Retrouvailles avec Jim Bauer au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « BB98 » !
Tu as beaucoup voyagé ces dernières années, cela a-t-il semé des graines pour ton nouvel album ? Penses-tu que le terreau de ce disque aurait été autre si tu étais resté à Paris ?
Oui et c’est même quasiment le propos entier de cet album ou tout du moins du documentaire sur ce disque car je ne sais pas si on voit cet album de manière aussi distincte. En août 2022, j’en ai eu marre de Paris, j’avais l’impression de ne plus du tout avoir le droit d’être moi-même et d’être juste dans une sorte de compétition musicale dans laquelle il faut faire un max de titres et de rencontres, être à la page…Toutes ces injonctions capitalistes qui se sont incrustées dans l’art nous déconnectent de notre authenticité ; et c’est censé être notre taf en tant qu’artiste. J’avais bien bossé, j’avais fait plein de choses pour plein de gens, j’avais bien gagné ma vie et je me suis demandé ce qu’était la récompense. Je commençais à moins aimer faire de la musique et j’avais la sensation d’être un banquier car je regardais plus ce que je gagnais et moins ce que je faisais et ce n’est pas pour cela que j’ai entrepris de faire ce métier. J’ai dit stop et je me suis barré car j’ai ressenti le besoin de me retrouver sans pression extérieure. Je suis parti d’abord en Tunisie car je voulais aller voir le Sahara. Ensuite, je me suis rendu en Andalousie car je voulais aller à la rencontre d’une partie de mes origines. Je suis parti également à Berlin, en Thaïlande, au Maroc, à Istanbul…j’ai choisi des endroits où je pouvais rester assez longtemps et avec des cultures différentes. J’étais seul et généralement, je ne parlais pas la langue des pays dans lesquels j’étais ; même si je parle anglais. A la base, je ne suis pas parti spécialement afin de faire un album mais je savais que j’en ferai un à un moment donné. Durant ce périple, je me suis rendu compte qu’au final, j’étais toujours la même personne que lorsque je suis arrivé à Paris. Une fois tout le masque social enlevé, je redevenais ce petit gars qui aime bien Final Fantasy, Pokémon, GTA, Friends, How I Meet Your Mother, Jeff Buckley, Radiohead et Nirvana. En fait, j’étais un peu toujours le même lycéen ; finalement, Paris avait été un long processus d’apprentissage mais aussi pas mal de désincarnation. C’est un peu comme si Paris avait été une école mais si une école nous apprend plein de choses, elle nous conforme aussi vachement. Et là, c’était un travail de non-conformité justement.
Pourquoi as-tu baptisé cet album « BB98 » ? Est-ce une sorte de nom de code ?
Oui, c’est complètement un nom de code et à vrai dire, il n’est pas né d’un coup. Au tout début, cet album s’appelait « ITO98 » car je voulais un mot Japonais et le chiffre 98 car cette année-là symbolise bien ce truc que j’ai retrouvé. J’associe cette période à la naissance de sagas de jeux vidéo que j’aime, à celle de Daft Punk, à la grande ère de la Brit Pop ou du Trip Hop, à la Coupe du Monde, à la France de Chirac…La Pop culture de la fin des années 90 me touche beaucoup. A côté de cela, je suis tombé sur un article d’une journaliste Japonaise qui avait lancé une sorte de MeToo, ça m’avait touché mais avec le temps, je me suis dit que je connaissais mal cette histoire et ça n’aurait pas été sincère de garder ITO dans le titre de l’album. J’ai cherché à remplacer ce terme, j’aimais bien le mot bébé qui renvoyait à l’enfance mais en l’orthographiant BB, ça faisait un peu langage texto et ça faisait penser aux années 2000 que j’aime bien aussi. Par ailleurs, on pouvait y retrouver l’initial de Bauer et comme c’est ma deuxième grosse sortie, « Jim » pouvait être le A et ce nouveau disque le B. Ce titre faisait sens par plein d’aspects d’autant que j’aime bien aussi les faces B et que j’ai enregistré ce disque au studio La Briche.
