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Rencontre avec Mathieu Rosaz, un ex-fan des 80’s !

Publié le par Steph Musicnation

Photo Julien Benhamou

Photo Julien Benhamou

Comment te présenterais-tu musicalement parlant ?

Je dirais que je suis au carrefour de pas mal d’influences. Je suis né en 1975 et mes premières émotions musicales ont été les chansons populaires qui passaient à la radio et à la télévision de la fin des années 70 à la fin des années 80. C’est seulement à l’adolescence, au début des années 90, que j’ai découvert ce qu’on appelle un peu pompeusement « l’âge d’or de la chanson française ». J’ai alors remonté le temps grâce à la découverte de Barbara qui a été un choc, une révélation, et qui m’a ouvert la porte à tout un autre visage de la chanson française: je pense à des artistes comme Anne Sylvestre (dont je ne connaissais que les Fabulettes); Juliette Gréco; Cora Vaucaire… Je dirais que je suis un mélange de cette chanson « respectable et noble » et d’une chanson plus « gadget », de tubes commerciaux. Certaines personnes peuvent avoir du mépris pour la chanson de variété commerciale, ce qui souvent m’exaspère car si on passe la barrière des préjugés, on se rend compte que derrières des orchestrations kitsch, il y a de vraies belles chansons et c’est ce que j’ai voulu montrer dans mon spectacle « Ex-Fan Des 80’s ».

On retrouve à plusieurs reprises dans ta discographie la chanteuse Barbara ; tu viens d’ailleurs de nous en parler. Quelle est ton histoire avec cette artiste ?

Barbara ne passait pas à la télévision et pas non plus sur les radios que j’écoutais, et mes parents ne l’écoutaient pas. C’est seulement quand sa maison de disque a insisté pour qu’elle fasse un clip de sa chanson « Gauguin », diffusé sur M6 en 1990, que j’ai pris connaissance de son existence. Quelque chose m’a immédiatement attiré. Je trouvais qu’elle ressemblait un peu à Jeanne Mas que j’avais adorée dans les années 80. En 1992, une intégrale et une compilation des chansons de Barbara sont sorties dans le commerce. C’est là que j’ai eu le coup de foudre pour l’oeuvre et la femme. Je me suis rendu compte que je connaissais « L’ Aigle Noir » depuis la nuit des temps et que d’autres chansons comme « Göttingen » étaient gravées dans mon inconscient. Je les avais forcément entendues quelque part quand j’étais tout petit mais je ne m’en souvenais plus bien sûr. Et je suis allé la voir en concert au Châtelet en 1993. Envoûtement total. Pendant pas mal d’années - et mon cas est loin d’être exceptionnel -, je n’ai plus juré que par Barbara.

Photo Julien Benhamou

Photo Julien Benhamou

A 18 ans, tu auditionnais aux Studios Alice Dona. Tes parents t’ont-ils toujours encouragé dans ta voie artistique ?

Non mes parents étaient très inquiets et je peux les comprendre car c’est un métier difficile qui n’offre aucune sécurité. Après le Bac, je me suis inscrit sans convictions en Lettres à La Sorbonne pour rassurer tout le monde mais je savais bien que je n’y ferais pas long feu. J’ai toujours chanté et voulu chanter. J’ai vu passer dans TV Magazine une annonce pour les auditions des Studios Alice Dona dont j’avais entendu parler. Je me suis inscrit, j’ai été pris et j’ai foncé sans aucune hésitation. C’était plus fort que tout mais rétrospectivement, je me reproche tout de même un peu de ne pas avoir appris parallèlement un autre métier. Je ne sais pas comment j’aurais pu trouver le temps à l’époque tellement la chanson m’accaparait. J’ai pris un risque que je paye aujourd’hui car je n’ai pas réussi comme je voulais. Mais c’est trop tard, faut assumer.

Qu’est-ce que « Ex-Fan Des 80’s » ?

Cela faisait des années que j’avais envie de faire ce spectacle. J’ai retrouvé des notes autour de ce projet qui datent du début des années 2000. Juste après mon album de 2002 consacré à Barbara, j’ai pensé à ce répertoire. C’était un peu avant le revival officiel des années 80. Ce spectacle ne s’est pas monté à l’époque car le producteur avec qui je travaillais et qui me semblait indispensable n’avait aucun intérêt pour ces choses-là, ce qui est son plus grand droit. Je ne me voyais pas monter tout seul le projet, ce que j’ai finalement fait 15 ans plus tard. Le déclencheur a été mon changement de décennie. J’ai eu 40 ans en 2015, je suis retourné dans des endroits qui me sont chers et je me suis rendu que tous les lieux étaient associés à des chansons de mon enfance. J’ai eu un retour de boomerang. « Ex-Fan Des 80’s » est une manière d’exorciser les choses, de me libérer et de boucler la boucle d’une enfance dont on ne sort jamais totalement de toutes façons, afin d’aborder une autre période de ma vie. Il y a de toute évidence une démarche psychanalytique dans ce spectacle.

Photo Julien Benhamou / Graphisme Laurent Calut

Photo Julien Benhamou / Graphisme Laurent Calut

Le choix des chansons n’a pas dû être simple tellement la décennie 80 était foisonnante de tubes. Comment as-tu procédé ?

