller nos échecs. L’objectif est de réussir à dissocier les deux tout en arrivant à le faire avec un peu d’humour.
Qu’as-tu voulu mettre en avant dans le clip qui illustre « Jealous » ?
La jalousie, si on ne la traite pas ; car je prends ça presque comme une maladie ; si on n’en prend pas soin, on devient un monstre comme dans ce clip. La jalousie, c’est vraiment vouloir posséder des choses qui ne nous appartiennent pas et qui bien souvent ne nous vont pas car elles nous déforment, nous alourdissent, nous rendent faux et qui font de nous quelqu’un de pas forcément beau à voir. Dans ce clip, j’ai voulu montrer une métaphore de ce principe de jalousie à travers une mécanique assez simple. J’ai souhaité rendre ce clip rigolo pour nous aider ; toutes et tous ; à dédramatiser ce sentiment afin de pouvoir rire de nous-mêmes. On peut tous se reconnaître dans cette personne qui envie les muscles ou le sac d’un tel ou tel ou les nichons d’une autre. A la fin, je suis même jalouse d’un chien ; je veux lui voler ses poils, ça n’a aucun sens. Dans la vie de tous les jours, on ne se rend pas compte à quel point c’est absurde car on est pris dans le flow ; on manque de recul et on croit que l’on a raison. Quand on prend du recul, à quoi ça sert d’être jaloux de la voiture de ton voisin, si tu en as envie, tu l’achètes et si tu n’as pas assez les moyens, tu travailles pour essayer de l’acquérir. Tout est une question de priorités.
Tu as de nouveau œuvré avec Adam Carpels sur « Jealous », qu’apprécies-tu chez lui d’un point de vue artistique mais également sur le plan personnel ?
Que dire ! Adam est là depuis le début du projet Thérèse que je porte de façon publique mais en back office, il y a plein de gens qui œuvrent autour et Adam est vraiment l’un des piliers forts de ce projet. Aujourd’hui, je comprends mieux la notion de bras droit. Nous co-composons ensemble et Adam a fait toutes les prods du second EP ; je l’ai laissé faire car nous nous connaissons encore mieux et maintenant, nous travaillons dans la même pièce ; à l’époque, il habitait à Lille ; et c’est beaucoup plus facile. Je trouve qu’Adam comprend vite et aussi très bien mes références, il arrive à les interpréter de la bonne façon ; c’est un fin psychologue dans la musique. Par ailleurs, il est force de proposition. Que ce soit d’un point de vue musical ou humain, c’est la confiance que nous nous portons que j’apprécie énormément.
Tu apparaissais sur son EP « Onirismes », allez-vous développer vos carrières conjointement un peu à la manière des vases communicants ?
Quelque part, je travaille aussi dans l’ombre un peu avec lui sur son projet ; j’écoute beaucoup de ses compositions, je lui amène un certain regard sur ses clips, j’ai fait le stylisme sur « Blinded Knight », je ne suis jamais très loin. Je trouve ça assez chouette d’inverser les rôles, ça permet de se mettre à la place de l’autre sur des sujets différents. C’est une relation qui n’est pas à sens unique. Je ne suis pas Madame Irma, je n’ai pas de boule de cristal et comme je n’aime pas les promesses non tenues, je n’en fait pas non plus…en revanche, je sais que je fonctionne à l’envie et aujourd’hui, nous avons envie d’avancer ainsi. Il est fort probable que dans nos carrières, il y ait un EP Thérèse puis un EP Adam Carpels et ainsi de suite. Nos musiques, nos projets, nos développements humains et personnels se nourrissent ; nous grandissons artistiquement ensemble et cela apporte de la richesse à nos projets. Même s’il y a des similitudes, chacun à son identité et je trouve ça intéressant.
Le visuel a toujours été très important chez toi, l’as-tu encore plus poussé sur scène ?
Oui mais à notre rythme car le live nécessite énormément de logistique et des moyens. J’ai travaillé avec Kim Doan Quoc qui est plasticienne, elle m’a fait des bijoux de micro, elle a réalisé des boules avec des perles et des chaines qui sont très proches de mon identité car on me voit rarement sans quincaillerie ; ma petite caillasse. Pour le moment, comme nous voyageons encore en train, il faut que nous puissions tout porter et j’ai briefé Kim dans ce sans. Par ailleurs, j’ai travaillé avec Luis Ferreira qui est un super lighteur qui a notamment longtemps fait les lumières pour Jeanne Added et là pareil, l’idée était de pouvoir créer une identité visuelle assez forte et assez radicale en live. Pour le stylisme ; mon bébé ; j’ai fait un partenariat avec la marque Superbe pour qui j’avais déjà posé ; Mélanie qui est une bonne copine aujourd’hui m’a fait tous mes slips de scène. En live, on retrouve mon côté Glam paillettes féminin et un côté un peu plus trash avec mes bas résille, je suis soit en baskets soit en boots et j’ai quelque chose d’un peu large en haut afin que je puisse danser. Je m’amuse de cela et c’est une façon d’être la vitrine de ce que je porte comme valeurs et ce que j’ai envie d’incarner en tant que femme dans l’industrie de la musique. On me dit souvent que j’ai un côté à la Peaches et je trouve que c’est un compliment de dingue.
Quelle artiste tendrais-tu à être ?
Je tends à essayer d’être cette sorte de modèle que j’aurais aimé avoir quand j’étais petite et qui m’aurait fait du bien et qui ; j’espère ; fera du bien à plein de petites filles, à plein de petits garçons et à pleins de petits non-binaires.
Quels sont tes prochains projets ?
Un prochain single est prévu d’ici la fin de l’année et un autre suivra probablement avant la parution de l’EP que nous prévoyons au printemps 2023. Nous avons récemment fait une résidence au Théâtre Sénart avec notre nouvel ingé son Jérôme Henry, nous avons étalonné les nouveaux morceaux et nous en sommes très contents mais avant de refaire un nouveau spectacle, je vais devoir faire une pause pour des raisons de santé…J’ai hâte que vous puissiez découvrir tout cela en live quand je reviendrai sur scène l’été prochain !