« BB98 » t’a-t-il permis de resserrer ta direction musicale par rapport à « Jim » paru en 2022 ?
Non car « Jim » avait un propos, ce n’était pas vraiment un album mais une mixtape qui était dédiée à me faire un CV. Comme l’industrie musicale a toujours trouvé de bonnes raisons pour m’empêcher de sortir des morceaux, à un moment donné ; comme j’étais libre et sans label ; j’ai eu envie de me lâcher en sortant vingt titres. « Jim » n’était pas un disque pensé en une seule traite, j’y ai ressemblé tout un tas de titres que j’aimais bien et que j’étais frustré de ne pas avoir sorti. Afin de me backuper un peu, j’ai fait en sorte de sortir un peu tous les styles qui m’intéressent ; même si je garde encore quelques surprises ; et cela a autant servi que desservi le projet. Globalement, mon envie était de faire quelque chose de suffisamment large afin que l’on ne puise pas me mettre dans une case. Après, esthétiquement parlant, ça ne veut pas dire que je trouve ça cool de faire des albums comme celui-là car pour moi, un album doit avoir une identité, les titres doivent aller ensemble et « BB98 » est le premier long format que je sors qui est comme cela…c’est un film et cela ne veut pas dire que le prochain sera pareil.
Tu es un artiste solo mais as-tu ouvert ta bulle créative à d’autres durant l’élaboration de ton disque ?
Je fonctionne avec un raisonnement de réalisateur de films voire comme un dessinateur de BD. Dans ma tête, faire de la musique, c’est s’enfermer tout seul afin de faire son truc. Je suis souvent seul dans la composition mais pas toujours dans la production. En ce qui concerne « BB98 », j’ai eu envie de faire un album de groupe de Rock ; je voulais partir d’une base live, m’enfermer en studio afin de vivre une aventure entre potes et ça faisait longtemps que nous voulions faire cela. Cet album a été très collectif, il a été fait avec Clément et Valentin Aubert, Jules Schultheis, Guillaume Lefebvre et l’ingé son Hugo Bracchi. Sur scène, nous sommes en mode Nirvana ; guitare, basse, batterie ; avec Clément et Guillaume.
Que retrouve-t-on dans l’écriture de « BB98 » ?
J’ai voulu parler de choses plus personnelles dans cet album même si je ne le fais jamais frontalement. Je pars du réel et j’invente une histoire imaginaire ; c’est un peu ma définition de l’extra « ordinaire » au sens littéraire du terme. On part de l’ordinaire et on mélange plusieurs ordinaires sans avoir peur de grossir certains traits afin de créer quelque chose d’un peu plus fantasque.
Quels thèmes abordes-tu sur cet album ?
Cet album est très introspectif ; il me met à nu sur des faiblesses. Je parle notamment de timidité, du rapport à la carrière et à l’image de soi, de fragilité amoureuse, de l’envie de rester tout le temps sincère, du fait d’être déçu par les autres…
Es-tu vraiment addict à ce téléphone que tu chantes ?
Oui mais je pense en être plus conscient que la moyenne des gens et j’essaie donc de combattre cela. Pendant que je voyageais, je me suis beaucoup intéressé à la pleine conscience et dans cette philosophie-là, il est question de faire une seule chose à la fois et d’avoir des objets qui ne servent qu’à une seule chose. Plutôt que de tout avoir dans un téléphone, on va avoir un appareil photo, un cahier pour écrire, un stylo…que l’on a vraiment choisi consciemment pour une activité. On renoue avec une certaine apologie de la lenteur et le portable sert à passer et à recevoir des appels. C’est une façon de se sentir beaucoup mieux et d’être plus efficace. On refait les choses à une échelle de temps assez humaine, on va plus au rythme de la vie et moins à celui de la technologie. En voyageant, je me suis rendu compte que l’on pouvait tout faire avec un Smartphone. Au final, je pouvais être tout seul dans une chambre d’hôtel à l’autre bout du monde et vivre presque la même vie qu’à Paris car avec mon téléphone, je pouvais regarder les mêmes vidéos et parler aux mêmes personnes. « Le Téléphone » dénonce assez cette uniformité totale qui désincarne.
