Rencontre avec Enzo Enzo à l’Idol Hôtel pour son grand retour avec « Eau Calme » !
Pouvez-vous nous dire pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps avant de vous retrouver avec un nouvel album ?
C’est vrai que je me suis rendu compte en regardant le mémo de ma bio que cela faisait onze ans et c’est rigolo car ce sont les lettres qui sont contenues dans Enzo mais je ne l’ai pas fait exprès. Durant le temps qui s’est écoulé depuis mon dernier album « Têtue » qui était édité chez Naïve qui a maintenant explosé comme beaucoup de labels ; j’ai fait des expériences au théâtre notamment en interprétant des chansons de Marie Nimier avec une violoncelliste et une pianiste, j’ai partagé des projets avec Laurent Veil ; mon « petit frère chanteur » ; avec qui j’avais très envie de travailler. Nous avons crée un spectacle musical assez théâtralisé sur le thème de la famille et cela nous a pris beaucoup de temps. Nous avons joué « Chacun Sa Famille » durant deux festivals à Avignon et nous avons monté une tournée. Je suis devenue coproductrice et ce n’est pas rien. J’ai également travaillé autour du répertoire d’Allain Leprest, j’ai rejoint la tournée symphonique et ça a été aussi une première expérience pour moi…Tout cela a pris du temps ; j’ai changé des choses dans ma vie, j’ai suivi une formation de professeur de chant, j’ai lancé des ateliers pour que les gens se rencontrent dans des quartiers afin de créer une dynamique autour de la voix, j’ai suivi des stages sur le souffle…Je me suis nourrie d’autres expériences et j’ai fait quelques concerts de temps en temps pour chanter mon propre répertoire. Entre temps, de nouvelles chansons sont nées, je les interprétais en concert accompagnée d’un guitariste et à force d’entendre le public me demander où trouver ces chansons inédites, je me suis dit qu’il fallait que les enregistre. Je me suis rendu compte que cela faisait un moment que je n’avais pas eu une actualité qui permettait aux programmateurs de spectacles de m’inviter ; le moment était venu pour moi d’enregistrer ce nouveau disque afin d’avoir assez de répondant pour bien remplir une salle.
Revenir à l’essentiel sur « Eau Calme » a-t-elle été votre envie première ?
Je voulais faire ce disque exactement comme je le souhaitais, c’est-à-dire épuré. Nous jouions déjà ces chansons ainsi sur scène et cela fonctionnait au niveau du plaisir de faire. En étant accompagnée simplement d’un guitariste, j’ai fait évoluer ma manière d’interpréter. Auparavant, j’ai beaucoup joué avec un pianiste et un piano, c’est un orchestre à lui tout seul, il prend un volume sonore mais également un volume dans la pièce alors qu’avec une guitare, il y a quelque chose de beaucoup plus resserré. Les appuis des guitaristes sont différents et cela m’a donné des manières d’aborder ces chansons avec une implication vocale et une lecture qui ont été elles aussi différentes. La musicalité a été différente et c’est aussi pour cela que j’ai voulu que les deux guitaristes avec lesquels je donnais de temps en temps des concerts fassent partie de cet album. A notre époque, c’est un grand engagement de faire le pari d’un tel dépouillement et cela veut dire que l’on accorde une grande confiance aux textes, aux musiques, aux musiciens et en soi-même pour porter ces chansons.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix du titre de ce nouvel opus et sur ce que cet élément représente pour vous ?
« Eau Calme » s’écrit comme de l’eau et je dis ça car cela a fait rire des gens qui pensaient au fait d’être au calme ; tranquille, au vert. Le titre de ce disque renvoie à l’eau qui permet de se laisser porter, de ne pas être obligé de batailler contre les vents, chercher les axes, sortir le spi…Je dirais que c’est un moment de répit et j’avais envie de cela sur un plan personnel mais aussi au niveau sonore. Il y a l’idée de sérénité dans ce titre. On dit que pour être un bon capitaine, il faut avoir traversé des tempêtes ; c’est bon, il y en a eu ; et cette arrivée sur un terrain plus calme, plus calme symbolisait assez bien ce que j’avais envie de vivre et ce qui se présentait à moi.
On vous retrouve avec des inédits mais également avec des réinterprétations de certaines de vos chansons ; pourquoi celles-ci en particulier ?
