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Rencontre avec Lynda Lemay afin d’en apprendre plus sur son nouvel album intitulé « Il N’Y A Qu’Un Pas » !

Publié le par Steph Musicnation

(c) Sébastien Saint Jean

(c) Sébastien Saint Jean

Comment est née l’idée d’un projet aussi pharaonique ? Composer 11 albums de 11 chansons en 1111 jours, c’est impressionnant !

C’est vrai que c’est démesuré comme projet mais je pense que c’est lié à plein de choses. A la fin de mon année de cinquantaine, je me suis sentie un peu perdue dans ma vie ; fatiguée pour ne pas dire épuisée ; j’ai fait comme une sorte de dépression et j'ai été obligée de me retirer de mon métier ; de la scène. Pendant cet arrêt-là, j’ai perdu mon père et j’ai été beaucoup marquée par son décès ; cela a fait partie de cette grosse remise en question. Ces quelques années de changements ont été nécessaires et finalement, elles ont été bénéfiques car je me suis retrouvée, je me suis soignée, j’ai pris soin de ma famille, je me suis rappelée de qui j’étais et je suis revenue plus forte que jamais. C’est une nouvelle Lynda puissance 1111 qui est apparue. J’ai eu comme une faim d’écrire plus que jamais. J’ai eu une envie de créer. Au départ, même si je n’étais pas sur scène, je sentais que ça bouillait à l’intérieur de moi, que j’avais encore des choses à dire, je me sentais passionnée, jeune dans mon envie d’écrire et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de faire quelque chose d’immense. Par ailleurs, dans les derniers jours de vie de mon papa, nous avons vécu quelque chose d’extraordinaire, nous avons écrit des chansons ensemble ; il me lançait des rimes. Je ne savais pas comment faire face à sa mort et je me suis réfugiée dans la création et je l’ai emmené avec moi là-dedans et ça a donné les premières chansons de ce qui est devenu ce gros projet. Je m’étais dit qu’il faudrait faire un opéra avec ces chansons et finalement, ce n’est pas un opéra qui est né mais le projet Il Était Onze Fois, 11 albums de 11 chansons en 1111 jours. Je me sentais capable de le faire et comme la scène m’avait tellement manqué, j’ai voulu rattraper le temps perdu. Comme mon père est décédé très très vite d’un cancer ; en deux mois, mon papa n’était plus là ; je me suis dit que la vie pouvait basculer vraiment à tout moment alors pourquoi ne pas faire maintenant ce dont je suis capable.

Quel rapport avez-vous avec le chiffre 11 ?

Au départ, je n’avais aucun rapport avec ce chiffre mais lorsque j’ai eu le flash de faire ce grand projet, j’étais assise dans un petit café où j’aimais travailler il y a quelques années, j’avais le téléphone de ma fille dans les mains car elle était à l’école primaire et elle ne pouvait pas bien sûr l’emmener avec elle. A 11h11 ; je ne savais pas qu’elle avait quelque chose avec le 11 ; une alarme a sonné et c’était écrit Make A Wish (Fais Un Vœu). J’ai pris ça comme un signe.

Comment avez-vous mis en place ce projet ? Aviez-vous dès le début les 11 grands axes pour vos albums ?

Ce jour-là, quand le téléphone a vibré dans ma main à 11h11, j’ai vu le projet au complet, je l’ai dessiné, j’ai fait comme un plan précis de ce que ça allait être. Le jour même, il y avait tous les détails et même les bonus que j’allais mettre. J’ai tout vu ; c’était comme une vision. Je savais que j’allais faire 11 albums de 11 chansons avec une thématique par disque. A l’époque, c’était cela mais j’ai changé d’idée en cours de route car je me suis laissée complètement libre dans ce projet. Parmi les onze catégories de chansons, on retrouvait notamment la famille, le côté sombre de l’humain, l’amour possible et les amours impossibles ou toxiques, les cercles anxieux, l’autobiographie, les sourires jaunes, les souvenirs…J’ai décidé de ne pas faire un album de chaque mais plutôt de jouer avec les émotions et les contrastes afin que ça ne soit pas redondant.

(c) Sébastien Saint Jean

(c) Sébastien Saint Jean

Est-ce que l’on suit « un cheminement » tout au long de ces 11 disques ?

Oui et je pense que quand je vais arriver au onzième disque et que j’aurai mis le dernier point final, c’est là que j’aurai tout dit et tout créé. Toutes les chansons ont été écrites avant que je ne sorte le premier album car je ne voulais pas m’embarquer dans ce projet-là au premier jour de la sortie du premier des onze albums sans savoir que j’étais capable de le faire ; même si tout n’est pas finalisé. Il y a comme une histoire tout au long de ce projet très inspirant mais elle se décide au fil de l’eau car je change un petit peu d’idée au fur et à mesure. Je vois où est-ce que ce projet m’emmène car les deux mots d’ordre sont spontanéité et liberté. Je respecte vraiment cela en premier lieu et le reste suit le plan que j’avais établi dès le départ.

Quelles thématiques abordez-vous sur « Il N’Y A Qu’Un Pas » ?

