Rencontre avec Pierre Faa au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « Kintsugi Songs » !
Comme son titre pourrait le laisser entendre, ton nouvel album est-il constitué de chansons nées à la suite d’une reconstruction ?
Oui, j’ai vécu pas mal de deuils personnels ces dernières années, il y a eu de la reconstruction et je me suis dit que ce sujet pouvait toucher tout le monde. Evidemment, quand on fait des chansons ; en tout cas, en ce qui me concerne ; on cherche à ne pas faire un exercice de style ; quelque chose de scolaire ; en mettant simplement des mots qui sonnent bien sur de la musique. J’essaie de partir de quelque chose de très personnel et possiblement, il y a des angles de vision qui peuvent avoir une vague utilité mais ça paraît déjà prétentieux de dire cela. Même sur un sujet très banal ; une rupture, un deuil ; il faut essayer d’apporter un angle de vision à soi et pour cet album, je l’ai fait en me servant notamment de l’image du kintsugi au Japon. Pour les gens qui s’intéressent à l’astrologie, c’est post-transit de Pluton ; j’ai eu un bon transit de Pluton sur Venus pendant trois ans alors là, si on dit que l’astro ne marche pas, je veux bien que l’on prenne cela comme contre-exemple car vraiment, ça fonctionne.
Outre le doré inhérent au kintsugi, quelle(s) autre(s) couleur(s) donnerais-tu à ton nouvel album et pourquoi celle(s)-là ?
Pour la pochette de cet album, j’ai choisi cette photo qui est dans les tons rouges avec une énorme fleur projetée car je voulais de la chaleur. L’élément feu me semble manquer dans notre société occidentale où nous sommes tous derrière nos écrans, où nous devenons des créatures à deux dimensions assez plates, où nous devenons notre image en fait. Cela me semblait intéressant de ramener l'attention vers le rouge, c'est-à-dire vers le sang, la chair, le toucher, vers des choses plus sensibles. C’est presque un exercice pour moi car spontanément, je serai plus bleu mais c’est déjà là et ce n’était pas la peine d’en rajouter. Le bleu, c’est dans ma nature ; c’est mon état naturel. J’ai voulu aller chercher un peu plus de chaleur dans la création en me dirigeant donc vers le rouge et le violet.
As-tu un lien particulier avec le Japon d’où cette méthode de réparation est originaire ?
Oui, bien sûr et on pourrait faire trois heures là-dessus (rires). L’un des premiers beaux livres que je me suis acheté vers l’âge de 11 ans était sur le Japon. Préadolescent, ma mère m’avait donné de l’argent afin que je puisse m’acheter des disques à la FNAC à Toulouse, elle m’avait donné comme consigne d’acheter des choses très variées que je ne connaissais pas déjà et parmi ces disques, j’en avais pris un de Ryūichi Sakamoto dont je ne savais absolument rien. Ça a été un appel très spontané. Inconsciemment, j’ai eu envie de me connecter à ce monde-là. J’ai eu un boyfriend Japonais au début des années 2000 et j’y suis allé pour la première fois en 2003 ; j’ai un historique de voyages parfois fréquents au Japon. J’ai de la suite dans les idées, on ne peut pas m’enlever cela ! Il y a donc eu un chemin musical, sentimental et après de touriste. Le Japon m’a souvent inspiré que ce soit dans sa tradition ou sa Pop culture mais Taïwan et la Corée m’ont offert plus d’opportunités en tant que musicien.
Retrouve-t-on toujours cet aspect sensible et tendre dans toute ta discographique ou est-ce spécifique à « Kintsugi Songs » ?
Je pense que je suis comme cela. Je suis un chat. Je suis un garçon contemplatif. Quand j’étais petit, j’étais une plante verte, on pouvait me laisser dans une pièce avec des crayons et du papier pendant des heures, je ne bougeais pas. J’ai toujours été comme cela. J’avais du mal à jouer avec les autres enfants que je trouvais très agités. C’est ma nature. Je crois que ma mère a fait un enfant nostalgique. On travaille avec le matériau que l’on a mais parfois, comme un exercice ludique, je me donne pour but de faire des chansons plus sautillantes.
Quels thèmes abordes-tu sur ce disque ?
La réparation de façon large et exprimée sous différents aspects, le deuil ; il ne faut pas avoir peur d’en parler ; l’amour, l’attente, l’espoir et dans la chanson « Manèges », je dégomme tout ce qui me semble un peu sclérosé dans les groupes sociaux mais j’essaie de le faire de façon légère.
Y-a-t-il une progression tout au long de ton album ? Emmènes-tu l’auditeur d’un point A à un point B ; qu’ils soient physiques ou non ?
C’est en partie vrai. Parmi les critères qui font choisir un ordre de chansons, il y en a qui sont purement musicaux et d’autres de sens et je prends les deux en compte. Ce n’est pas innocent que la chanson « Kintsugi » arrive vers la fin de ce disque qui n’est quand même pas un album concept.