« Les Yeux Ouverts » et « Juste Quelqu’un De Bien » sont des chansons que le public adore retrouver. Les réenregistrer ainsi, c’était une manière pour moi de les entendre autrement. A l’époque, quand j’ai enregistré ces chansons, ma voix était un peu différente, elle était un peu plus cassée, un peu plus timide et mon phrasé était différent lui aussi. Aujourd’hui, je suis contente d’entendre ces morceaux avec plus de maturité. Je me suis donc fait plaisir sur « Eau Calme » et en ce qui concerne celles qui sont moins connues, ce sont des chansons que j’ai aimé jouer avec ces musiciens en scène en guitare-voix et je pense que cela leur apportait quelque chose ; je pense à « Je N’ai Pas Rêvé » qui est l’une des rares que j’ai écrites. Encore aujourd’hui, j’ai toujours envie de dire ces paroles-là. Réactualiser cette chanson, la remanier avec l’énergie rythmique et les couleurs que lui ont donné les guitaristes, ça me faisait plaisir et cela me permettait d’exposer cette chanson d’album qui n’avait pas forcément été entendue par beaucoup de gens. On retrouve sur ce disque également des reprises qui ne sont pas de mon répertoire mais de ceux d’artistes que j’apprécie notamment « Légère » que j’ai pioché dans le répertoire de Romain Didier avec lequel je travaille beaucoup. Cette chanson a été écrite par Pascal Mathieu qui est le gars qui me fait le plus rire, il a une très belle écriture, il est joueur et plein d’humour et j’ai besoin de cela. J’avais envie de partager cette chanson qui a un développement mélodique qui n’est pas simple pour quelqu’un comme moi qui un ambitus qui n’est pas très étendu. J'ai été très touchée par la chanson « Notre Amour » qui est signée Kent quand je l’ai vu en concert. Moi, en tant que femme, voir un homme chanter son amour dans la durée à sa compagne de vie, ça m’émeut. Kent est vraiment capable de très belles choses. J’ai voulu m’approprier cette chanson en modifiant la structure, en enlevant certaines parties ; si bien que pour le coup, c’est vraiment une revisite de ce titre.
Quelles sont les thématiques de vos nouvelles chansons ?
Ces nouvelles chansons parlent généralement d’acceptation et de confiance. La capacité à s’adapter aux changements de la vie m’importe depuis toujours dans ma carrière. La notion de confiance en ce que l’on est et en l’avenir m’est essentielle. J’ai la chance d’avoir une aptitude au bonheur mais ce n’est pas le cas de toutes les natures. Dans mon travail comme dans la vie, j’aimerais apporter un sourire, une consolation, un espoir, une caresse ou une douceur. Je trouve que, des années après, « Balais de Crin » écrit par Rémo Gary fait un bel écho à « Juste Quelqu’un De Bien ». Cette chanson parle des gens qui sont prêts à prendre ce que la vie offre. Accepter cela, c’est une promesse de mieux-être et d’harmonie. « Accostez-Moi » est une chanson toute simple mais très intime, c’est comme une sorte de prière d’une personne qui en a marre de sa solitude et qui espère en quelqu’un. « Je Lis Dans Mon Sommeil » qui a été composée aussi par Marie Nimier et Art Mengo est une chanson d’amour heureux. Il faut savoir que Marie est auteure de pièces, de nouvelles, de romans et son petit plaisir est d’écrire des chansons. « La Nuit S’Éteint » est une chanson douce et contemplative de Pascal Mathieu. Ce sont des tas de moments saisis de solitude et d’intimité où parfois, on est dans le ravissement. « Des Jours Avec Des Jours Sans » de Juliette Andrea Thierrée est une ode triste qui dit qu’il ne faut pas se contenter de l’état dans lequel on est à un moment M quand c’est un peu difficile mais qu’il faut se dire que tout passe ; un jour après l’autre. J’aime beaucoup cette chanson au texte très accessible. « Arif, Vendeur De Roses » dresse le portrait d’un gars qui vend des roses dans la rue comme on pouvait en voir avant la fermeture des restaurants. Cet homme sait pourquoi il vend des roses même s’il essuie les refus et c’est traité de manière légère et c’est ce qui m’a plu.
Pouvez-vous nous présenter les musiciens qui vous accompagnent sur « Eau Calme » ? Que mettriez-vous en avant chez eux ?
Sur ce disque, je suis accompagnée de Lucien Zerrad que j’ai rencontré il y a quelques années et avec qui j’ai eu l’occasion de jouer sur un spectacle jeunesse. Lucien a notamment sorti « Les Îles Du Désert » un album instrumental de ses propres compositions qui est World pour moi. Lucien me fait rire, il joue bien d’un tas d’instruments. Il a une vraie dynamique. Harmoniquement et rythmiquement, il a un apport que je qualifierais d’exotique. Quant à Eliott Weingand, c’est un touche-à tout. Il a des pulsations et une dynamique très différente car ces deux guitaristes n’ont pas le même âge ; chacun à son propre touché et sa propre expérience et tous les deux m’ont apporté quelque chose de particulier au niveau générationnel et esthétique grâce à leurs goûts. Je dirais qu’Eliott a mis de la légèreté dans ses accompagnements. Eliott possède une véritable ouverture d’esprit. Ça me plaît d’avoir deux générations d’hommes qui peuvent s’entendre à mes côtés et la musique fait le lien entre eux. Chacun m’avait accompagnée sur scène mais séparément, ils avaient tous les deux eu leurs versions, et pour « Eau Calme », nous nous étions dit que chacun allait accompagner les chansons dont il avait l’habitude mais pour certaines ; celles qu’ils avaient accompagnées tous les deux ; je ne savais pas choisir lequel des deux je voulais. Comme ils étaient là tous les deux, ça aurait bête de faire un choix donc nous avons enregistré en direct avec l’un et l’autre après est venu ajouter son grain de sel. Cela a amené un dialogue intéressant et sur scène, ils seront tous les deux à mes côtés.