Par élimination. Je n’ai gardé que les chanteuses car j’achetais surtout des 45 tours de chanteuses… Je chantais tout le temps à cette époque-là et quand on est enfant, on a une tonalité de voix féminine. Je m’éclatais à chanter ces chansons qui correspondaient parfaitement à la tessiture de ma voix d’enfant. J’ai dit que ce spectacle était proustien car il s’agit d’une recherche du temps perdu, ou plutôt passé. Des premiers plaisirs immenses que j’avais en chantant avec une voix que je ne retrouverai plus puisque contrairement à Michael Jackson, j’ai mué… Je me souviens très bien des 45 tours que je possédais. J’ai sélectionné parmi eux. La liste a été longue… Je l’ai soumise à mon musicien, l’accordéoniste virtuose Michel Glasko, qui m’a aidé à faire des choix. Mais il était indispensable que ces titres soient des tubes afin que les gens s’en souviennent et voient ce qu’on en a fait. Ça fait partie du concept même si je me suis rendu compte, à mon grand étonnement, qu’il y a dans mon public des gens qui sont passés totalement à côté d’une bonne partie de ces tubes, et qui ont découvert ces chansons pour la première fois et les ont aimées. Ce spectacle s’adresse donc autant aux connaisseurs qu’aux néophytes. Tant mieux!

Un album des chansons du spectacle est-il prévu?

Oui. Je suis en train d’en terminer l’enregistrement car il est important pour moi qu’il en reste une trace. Les arrangements seront différents de ceux de la scène puisque je me suis remis au piano dont je me suis libéré sur scène. Il y aura une quinzaine de titres et le disque sortira sur les plateformes avant l’été.

Rencontre avec Mathieu Rosaz, un ex-fan des 80’s !

Peux-tu nous expliquer ce qu’est un Korg ?

Le Korg que j'utilise est un clavier-guitare, c’est un synthétiseur en bandoulière. Ce Korg a notamment été utilisé par Jean-Michel Jarre, Michel Berger (sur le titre « Voyou »), David et Jonathan (sur « Bella Vita »), certains se souviennent de la danseuse-musicienne de François Valéry sur « Aimons-Nous Vivants », qui sautillait avec son Korg, c’était phénoménal et rétrospectivement très drôle. J’ai vu récemment le film « La La Land » et il y a une séquence où il y a un Korg quand un groupe reprend au bord d’une piscine « Take On Me » de A-Ha! Cet instrument est emblématique des années 80 et je l’ai utilisé sur quelques titres comme un p’tit clin d’oeil, une mise au point…

Une version masculine ou un « volume 2 » pourraient-ils voir le jour ?

Oh oui, cela pourrait. J’y ai pensé d’ailleurs très récemment en écoutant une interview de Mathilde Seigner chez Nikos Aliagias où elle a demandé à faire diffuser le « Géant De Papier » de Jean-Jacques Lafon. Cela pourrait être très drôle à reprendre au niveau des paroles. Je pense également aux chansons de Jean-Pierre Mader; Vivien Savage; Indochine… Un régal!

Ton EP « Oh Les Beaux Rêves » sorti en 2016 annonce-t-il un nouvel album ?

Je dirais que cet EP annonçait plutôt ce spectacle. J’ai écrit la plupart de ces chansons l’année de mes 40 ans durant l’été. Dans « N’ai-je jamais grandi? » je parle des paroles de chansons gravées à tout jamais. Ce sont celles des chansons que je viens de reprendre dans « Ex-Fan des 80’s ». « Oh Les Beaux Rêves » est un peu une chanson bilan de vie sur ce j’ai pu faire ou pas, et une certaine désillusion, où l’espoir finalement persiste.

 

Photo Julien Benhamou

Photo Julien Benhamou

Quels sont les thèmes qui te sont chers dans l’écriture ?

Je ne me considère pas comme quelqu’un qui écrit des chansons car je n’écris pas au quotidien. Quand j’ai une idée de chanson, je fais tout pour ne pas l’écrire. Sans doute par peur d’être déçu du résultat… Il y a 20 ans, poussé par Alice Dona, j’écrivais des chansons rigolotes. C’était du contre-emploi. C’était peut-être aussi ma vraie singularité mais je dois dire que je n’aimais pas tellement ça. C’est l’éternel problème de dichotomie entre ce qu’on est et ce qu’on voudrait être, entre ce qu’on sait peut-être faire et ce qu’on aimerait faire réellement. Je te dirais que mes dernières chansons sont plutôt des chansons introspectives. « Un Garçon D’autrefois » présente sur « Oh Les Beaux Rêves » est sûrement la plus aboutie à ce niveau-là et reste ma préférée.

Quels sont tes projets post « Ex-Fan Des 80’s » ?

D’abord l’album. Ensuite j’aimerais emmener « Ex-Fan Des 80’s » en tournée mais pour cela, il me faudrait une production et un agent car je ne peux pas démarcher tout seul les salles, je suis absolument incapable de me vendre moi-même. J’ai envie de chanter des choses apparemment légères et de faire du bien aux gens ainsi qu’à moi-même. Mais il est peut-être temps de tourner la page. On verra.

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