Rencontre avec Sylvain Hellio au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur « L’Homme du Bois » !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Je suis compositeur, auteur et arrangeur. Très largement, je compose des musiques pour différents médiums, jeux-vidéo, théâtre, histoires audio, courts-métrages. Depuis que j’ai relancé mon projet de chansons, j’ai remis ma casquette de chanteur-interprète, que j’avais aussi il y a quelques années.
Qu’as-tu fait musicalement avant la parution de « L’Homme du Bois » ?
Après un peu de rock et de jazz, la fac de musique et une école de musique, j’ai exploré un peu l’électro, et la pop et plus généralement la composition, l’arrangement, et nous avons monté avec mon ami Xavier Thiry un duo de pop en Anglais, Yubaba Smith & Fortune, ça a duré quelques années. Quand ce projet s’est arrêté, je suis parti dans la musique à l’image, jeux vidéo etc, pour gagner un peu mieux ma vie. Je continuais de collaborer de temps en temps sur des projets de potes, et je composais ou j’arrangeais des petits trucs dans mon coin, mais j’avais quand même mis cela un peu de côté, puis c’est revenu à travers ce projet de quatre titres.
Quel a été l’impulsion pour composer cet EP ?
Ce disque, c’est en fait une longue histoire qui nous lie mon frère et moi ; Mon frère Rénald, disparu en 2012 était aussi compositeur, mais surtout auteur. Il écrivait notamment des chansons et nous avons souvent essayé de monter des titres ensemble, ça n’a pas toujours été simple mais avec le temps nous commencions à avoir quelques titres. Au début je pense qu’il voulait que je porte ce projet de chansons, ou qu’on fasse un duo, mais étant donné que je freinais un peu les choses, il a commencé à écrire et composer pas mal d’autres chansons aussi de son côté et à intégrer les nôtres à un projet perso. Malheureusement sa maladie l’a empêché de mener à bien son idée. Après sa mort je me suis donc mis en tête de sortir un jour au moins 3 titres que nous avions fait ensemble. Pour être précis, « Des Kiss et Des Coups » a été composé en réalité juste après son décès, mais nous avions cherché des idées de musiques ensemble.
Qui est cet homme du bois et pourquoi y est-il ?
J’avais le motif d’arpège à la guitare de cette chanson, j’y ai greffé une mélodie et j’ai demandé à mon frère de faire un texte dessus. A l’époque, avec mon frère, nous écoutions pas mal Bertrand Belin, et la thématique du texte partait un peu de sa chanson « Hypernuit ». J’avais envie qu’on digresse là-dessus, ça m’avait inspiré l’idée d’un ermite un peu mystérieux qui vivait dans la forêt. Après il aurait presque fallu demander à Rénald ce qu’il avait voulu dire dans ce texte-là… Moi, je sais d’où l’idée part et j’en ai ma propre interprétation. Qui est-il ? Peut-être que c’est lui, ou moi. Nous étions tous les deux des personnages relativement solitaires, fuyant un peu les endroits trop peuplés et aimant trouver refuge en pleine nature.
Comment as-tu voulu habiller ces quatre chansons d’un point de vue musical ?
L’idée était d’être le plus épuré possible. Après avoir pas mal poussé les potards sur certaines musiques de commande, pour des jeux vidéo notamment, la chanson s’est trouvée être pour moi un refuge, une zone où je pouvais prendre le temps de dire les choses, sans surcharge, sans saturation du discours. A part pour « Des Kiss et Des Coups » qui a été trouvé son cadre hyper rapidement, les autres morceaux ont voyagé dans plein d’endroits jusqu’à ce que je décide des les arrêter à un point précis qui me semblait s’accommoder le mieux à eux, même si cela contredisait parfois une certaine unité stylistique du disque.
Quelles thématiques abordes-tu sur ce disque ?
Il n'y a pas vraiment de thématique générale. Pour les textes de mon frère, il faudrait lui demander. Concernant celui que j’ai écrit, « Ces Mots », ça parle du lien intime que l’on peut entretenir avec une chanson qu’on écrit. Ceci dit pour les textes en général, j’aime bien que le sens se révèle après l’écriture. J’aime l’idée que l’on puisse lire les textes de différentes façons. J’apprécie quand le sens est double et parfois même triple. C’est d’ailleurs ce que j’aime dans les textes de mon frère et c’est une idée sur laquelle nous retrouvions.
