Rencontre avec Leïla Huissoud au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « La Maladresse » !
« L’Ombre » et « Auguste » sont sortis à environ un et demi d’écart…Comment expliquerais-tu que « La Maladresse » ait pris ; quant à lui ; près de six ans ?
Ce troisième album porte bien son nom (rires) ! Tout d’abord, le COVID est arrivé pendant la tournée d’« Auguste » et puis, j’ai erré dans l’existence en me demandant qui j’étais et où j’allais ; j’ai fait ça très très bien ; et « La Maladresse » résume toute cette errance, la dégringolade et la remontée. On dit que le troisième album est celui de la maturité, je ne sais pas si je suis mature mais en tout cas, ce disque illustre une période de recherche assez intense entre ma vingtaine et ma trentaine qui arrive.
Ce troisième album s’inscrit-il dans la lignée musicale de ses deux prédécesseurs ?
J’ai toujours eu le souci de ne jamais faire le même disque. Pourquoi faire un autre album s’il ressemble à celui qui est sorti avant ? Il y a eu une volonté de grandir, de changer, d’amener quelque chose de nouveau mais ces disques sont très cohérents entre eux ; cela reste mon chemin.
Peux-tu expliciter le titre de ton nouveau disque ? La maladresse est-elle quelque chose qui te caractérise ?
En règle générale, je suis maladroite ; la chute, je connais mais comme je suis petite, ça ne fait pas trop mal. Socialement, je ne suis pas extrêmement douée en ce qui concerne les rapports humains et justement, j’ai eu besoin d’écrire des chansons afin de réussir à structurer ma pensée et aller au bout d’un propos car sinon, j’ai tendance à me contredire moi-même en deux mots. Il y a quelque chose de très maladroit dans les rapports humains et cela m’intéresse beaucoup. Par ailleurs, ce côté maladroit s’est retrouvé aussi dans ce que j’ai pu publier sur les réseaux pendant le confinement mais je me suis dit tant pis car les gens savent que je suis à côté de mes pompes. A ce moment-là où l’on questionnait l’utilité du spectacle vivant, j’ai tout simplement montré la vérité en face des gens sans post-prod et finalement, l’exposition de la faille, c’était peut-être là où j’étais utile.
Quels thèmes abordes-tu sur ce nouvel album ?
Sur ce disque, j’envoie un peu de tendresse au masculin car je fais partie des femmes qui peuvent le faire. Je pense que c’est important d’avoir le témoignage de femmes pour qui tout c’est bien passer ; j’ai été encouragée et mise en valeur de la même manière que si j’avais été un garçon et je n’ai pas eu de traumatismes avec la gente masculine. Sur cet album, il y a une lettre à mon papa qui est celui qui m’a mis le pied à l’étrier de la chanson. Il y a beaucoup de questions sur le sens de la vie dans ces chansons et je pense que c’est en lien avec ma génération et celle d’après.
Qu’est-ce qui ressort le plus ; selon toi ; des textes de ce disque ?
Il y a de la colère, une colère que je porte comme une injustice de tomber dans cette époque, dans ces schémas et ces problèmes. Cette colère cohabite avec de la tristesse et de la culpabilité. Cet album retrace le chemin que j’ai parcouru car grandir, c’est se responsabiliser et assumer ses boulettes. Dans ce disque, il y a un grand pardon à tous ceux que j’ai accablés par rapport à ma petite vie qui n’allait pas dans le sens que je voulais.
Vas-tu développer le côté « confidences » du parler sur scène afin d’expliquer notamment la genèse des textes de ce disque ?
Complètement et c’est quelque chose qui a toujours fait partie du live pour moi. J’ai besoin de parler aux gens directement, cela peut aussi servir souvent à désamorcer le côté dramatique des choses car je peux aller loin là-dedans et j’ai besoin de prendre du recul par rapport à cela. Parler aux gens permet d’avoir un coin de sourire en expliquant les situations bêtes qui peuvent créer de grands dramas sur le papier.
Quel message as-tu voulu véhiculer dans la chanson « Lettre aux Paumés » qui a récemment été mise en images ?