Comment est né votre duo avec Stacey Kent ?
Durant la période qui a suivi la parution de mon dernier disque ; et cela rejoint la question du début ; je me suis demandé si j’allais continuer à enregistrer des albums car je n’avais plus de maison de disques ; j’étais orpheline de label ; je me suis demandé ce qui pourrait vraiment me motiver et si les gens auraient encore envie que je revienne. A ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que je m’appuie sur deux désirs très forts ; un projet sur lequel je suis en train de travailler et qui représente un travail de longue haleine et l’envie de chanter avec Stacey Kent. J’ai été aidée afin de rentrer en contact avec elle pour lui faire ma demande. J’aime son travail, sa démarche, la délicatesse de ses arrangements, sa manière de poser les choses, son côté Jazz très élégant…Nous nous sommes rencontrées à l’un de ses concerts à Paris et elle a accepté le duo. Il y avait quelque chose d’évident entre nous. Ce duo me fait très plaisir et c’est un grand honneur pour moi.
Vous avez travaillé avec plusieurs auteurs tout au long de votre carrière ; qu’est-ce qui vous touche en premier dans un texte que l’on vous propose ?
Je cherche toujours à être émue ou à rire. Il faut que le thème me parle et que ce soit joliment écrit. J’aime beaucoup la poésie mais parfois dans une chanson, c’est tarabiscoté et ce n’est pas toujours facile à faire passer. J’ai besoin d’avoir une fulgurance pour un texte, pour une mélodie ; je suis une amoureuse et j’ai besoin de m’épandre du propos, de la manière dont c’est écrit ou de la mélodie et parfois, il y a les trois.
A quoi aimeriez-vous inviter l’auditeur avec « Eau Calme » ?
Je voudrais leur offrir de la douceur ; être une tasse de café ou une coupe de champagne avec des bulles très fines dans un moment reposant. J’en ai besoin et je pense que les gens aussi. J’espère qu’ils ressentiront de la douceur, de la gentillesse et un fond de confiance dans ce disque.
Chez qui vous retrouvez-vous dans la chanson française actuelle ?
Pour être honnête, je ne me retrouve chez personne mais en revanche, je peux vous citer des artistes dont j’aime bien l’expression. Je suis très touchée par la voix de Camélia Jordana tout comme celle de Yael Naim, j’ai une admiration depuis toujours pour la voix de Catherine Ringer ; j’aime beaucoup la démarche et la voix d’Arthur H. et j’aime le sens du visuel de Julien Doré dont j’adore les bouclettes.
« Enfin Seuls ! 2 » pourrait-il voir le jour prochainement ?
C’était tellement chouette cette aventure avec Kent ! Qu’est-ce que l’on s’est marré ! Le répertoire était formidable tout comme la formation musicale ; le quintet à vent et les percussions. A vrai dire, je ne crois pas que Kent ait envie de refaire cette expérience car il est dans une expression plus électrique et plus Rock aujourd’hui ; je trouve. Ces dernières années, j’ai déjà travaillé en duo avec un ténor et il y a donc une gymnastique vocale à faire pour adapter les chansons. Je me suis tellement amusée avec Laurent que repartir rapidement sur de nouveau un duo avec Kent, je ne sais pas si je le ferais mais c’est très agréable en tout cas de chanter avec un camarade. Dans les années à venir, si Kent en a envie, pourquoi pas…J’aimerais beaucoup tenter l’expérience de chanter avec un baryton, pour le confort vocal et pour le plaisir de ce timbre-là mais également avec une femme car je n’ai pas fait de création avec une artiste féminine.
Prévoyez-vous de remonter sur les planches quand la situation sanitaire le permettra avec « Chacun Sa Famille » ou un autre spectacle ?
« Chacun Sa Famille » était en pleine tournée, la pandémie a fauché cela et donc de fait, des dates ont été reportées. Ce spectacle sera rejoué, c’est certain mais pour le moment, nous ne savons pas quand. Nous n’avons pas fait de disque de ce spectacle que nous adorons tout comme le public qui a beaucoup ri et beaucoup pleuré et je pense qu’il mérite d’être encore défendu. Nous n’allons pas nous arrêter là. Déjà avant « Chacun Sa Famille », Laurent m’a proposé de travailler sur un projet peut-être plus théâtral donc nous verrons…Laurent est un petit frère, j’aimerais travailler de nouveau avec lui et d’ailleurs, j'ai été invitée à faire un duo sur son propre album.