Toi qui le chantes dans ce disque, peux-tu nous dire quels sont les endroits chers à ton cœur dans le 18ème arrondissement de Paris ?
J’ai autour de moi dans le 18ème arrondissement des gens que j’aime beaucoup et cela compte beaucoup pour moi ; je vis notamment à cinq minutes de chez mon amie Elsa Kopf et Benoît Pillon qui a joué des guitares sur l’album vit à deux pas de chez moi. En termes de lieux chers à mon cœur, il y a la Librairie Vendredi qui se situe au 67 Rue des Martyrs, je ne peux pas y rentrer sans me ruiner car j’y trouve toujours des choses qui m’intéressent. J’adore le restaurant vegan Sweet Romance qui a ouvert à côté de chez moi. J’aime beaucoup The Indian Social Club situé 18 Rue Ramey, ils y cuisinent des plats d’inspiration Indienne avec des épices telles que la cardamome et la cannelle. Quel bonheur d’avoir Neo.T au 89 Rue des Martyrs, ils ont le meilleur thé au jasmin que je connaisse et pas très cher en plus. A mon avis, Al Caratello au 5 rue Audran est le meilleur Italien du 18ème, je ne m’en lasse pas. Pendant les confinements, c’était un peu surréaliste d’avoir le Sacré Cœur pour soi sans personne, c’était magique.
Tout comme en 2011, ton nouvel album coïncide avec celui de Peppermoon, est-ce un « hasard du calendrier » ou ces deux sorties presque simultanées étaient volontaires notamment pour le live ?
C’est un vrai hasard ! Je fais des chansons au quotidien et c’est un peu comme si je les mettais dans des enveloppes en me disant que j’imagine bien la voix de x ou de y dessus. Ca se fait de manière très organique. Il n’y a pas une décision en amont de dire que je dois sortir un album à tel moment. Il se trouve que j’ai commencé et terminé ces deux albums à peu près en même temps et il y en a un troisième qui arrivera fin août ; un album instrumental à base de piano mais uniquement. C’est un enchaînement de circonstances, ce n’est pas une décision.
Comment mettrais-tu en parallèle ton projet solo et Peppermoon ?
Quand j’ai rencontré Iris, elle avait 18 ans, elle sortait du lycée et je l’ai emmenée dans mon monde. J’ai employé Iris comme une musicienne de la voix car elle chante extrêmement juste et avec une couleur très particulière. J’avais des chansons mais je me faisais chanter toujours beaucoup trop aigu, c’était comme si elles étaient prêtes d’avance pour elle. Iris a chanté ces chansons dans la tonalité où je les avais composées et ça collait. Cette collaboration m’a ouvert énormément de portes dans la production mais aussi dans l’esprit. Parce que j’avais rencontré une voix de fille, je pouvais trouver ma voix de garçon. J’avais le yin et le yang. Iris m’a donné une polarité, elle m’a permis de connaitre mes contours. Ça a été vraiment une chouette expérience. A l’heure qui l’est, Iris est en mesure de déployer sa propre expression à elle et ça ne sera pas du Peppermoon bis. Il fallait le temps de cela. Quand je suis seul, je pense que je peux tourner en rond parfois sur mes chansons ; c’est peut-être mon point le plus faible car je me perds dans les détails mais par contre, je peux dire des choses plus intimes. Forcément, en solo, je raconte des choses plus privées. Avec Peppermoon, les sujets sont plus généraux.
Comme tu écris pour toi mais aussi pour d’autres artistes, n’as-tu jamais eu envie de développer plus longuement l’écriture par d’autres biais ?
Je ne pense pas avoir le sens pour construire une histoire pour le théâtre ou pour un roman. J’aime le format court car on peut être sur une impression et la développer. J’aime les haïkus dans la poésie Japonaise car j’apprécie la concision ; j’aime le contraste entre la brièveté de l’objet et l’impact qu’il provoque. En revanche, j’ai commencé à écrire un recueil de courts textes avec un humour absurde. Des textes courts dans d’autres domaines peuvent permettre d’exprimer d’autres facettes de soi.
Quels sont tes prochains projets ?
Des travaux d’écriture pour d’autres artistes sont en cours, j’écris notamment pour Clémentine qui est une star au Japon. J’aimerais beaucoup travailler de nouveau avec le talentueux Michael Wookey qui a été important sur « Kintsugi Songs » ; ce qu’il a amené est cher à mon cœur. J’espère pouvoir travailler avec Jay Alanski qui avait produit mon premier album. J’ai une idée de collaboration avec Paul Abirached qui est un merveilleux guitariste que l’on retrouve sur ce nouvel album. Mes projets se dessinent autour de personnes ! Du live est prévu en Corée au mois de mai notamment avec le groupe Via Trio.