Rencontre avec Batz au Studio Luna Rossa afin de vous présenter plus en détail « Red Gold Rush » !
Comment est née l’idée de créer un projet commun ?
Franck Marchal : Je suis compositeur de musique de film et pour un projet sur Arte, je m’étais équipé de plein de synthés vintage ; cela fait des années que je les collectionne mais là, il avait vraiment fallu que je pousse le bouchon un peu plus loin ; et je m’étais souvenu que Seb m’avait glissé dans un coin de l’oreille quelque temps auparavant qu’il aurait aimé que je pense à lui le jour où je ferai un projet avec des synthés des années 80 car ça pourrait être cool ; je l’ai donc appelé, ça l’a super chauffé et c’est parti comme cela. En revanche, les premières collaborations se sont faites à distance car nous étions encore obligés de faire de la musique chacun chez soi à cette époque-là à cause du COVID. Nous nous sommes envoyés des tracks et très curieusement, il ne m’a rendu des choses avec du synthé mais avec des guitares ; ce à quoi, je ne m’attendais absolument pas ; j’ai été surpris mais agréablement car cela donnait un mélange assez iconoclaste que nous avons gardé dans l’ADN de notre musique.
Avez-vous eu très rapidement en tête les grandes lignes de votre premier album ?
Sébastien Moreau : Pas du tout. Dans la lignée de ce que vient de dire Franck, nous avons construit les choses pierre après pierre sans se dire que nous allions faire un album. Nous avons commencé par un instrumental que nous pensions mettre sur un film et finalement, nous ne l’avons pas mis dessus, nous en avons fait un second et ensuite, nous nous sommes dit que nous pourrions peut-être en faire des chansons et quand nous en avons eu plusieurs, nous avons réfléchi à l’idée de faire un album. Ca s’est construit vraiment de manière itérative car nous n’avions pas pensé à créer un ensemble au début. Nous avons navigué très longtemps sans savoir où nous allions pour en arriver là.
F : Tout s’est construit pas à pas mais dans une logique assez bienveillante et bien foutue me semble-t-il. Je ne vois pas comment nous aurions pu faire autrement pour arriver artistiquement là où nous en sommes ; ça nous a construits.
S : Ce projet a nécessité un temps de maturation, nous avons eu besoin de savoir nous-mêmes ce que nous voulions pour pouvoir le faire.
F : J’ai tendance à travailler très vite sur les projets car j’aime cet état d’urgence mais là, très curieusement, cet album a pris quasiment deux ans et demi ; c’est beaucoup quand même ; mais je ne vois pas comment nous aurions pu faire autrement. Si on devait le refaire aujourd’hui, je pense qu’on le referait à cette cadence-là.
Quel est cet or rouge qui donne son nom à votre disque ?
S : On parle d’or noir pour désigner le pétrole et d’or blanc dans le cas du sel mais l’or rouge n’existe pas. En fait, le red gold rush est une manière de courir après des chimères ; après des choses qui n’existent pas, qui sont inexistantes et forcément inaccessibles ; c’est la chasse aux moulins à vent de Don Quichotte, la chasse à la baleine blanche de Moby Dick…Cela illustre ces courses effrénées après des choses qui nous obsèdent et qui sont finalement complètement illusoires.
F : C’est aussi la quête de l’inaccessible, ce qui est assez beau en soi car le plus important est ce que l’on vit pendant cette quête et non la quête en elle-même. Encore une fois, c’est le cheminement qui nous intéresse.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la pochette qui illustre « Red Gold Rush » ? Y-a-t-il une référence à votre nom mais aussi un indice sur la façon dont vous voyez votre univers ?
F : Ça, par contre, c’est très pensé !
S : Le red gold rush est en rapport avec cet univers rouge et noir et notre esthétique est uniquement basée sur ces deux couleurs. Il y avait cet aspect purement plastique que nous voulions mettre en avant. Laurent King qui est un réalisateur et un photographe avec qui nous travaillons beaucoup a pris cette photo à Batz sur l’étang près du studio ; c’était une manière de relier le nom à l’endroit où nous avons fait cette photo. Nous aimons ces lumières très intenses, très rougeoyantes, ce noir très profond de nuit et ces atmosphères un peu cinématiques, c’est quelque chose que nous avons essayé de mettre dans notre musique et nous voulions que ça ressorte ; que ça se ressente ; dans ce visuel qui encapsulait bien aussi l’univers dans lequel nous nous imaginons.
F : Pour la petite histoire, car beaucoup de gens nous font la réflexion quand ils voient la pochette, c’est une vraie photo, elle n’a pas été générée par une I.A, elle a été prise de nuit par un vrai photographe avec de vrais gens dans une vraie barque sur un vrai étang. Je tiens à le dire car ça existe vraiment et on peut raconter comme cela a été fait.
Pourquoi avez-vous fait le choix de laisser pas mal de place aux parties instrumentales sur votre album ?
F : Je crois que c’est plus un goût qu’un choix car nous aimons cela.
