Retrouvailles avec Toukan Toukän au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de « Disco Dream » !
D’extérieur, on a la sensation que les divers confinements ont été hyper productifs pour vous et que vous avez fait en sorte d’en tirer du positif…sommes-nous dans le vrai ?
Étienne : Un mois avant le premier confinement, nous avions sorti « Le Merveilleux Voyage » et tous les concerts que nous devions faire afin de défendre les titres sur scène sont tombés à l’eau...Comme nous ne voulions pas juste attendre un an que la situation s'arrange, nous nous sommes motivés à composer de nouveaux morceaux, parlant de l'actualité et de nos ressentis face à tout ça. Le premier confinement a été vécu comme une sorte de parenthèse, nous nous sommes dit que nous allions faire des titres et les sortir dans la foulée. On était à distance, on s’écrivait, on s’envoyait des fichiers et on se faisait des vidéos au téléphone. Le but en sortant ces titres était de créer du lien avec les gens et pour nous, de retrouver de l’énergie et du plaisir à faire des choses alors que l’on voyait tout se déliter durant cette période.
Laure : À cause de cette pandémie, nous n’étions plus rythmés de la même manière et pour ne pas tomber dans la déprime et les séries, nous avons fait des morceaux toutes les 2-3 semaines afin de voir ce que cela pouvait donner sans le côté studio et sans la promo. Sans faire de grosses sorties, nous pouvions déjà interagir avec les gens qui nous suivent. On les a d'ailleurs fait participer sur « Take Control ». Ça nous a remonté le moral mais après, il n’aurait pas fallu que cela dure plus longtemps, ça restait bizarre et pas totalement satisfaisant car on adore faire des concerts.
Avez-vous profité de cette période trouble où tout fonctionnait au ralenti pour tester de nouvelles voies ?
E : Il y a eu un peu de cela avec « La Jungle Des Océans » qui était un projet composé d’après l’œuvre « The Outlaw Ocean » du journaliste Ian Urbina qui écrit pour le New York Times. Après avoir publié son livre pour lequel il a enquêté sur tout ce qui se passe en haute mer ; les eaux internationales qui sont des zones de non-droit ; Ian a ouvert son projet à la musique et son concept était de fournir toute la manière sonore de ses interviews ; que ce soit des bruits de bateaux, des enregistrements de lui en train de parler ou des entretiens avec d’autres personnes ; afin de créer comme une bande son originale.
L : Nous avons lu son livre et nous nous sommes mis dans le mood afin de composer cet EP qui est totalement différent de ce que nous faisons habituellement. Ce disque est forcément moins Pop. La méthode de travail a été différente aussi car nous avons plus composé ensemble. Nous sommes partis des samples du travail d’Ian et nous les avons mélangés à nos sons.
E : Le sujet était là et il était grave. Naturellement on n’allait pas faire de la pop dansante, ce n’était pas franchement adapté. Nous avons eu à cœur de mettre nos compétences musicales au service du journalisme pour mettre en musique les histoires du livre qui nous avaient le plus touchées. Même si je pense que notre patte ressort sur ce disque, il est quand même à part.
Au printemps dernier, vous avez sorti « Animal », que représente ce titre pour vous et pouvez-vous nous parler du clip qui illustre ce morceau ?
L : Même avant le COVID, la musique a toujours été un moyen d’extérioriser notamment des désirs, des colères, tout un tas de sentiments et là, du fait de cette situation ; être enfermés, ne pas pouvoir monter sur scène pour un groupe ; c’était puissance 1000. « Animal » a été une façon d'expier cette frustration, nous l’avons fait pour positiver un peu, on sentait que c’était un peu la fin, on pensait que ça allait s’arranger même si on en doutait forcement. « Animal » était notre petite manière de dire adieu au COVID. En ce qui concerne la mise en images de ce morceau, comme tous nos clips, ça part d’un délire et on essaie d’aller au bout.
E : (rires) Celui-là, c’était vraiment une succession d’idées farfelues qui se sont concrétisées.
L : J’ai rencontré Fabrice qui travaille dans un magasin d'accessoires pour la fête : "C' LA FIESTA". Nous avions discuté et il m’avait fait part de ses difficultés liées au COVID, exactement comme nous.. L’idée de faire quelque chose ensemble m’est venue mais je ne savais pas du tout quoi. J'ai embarqué des costumes, nous n’avions pas grand-chose sous la main et nous avons donc fait avec les moyens du bord : un téléphone et un trampoline.
E : Il y avait plein de costumes d’animaux avec de grands poils et on s’est dit que ça réagissait vachement bien au mouvement et c’est de là que nous avons pensé au trampoline. Nous avons construit une narration autour de cela, nous étions les agents de la fêtes, les ambassadeurs, les techniciens de la bamboche !
L : La Méhari jaune du clip symbolise l’été, les vacances, c’est très Pop. Ce clip possédait quand même un message à savoir que l’art, les musiciens ne représentaient pas quelque chose de dangereux durant cette période.
E : Il y avait également un pied de nez par rapport à ce climat de contrôles et de répression.