Peux-tu expliciter pour nous ce qu’est un sentiment de verre ?
C’est une forme d’hypersensibilité de l’instant. Cette chanson aborde l’hypersensibilité que l’on ressent dans une histoire d’amour qui vacille et où les choses ne sont pas dites, ce qui fragilise la relation. Sans que cela ne soit de la paranoïa ou de la jalousie, tous les gestes de l’autre sèment le doute et amènent à se poser la question du véritable amour et de la sincérité des sentiments. Le sentiment de verre illustre le fait qu’il faut solidifier la relation sinon elle va casser. Cela pourrait être un synonyme d’à fleur de peau.
Comment est née ta collaboration avec Craig Walker ? Archive fait-il partie des groupes qui t’ont construit musicalement parlant ?
Je l’ai rencontré par hasard lors d’un concert hommage à Christophe dans sa ville natale. J’y ai chanté « Aline » et il se trouve que Craig Walker travaillait sur une version anglaise de la chanson « Les Mots Bleus » juste avant le décès de Christophe. Beaucoup de gens connaissent Archive mais pas forcément le chanteur alors que dans mon histoire, ce groupe est au même niveau que Jeff Buckley, Radiohead et Coldplay. J’ai énormément écouté Archive et j’en ai chanté des chansons. Rencontrer Craig Walker, c’était un peu comme si je rencontrais Thom Yorke. Nous nous sommes retrouvés dans la cuisine en backstage, je lui ai dit que j’étais un très grand fan et nous avons tapé la discute pendant plusieurs heures. Le feeling passe vachement bien avec les gens qui nous ont inspiré ; mes références sont les siennes, mes goûts sont un peu les siens et ma voix s’est un peu construite par rapport à la sienne. Quand il m’a vu sur scène, il a eu comme la validation de son reflet. Normalement, je n’écris pas avec d’autres personnes mais s’il y a bien une personne avec qui j’aurais aimé le faire en anglais, c’était bien lui. Je suis parti écrire avec Craig à Berlin, six chansons sont nées et ce n’est qu’après que j’ai osé lui demandé un featuring.
Comment synthétiserais-tu « BB98 » en trois mots ?
Onirique, quatre-vingt-dix et indépendant.
Cet album se termine sur la chanson « La Vie Est Belle », serait-ce une façon de dire que tu as trouvé une sorte de quiétude au quotidien ?
Ça va mieux mais je ne l’ai pas trouvée et ce n’est pas mon objectif. Pour moi, le seul moyen de la trouver serait de la chercher durant toute ma vie. C’est une passion à entretenir, une flamme à nourrir. Je ne sais pas si cette flamme est à son max mais en tout cas, je l’ai ravivée et je m’efforce à la maintenir.
Quels sont tes prochains projets ?
Le 31 mars, nous jouerons à La Boule Noire ; c’est une date très importante pour moi car c’est la première fois que je vais me produire dans cette salle qui était sur « ma petite liste » et nous espérons qu’une tournée suivra. Plusieurs petits clips ont déjà été tournés afin de mettre en images des titres de « BB98 ». Je suis déjà sur l’album d’après et j’ai pour volonté et ambition d’être encore plus productif ; les nouveaux outils nous permettent de l’être.
Jim Bauer - Le Téléphone (Music Video)
Lien Streaming: https://jbauer.lnk.to/LeTelephone Vidéo Réalisée par Rubb Henne - Insta/Youtube: @rubbhenne - www.rubbhenne.com Musique par Jim Bauer Label: French Parade Distributeur: Wagram
BB98 - L'Histoire (Documentaire)
Un documentaire sur L'histoire de BB98, le premier Album de Jim Bauer. l'histoire d'un garçon marginal qui a ressentit le besoin de s'extirper du monde avec ses amis pour retrouver l'innocence ...