S : C’est aussi parce que nous avions composé des morceaux avant l’arrivée de Charlotte qui ensuite a commencé à en faire des chansons à proprement parlé. De cette époque avant Charlotte, il reste certains morceaux purement instrumentaux que nous avons gardés en l’état car nous considérons qu’ils fonctionnent très bien de manière instrumentale.
F : Seb et moi, nous sommes très branchés musique de film et donc musique instrumentale par définition, c’est dans notre ADN.
Charlotte Savary vient poser sa voix sur cinq titres, a-t-elle été une interprète féminine assez évidente ? Qu’appréciez-vous le plus chez elle ?
F : Nous connaissions déjà Charlotte et nous avons pensé tous les deux à elle quand nous nous sommes dit que ça serait cool qu’il y ait des chansons sur ce disque. Nous lui avons envoyé quelques morceaux en lui disant de choisir celui qui lui plaisait le plus car au départ, nous lui avions demandé de ne faire qu’une seule chanson mais comme elle vraiment kiffé les morceaux, elle les a tous pris.
S : L’univers que Charlotte a créé dans les chansons a correspondu immédiatement à ce que nous souhaitions, c’est assez rare dans la musique, ça aurait pu tomber complètement à côté mais elle a saisit tout de suite ce que nous voulions. D’emblée, nous avons été séduits par les premiers jets de ce qu’elle a fait. Charlotte s’est intégrée parfaitement à ce que nous avions imaginé. Elle a une vision d’autrice sur ce qu’elle fait, il y a vraiment du fond et du sens dans ses textes, c’est puissant car elle a une plume très intéressante.
F : De par son featuring dans le projet, Charlotte y fait régner une sérénité que nous n’avons pas nous-mêmes car nous sommes plutôt dans l’action et dans le speed. Quand Charlotte arrive, les ondes changent immédiatement de forme !
S : Même sur les morceaux où elle n’est pas présente, elle a amené beaucoup de choses. Sans le savoir, elle a un peu débloqué le fait que l’on puisse faire et chanter des chansons nous-mêmes.
Ces morceaux chantés viennent-ils accentuer un récit qui serait développé tout au long de cet album ?
S : En fil rouge, il y a quand même toujours cette quête des chimères et cela se retrouve à différents degrés dans les chansons mais ce n’est pas un album concept comme « The Wall » de Pink Floyd ou « Tommy » de The Who. Sur « Red Gold Rush », il y a un univers commun, un tronc commun, des thèmes communs qui apparaissent dans toutes les chansons chantées. Il y a une cohérence dans ce disque.
Quelles thématiques abordez-vous dans ces chansons ?
F : Les thématiques se complètent les unes les autres et s’interpénètrent finalement. Il y a des sujets assez sociétaux, on parle notamment du harcèlement sur Internet.
S : Sur cet album, on parle aussi d’amour, de la nature et d’écologie.
F : Je pense d’ailleurs que c’est le thème le plus fort de l’album. Il y a beaucoup de sound design dans notre musique et très souvent, il y a des bruits de nature et notamment de mer.
Allez-vous proposer une imagerie bien particulière autour de ce projet notamment en live ?
S : Oui, nous tentons de développer une imagerie qui soit reconnaissable, nous avons un code couleur assez précis, nous essayons d’avoir des visuels qui soient toujours assez léchés.
F : Quand Seb dit que nous avons un couleur assez précis, c’est un doux euphémisme car ce n’est pas n’importe quel rouge, nous avons un peu inventé un rouge auquel nous nous tenons, toutes nos photos passent à travers ce filtre de rouge spécifique que nous avons appelé le Mars Red Sky.
S : Nous mettons vachement en avant l’aspect cinématique dans nos morceaux ; c’est quelque chose qui nous tient beaucoup à cœur ; et nous considérons que le visuel est au moins aussi important que la musique. Nous faisons beaucoup de musique à l’image, pour ma part, je fais aussi de la réalisation et de la photo, nous nous sommes évidemment construits avec cela dans ce projet commun qui est visuel et musical ; les deux vont ensemble. En ce qui concerne le live, nous aimerions avoir quelque chose de très travaillé qui soit à l’image de tout cela mais pour l’instant, nous sommes encore au premier étage de la fusée, nous n’avons pas encore travaillé sur cette cohérence mais elle viendra dans un second temps.
Avez-vous pensé Batz comme un instantané ou comme une aventure musicale qui durera dans le temps ?
F : Vu le nombre de morceaux qui sont en préparation…
S : Nous n’avons pas de plan de carrière sur quinze ans mais c’est certain que nous allons faire un second album.
F : Il y a une grosse envie de faire plein de choses ensemble et tant que l’envie et l’énergie seront là, nous continuerons.
Quels sont vos prochains projets ?
F : Le clip de la chanson « A Two Days Walk » est prévu tout comme du live. Il se pourrait qu’il ait des remixes…nous sommes carrément ouverts à cela si des DJS et des remixeurs se sentent inspirés.
S : Nous avons très envie de faire un second album avec une autre méthode de travail, nous avons le souhait de faire les choses de façon plus spontanée, en jammant, nous voulons trouver de nouvelles méthodes de création afin de ne pas refaire ce que nous avons déjà fait, nous avons à cœur de nous challenger.