Rencontre avec Théophile Faron au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de l’EP « AM1 : Rumeurs » !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Je suis producteur, auteur, musicien ; je joue d’un peu tous les instruments sauf de la batterie ; et activiste.
Ton EP « AM1 : Rumeurs » s’inscrit-il dans la lignée de ce que tu as pu faire précédemment d’un point de vue musical ?
Musicalement, je ne pense pas que ce soit dans la continuité de ce que j’ai pu faire précédemment car j’avais vraiment la volonté de partir sur quelque chose de très différent. Auparavant, je faisais plus du Rap ; des choses presque consensuelles ; mais avec cet EP composé de trois morceaux qui ont chacun des particularités, j’ai voulu aller explorer d’autres choses.
Le titre de ton EP laisse entendre qu’il y aura une suite…peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?
Je considère les AM comme des chapitres dans la globalité d’une œuvre. Il y aura des suites qui sont déjà prêtes. Chaque chapitre aborde un thème et dans le cas présent, il s’agit des rumeurs. Je vois la rumeur comme un bruit que l’on commence à entendre au loin et qui monte ; c’est une première prise de parole ; c’est quelque chose de timide mais qui commence à grandir. Le suivant, on en reparlera quand il sortira !
Qu’ont en commun les trois chansons qui composent cet EP ?
On retrouve la question de la prise de parole mais aussi du partage dans cette rumeur dans laquelle on exprime des choses même si c’est un petit peu abscons, tumultueux et presque indiscernable.
De quoi parlent-elles ?
« Le Silence De L’Epoque » parle du fait que l’on ne réussi pas à s’entendre car on n’utilise pas les mêmes mots. « Félicité » aborde la façon dont nous partageons nos souvenirs ; comment nous sommes capables de les retranscrire entre nous mais aussi de nommer les sensations que nous avons pu vivre ensemble. « Dans L’Echo Du Béton » traite de la façon dont nous communiquons avec les endroits dans lesquels nous vivons ; quelles sont nos façons de nommer ce qui nous entoure tel que le bruit que fait le béton quand on y vit ou quand il s’y passe quelque chose.
Peux-tu nous parler de la mise en images de ton titre « Le Silence De L’Epoque » ?
C’est la première fois que je réalisais moi-même car habituellement, je délègue. J’ai travaillé avec Liliane Rogozyk qui est artiste peintre ; elle fait de la peinture abstraite. Comme le sujet de cette chanson est la difficulté à communiquer, nous sommes partis du constat que pour plus de 70% des mots que j’utilise, l’auditeur n’en a pas la même définition que moi. A partir de là, tout ce qu’on dit est relativement abstrait pour l’autre même si on a une intelligibilité globale autour mais c’est assez relatif. Nous avons beaucoup parlé de synesthésie et de la capacité de reproduire un son facilement en peinture. Son langage étant la peinture et le mien la musique et le texte. A la base, nous voulions juste faire une performance d’artiste, filmer comment Liliane aurait peint mon morceau et mon texte. Nous avons passé des mois sur cette mise en images que nous avons tournée dans une usine complètement vidée à Remscheid qui se situe près de Cologne. Nous avions l’idée qu’il n’y avait plus de dialogue puisqu’il n’y avait plus d’humains dans cette usine mais que ça serait marrant d’essayer d'aller y discuter et d'imaginer quelles pouvaient être les discutions là-bas. Le texte parle d’une situation politique et nous sommes allés filmer dans un endroit qui n’a plus d’intérêt politiquement parlant ; c’est un écho du passé qui n’a plus vraiment d’expression réelle ; nous sommes allés réveiller un peu cet endroit et la possibilité qui s’y soit dit des choses super significatives pour les personnes qui ont vécu là-bas. Je suis allé très loin dans la réalisation de ce clip ; j’ai notamment utilisé trois caméras qui représentent trois personnages ; c’est beaucoup plus que de l’urbex. Les mouvements de Liliane relèvent presque de la danse mais moi, j’ai plus vu cela comme un combat ou une discussion houleuse avec l’espace ; avec ce bâtiment et ce qu’il représente ; et avec le silence qu’il y avait dans ce lieu. J’ai fait intervenir des personnages qui sont des petits fantômes ; les trois caméras tremblent pour symboliser les « esprits » des ouvriers qui ont travaillé là-bas et qui sont super intrigués qu’un nouveau dialogue s’y créé. On les voit avec des choses en amorce, ils se demandent ce qui se passe et au fur et à mesure du clip, ils se rapprochent de plus en plus afin de prendre part au dialogue qui unit la peinture, la musique et le lieu.
Que représente l’œuvre finale de Liliane Rogozyk ?
Liliane a rempli des carnets de notes auxquels je ne comprenais rien et j’ai trouvé ça absolument passionnant ; elle y a sous-noté mon texte, elle a commencé à y parler de ses couleurs et de la façon dont elle voyait les choses. Cette œuvre représente vraiment la façon dont elle a perçu ma musique.
Comment décrirais-tu ton univers ?
Très libre, à mi-chemin entre l’instinctif et le trop réfléchi, versatile et brut.
Quelle est la vocation de ton label XVIIIEMEPENINSULE ?
Quand j’ai créé XVIIIEMEPENINSULE, il y a presque dix piges, je voulais mettre en lumière des artistes d’Electronica qui venaient de Calais ; ma ville d’origine. Nous avons produit beaucoup d’artistes à l’époque mais ensuite, il y a eu le COVID et nous avons arrêté. Pour faire de la promotion, nous avons fait beaucoup d’événements notamment à La Flèche d’Or et au Glazart. A l’heure actuelle, il y a toujours une vocation de produire d’autres artistes mais ça va être très polyvalent ; très diversifié. Dans les tuyaux, il y a deux albums plutôt orientés musique expérimentale/Noise. Il y aura de l’accompagnement de projets et ça sera vraiment sans étiquette. Mais, pour l’instant, XVIIIEMEPENINSULE sert surtout à sortir mes projets.
Qui retrouve-t-on dans ta culture musicale ?
Vraiment plein de choses car j’ai mes périodes durant lesquelles je vais me mettre à digger très fort un style ou un artiste. En ce qui concerne la chanson Française, je suis obsédé par Bashung et par Dick Annegarn. En musique électronique, j’écoute vraiment des trucs chelous comme Oneohtrix Point Never, Notaker, les signatures de chez Warp Records l’ancien label d’Aphex Twin. Moins en ce moment mais j’ai écouté énormément de Rap. J’ai bouffé du PNL que je considère comme étant le dernier groupe majeur après Gainsbourg en France. En Pop, je peux citer Caroline Polachek, Kelela, Lana Del Rey…On peut aller loin, pêle-mêle, Mansfield.TYA, Archive, Olivier Messiaen, Chet Baker…Je n’ai aucune limite. J’ai tripé sur des morceaux de JuL comme tout le monde et je l’assume ; pas comme tout le monde.
Quels sont tes prochains projets ?
Le clip de « Félicité » sortira d’ici la fin du printemps. Le second chapitre est presque fini et le troisième aussi. Je commence à travailler sur les projets d’autres artistes notamment sur les prochains albums d’Isaac Delusion. J’aimerais bien collaborer avec des artistes très différents ; j’ai envie d’aller faire des morceaux avec des gens, d’aller cultiver des idées ensemble. J’aimerais bien faire du live mais je ne sais pas encore comment…j’ai des idées…Je pense que le live se construira à partir de la parution du second EP.