Après plusieurs EPS, vous annoncez votre premier album avec « Disco Dream », quel a été le déclic pour créer un format long ?
E : Il y avait suffisamment de matière pour envisager un album même si nous avions imaginé revenir en douceur avec un autre EP. Ce sont les personnes à qui nous faisions écouter nos morceaux qui nous ont motivés pour faire un album. Il ne faut pas se le cacher, un long format, c’est une étape importante qui demande beaucoup de boulot, et un album a plus de poids médiatique. Je pense que c’était le bon moment pour le faire.
De quoi parle « Disco Dream » ?
L : Au début de la chanson, ça donne l’impression que le personnage féminin est en train de fantasmer sur un homme dans une soirée banale avec beaucoup de paillettes. L’homme qu’elle regarde est incroyable, il danse super bien mais elle n’ose pas aller sur la piste, elle ne se sent pas à la hauteur et elle attend que tout le monde se soit parti pour se lancer. « Disco Dream » joue à la fois sur le désir des autres mais aussi sur le désir de se sentir bien dans sa peau.
Qu’aviez-vous envie d’exprimer au travers de son clip notamment dans le fait de jouer dans le plus simple appareil ?
E : A l’image, nous avions à cœur que ce soit le fait de s’aimer soi qui était important. Nous l’avons illustré en nous mettant nus pour montrer qu’il fallait y aller et ne pas avoir peur. En revanche, il y avait un vrai enjeu dans ce clip car nous ne voulions pas que les corps nus soit désirables dans le sens sexuel, mais seulement libres.
L : Dans ce clip, c’est la nudité dans le sens nature que nous voulions illustrer. L'expression de la liberté. Rappeler aussi qu'on est tous fait plus ou moins pareil, avec des fesses et des ventres...qu'il n'y a pas à avoir honte de son corps ni de devoir systématiquement le cacher.
« Vas-y, lâche-toi, baby » pourrait-il être le mot d’ordre de Toukan Toukän ?
L : Oui, c'est une formule légère, un leitmotiv, on en a besoin nous-mêmes. On n’a qu’une vie, il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Nous évoluons dans un milieu et dans un monde assez dur, et c'est bien de se rappeler que nos petits complexes ne sont pas si dramatiques, qu'il est préférable de ne pas se gâcher la vie pour ça, même si on est d'accord que ce n’est pas simple...
Que pouvez-vous nous révéler sur votre premier album attendu début 2022 ?
L : Il y aura plus de français sur ce disque qui contiendra des textes plus personnels.
E : Sur cet album, il y aura des choses très différentes ; du français, de l’anglais, de l’acoustique, de la joie de la tristesse.
Toukan Toukän est-il à la croisée de vos références musicales ou êtes-vous partis d’un terrain totalement vierge pour bâtir ce projet ?
E : C’est intéressant comme question car très souvent en interview, on nous parle de nos influences et nous en avons beaucoup d’autant que nous avons surfé sur différents styles musicaux dans nos précédents projets avant de créer Toukan Toukän qui est un peu le mélange de tout cela. Mais, est-ce que l’on ne serait pas parti d’une page vierge quand même…Nous savions que nous voulions faire de la Pop au sens large avec Toukan Toukän et nous ne nous sommes pas mis de carcans dans ce projet.
L : L’objectif N°1 de ce groupe était le lâcher-prise. J’en avais marre d’être timide, de ne pas me sentir à l’aise alors que j’ai un vrai besoin de m'exprimer. Sur scène je voulais danser, je voulais crier. Le rythme et les percussions sont arrivés très vite afin de faire une musique dynamique. La scène a impacté sur l’écriture des morceaux ; à la base en tout cas. Dans Toukan Toukän, rien n’est figé car on évolue tout le temps. Notre terrain d’entente est la Pop et l’avantage, c’est que c'est très large.
Vous êtes loin d’être des novices, quel regard portez-vous sur le chemin parcouru depuis vos débuts ?
L : On a appris à s'assumer et à aller au bout de nos idées sans se juger.
E : On se laisse moins influencer. L’expérience qui s’accumule fait que les choses vont plus vite et quand ça va plus vite, ça permet de moins arriver dans une zone de lassitude.
L : On a appris à faire plein de choses en autodidactes ; le mixage, les clips…
E : Le do it yourself est génial pour expérimenter et s'impliquer d'avantage dans la Direction Artistique des clips.
L : Même si on préfère que ce soit des pros qui s’en occupent car c’est toujours bien mieux réalisé.
De quoi chacun rêverait-il en ce qui concerne l’avenir de Toukan Toukän ?
L : Je rêverais de faire une tournée à l’étranger.
E : Je rejoins Laure là-dessus, une vraie belle tournée à l’étranger. Le peu de fois où nous avons pu y aller, ces moments ont été hyper intenses et intéressants. Le public au bout du monde ne vit pas tes morceaux de la même façon et cela créé quelque chose d’incroyable.
L : C’est hyper inspirant et cela permet de se dépasser ! Toukan Toukän est une recherche d’expériences permanentes.
E : On a clairement envie que ce groupe nous fasse vivre des expériences et qu’il y ait une émulation autour de Toukan Toukän.