J’ai voulu apporter du réconfort avec cette chanson car je pense que nous sommes extrêmement nombreux et j’en fais partie. Dans « Lettre aux Paumés », je pose un regard sur les autres mais quand on est dur avec les autres, on est souvent une petite pute avec soi-même (rires). Ce morceau est une déclaration d’amour qui vient aussi me réparer moi aussi et ça marche car j’ai tellement de témoignages de gens que je trouve beaux qui se reconnaissent là-dedans que je me kiffe un peu plus aussi ; c’est très agréable. Avec « Lettre aux Paumés », j’avais à cœur de rassembler et de mettre en valeur le doute qui n’est pas quelque chose de mauvais.
Peux-tu nous en dire plus à propos du duo présent sur ton nouvel album ?
J’interprète « La Ligue des Justiciers » en duo avec Bonneville. J’aime dire que Paris m’a battue, j’y ai vécu pendant quelque temps mais ça a été beaucoup pour ma petite moi, j’ai décidé de fuir à Saint-Etienne et c’est en squattant les cafés stéphanois que j’ai rencontré ce jeune homme en terrasse ; il avait un plâtre, les orteils à l’air et il était plein de bonne humeur. Bonneville est devenu un ami qui me touche beaucoup par son choix de légèreté. C’est quelqu’un qui paraît extrêmement heureux, il propose des choses good vibes dans son projet, il a la volonté d’être dans le positif et ça me touche car c’est quelqu’un de normal qui a dû faire ce choix de légèreté. « La Ligue des Justiciers » est une chanson de copains mais c’est surtout un fantasme car je n’ai jamais connu la bande de potes encore moins la bande de gars. J’ai posé un regard tendre sur ça et j’ai reçu beaucoup de témoignages de mecs qui me disaient que c’est plus un truc de coqs qui ne se disent pas vraiment les choses mais Bonneville a de vrais copains, je l’ai vu dans la tendresse virile à fond ; Saint-Etienne en règle générale a ce côté populaire, facile et amical ; et quand j’ai enregistré cette chanson, je trouvais qu’il manquait quelque chose, ce n’était pas assez léger et c’est là que je me suis dit qu’il n’y avait que Bonneville pour apporter un peu de soleil dans cette chanson.
En référence au titre de ton troisième album, quelle serait la plus belle des maladresses selon toi ?
Tout l’amour que l’on ne dit pas, le fait de ne pas savoir quoi dire et d’avoir l’air d’un con alors que dans la tête, il y a tout ce qu’il faut. Confondre la haine et l’amour contrarié.
Dans la chanson qui donne son titre à ton nouvel album, tu évoques le fait de ne plus trouver de modèles, peux-tu nous citer quelques artistes qui font partie des tiens ?
Mes modèles sont souvent des gens qui ne veulent surtout pas l’être parce qu’ils assument leurs doutes et le fait de ne rien savoir. Fabien Tharin ; qui est un auteur Suisse ; est un immense modèle. Alors qu’il fait de la musique, il a une sorte de philosophie, il écrit des chansons dans le sable ou dans l’eau car son but est de ne pas laisser de traces. Il s’interroge beaucoup sur la surproduction dans la musique. Alexis HK dont j’apprécie le second degré et le profil usé. Parmi les femmes, je peux citer Lynda Lemay, Anne Sylvestre, Evelyne Gallet…Dans la littérature, un auteur tel que Baudelaire qui avait ce truc de loser. J’aime beaucoup ces personnes dont on dit que ce sont des génies après coup.
Quels sont tes prochains projets ?
Ce nouvel album a une dimension très cinématographique et même si j’ai beaucoup de mal à me montrer, d’autres mises en images assez crues sont à prévoir. La tournée repartira à l’automne. Maintenant que j’ai l’impression d’être arrivée au bout de ma thérapie personnelle, j’ai envie d’ouvrir sur l’extérieur. J’ai déjà fait quelques duos ou bosser avec d’autres personnes mais c’était toujours des hommes et j’ai très envie de collaborer avec des femmes. Je suis enfin prête à aller chercher l’honnêteté dans cet échange-là.
Leïla Huissoud - Lettre aux paumés
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