Sur « L’Homme du Bois », on découvre notamment la partie 1 de « Nous Étions Heureux », où est la partie 2 ?
Je suis compositeur de cette partie 1 et mon frère en est l’auteur, quant à la partie 2, il en est l’auteur et le compositeur. Cette partie qui lui revient complètement, n’est jamais sortie. Peut-être que j’en ferai un jour une reprise, ou que tenterai d’en faire une version à partir des maquettes qu’il avait réalisé lui-même. En tout cas j’espère qu’on aura l’occasion de l’entendre, elle est tellement bien !
Comment décrirais-tu ton univers ?
Épuré, sensible, intimiste, doux.
Vois-tu ton projet musical uniquement en noir et blanc ou penses-tu que la couleur y arrivera au fur et à mesure ?
C’est une vraie question ! Je travaille en ce moment sur mon prochain clip et il y aura de la couleur mais c’est vrai que le noir et blanc s’est quelque part imposé par rapport à la tonalité générale de l’album. En fait pour la pochette de ce disque, ainsi que pour les photos de presse, j’ai fait appel à Amaury Voslion qui est un photographe extraordinaire. Amaury travaille beaucoup sur le noir et blanc et les contrastes et c’est quelque chose que j’affectionne moi-même en photographie. Il a d’ailleurs rebondi, pour son travail sur l’album, sur le visuel que je lui avais donné au préalable, une photo de Florian Gerbaud, qui s’est retrouvé au dos de l’album.
Qui retrouve-t-on dans tes influences musicales et littéraires ?
Musicalement Lana Del Rey m’intéresse énormément depuis quelques années. En France je guette toujours les sorties de Dominique A, Bertrand Belin, Dick Annegarn mais je suis globalement très branché sur les musiques anglo-saxonnes, notamment la pop. Pour les textes il y a Jean-Louis Murat dont j’apprécie la fibre poétique. Odezenne m’a aussi beaucoup inspiré pour leur approche légère et ludique des textes, Alain Bashung aussi évidemment. Mais j’écoute aussi pas mal de rap, il y a des trucs supers chez certains. En ce qui concerne la littérature, mon frère me conseillait énormément d'œuvres contemporaines Américaines ou Françaises. La littérature était son sujet de prédilection et je lui faisais plutôt confiance. De moi-même, je me tourne plus généralement vers la littérature classique du 19ème, Hugo, Flaubert, Maupassant. Le lyrisme de cette époque me va bien. « Les Misérables » a été un de mes plus gros chocs littéraires de ces dernières années. Cecidit dans un style complètement différent, j’avais été marqué par l’efficacité, la puissance d’évocation avec peu de mots du roman « La Route » de Cormac McCarthy. J’ai une période McCarthy par la suite. « Le Démon » de Hubert Selby est aussi un livre qui m’a retourné ! C’est un peu comme dans la musique, j'essaye de découvrir différents styles et après, certains me touchent plus que d’autres. Ça marche vraiment par auteur et parfois même par bouquin.
Quels sont tes prochains projets ?
Le clip de « Nous Étions Heureux Part 1 » arrivera prochainement. Il y aura du live, j’y travaille. Après être sorti en digital le 30 juin, « L’Homme du Bois » sera disponible en CD à partir du 22 septembre. D’autres chansons arrivent…Certaines sont déjà dans un état plus qu’avancé. Idéalement, un second disque pourrait paraître d’ici fin 2024/début 2025. Par ailleurs, j’ai repris des cours d’écriture musicale classique au conservatoire et chaque semaine, nous devons fournir un voire deux textes ; c’est un rythme assez soutenu. En ce moment, je travaille sur un ciné-concert qui aura lieu le 24 septembre à Rennes dans le cadre d’un partenariat entre le conservatoire et le Festival du Court Métrange, j’écris une musique, j’en réalise l’orchestration et j’en assure la direction d’orchestre.