C’est surtout la violence sous toutes ses formes qui est en vedette sur ce disque ; la violence faite aux femmes, aux enfants, l’intimidation, la violence du temps qui passe, la maladie, l’insécurité financière…Ce disque est assez dur mais il faut savoir que je voulais sortir les albums 6, 7 et 8 ensemble car je trouvais qu’ils formaient un bel équilibre ; le sixième aborde le côté sombre de l’humain, le septième est plus centré sur les chansons d’amour et le huitième est plus axé sur les souvenirs et la nostalgie.

Comment compléteriez-vous le titre de ce sixième album ? Il n’y a qu’un pas vers quoi ?

Il n’y a qu’un pas entre la flamme et la suie et entre le rêve et le souvenir ; c’est pour cela que je voulais que les trois albums sortent en même temps. Il n’y a qu’un pas entre la vie et la mort ; entre tout ce qui existe finalement.

Artwork Johanne Lefebvre

Artwork Johanne Lefebvre

Pouvez-vous nous en dire plus sur la sublime pochette qui illustre « Il N’Y A Qu’Un Pas » ?

Sortir de la pochette standard avec une photo était l’un de mes rêves ; je voulais aller ailleurs. J’ai vu une série de toiles de mon amie chanteuse Johanne Lefebvre ; je ne savais pas qu’elle avait ce talent-là en plus de celui de chanteuse exceptionnelle. J’ai été éblouie par sa façon de peindre. J’ai été touchée. Mon papa qui peignait un peu m’avait déjà fait un portrait qui avait du chien. Johanne s’est prêtée au jeu et quand on regarde la pochette de cet album, on sent que cette toile a été faite avec amour et amitié ; c’est le fruit d’une belle complicité et une belle inspiration commune.

Y aurait-il une passerelle entre « Les Fourmis S’En Vont » et « Roule-Moi » présent sur votre album « Du Coq A L’Âme » ?

Oui, effectivement, il y a un lien. Ce sujet de fin de vie me touche ; peut-être parce que je l’ai vécu avec mon papa. Quant à ma maman est en pleine forme mais elle a l’âge qu’elle a ; 84 ans. On sait très bien que les années à venir demanderont plus de soins et d’attention. Dans « Roule-Moi », il était question hôpital, je l’ai vécu aussi avec mon père. Tout est lié. C’est un peu comme si ce grand projet était un résumé ; pas très résumé car il y a onze albums ; de tout ce qui a existé avant avec l’expérience que j’ai acquise. « Les Fourmis S’En Vont » est une grande réflexion sur le fait que notre société n’a pas été préparée à s’occuper de nos personnes âgées. Au Québec, pendant la pandémie, ça a été très très dur ; comme partout ailleurs ; on a vu des personnes âgées qui étaient délaissées ; maltraitées ; et qui souffraient seules. C’est vraiment par l’éducation que l’on peut faire un vrai changement pour les années à venir et c'est pour cela que la réflexion ne se termine pas à la fin de cette chanson. J’ai continué « Les Fourmis S’En Vont » avec une partie de la chanson « Ta Robe » dans laquelle l’enfant s’exprime en disant qu’il ne sait pas comment faire car il n’a pas appris à s’occuper de son parent vieillissant. Après cela, il y a le discours de Michel Jean qui narre un bout de son roman « Kukum ». Dans la coutume autochtone, ils ont un autre rapport avec les personnes âgées et je me dis que l’on pourrait peut-être s’inspirer de ce peuple qui aurait beaucoup à nous apprendre. J’ai été bouleversée par ce livre et je me suis rendu compte à quel point je ne connaissais pas ce peuple-là. J’ai fait une sorte d’œuvre avec « Les Fourmis S’En Vont » pour que l’on puisse aller très loin dans notre réflexion afin de peut-être changer les choses.

(c) Sébastien Saint Jean

(c) Sébastien Saint Jean

« L'Éternel Embouteillage » est une chanson inspirée par Charles Aznavour, comment ce grand artiste a-t-il compté dans votre carrière ?

J’ai découvert la musique de Charles Azvanour quand j’étais très jeune ; nous avions un 33 Tours qui s’appelait « Vibrations Magnifiques » et sur ce disque, il y avait également d’autres grands chanteurs dont Johnny Hallyday et Jacques Brel. Plus tard, quand j’ai commencé à écrire des chansons, j’ai beaucoup écouté Charles Aznavour car c’était un maître dans ce domaine. J’ai toujours été très émue par « La Bohème » que nous avons beaucoup chanté dans un appartement à Montréal avec ma première colocataire. En 1996, le hasard a fait que j’ai rencontré Charles Aznavour. J’allais à Montreux pour un hommage à Charles Trenet ; c’était déjà un grand événement dans ma vie. Pendant que je chantais sur scène, je me suis rendu compte que Monsieur Charles Aznavour était là et il m’a fait un pouce en l’air après ma première interprétation. J’étais très impressionnée, je ne pensais pas que j’allais le rencontrer nécessairement mais à l’entracte du spectacle, on m’a tout de suite dit que j’étais invité dans la loge des deux Charles et de Monsieur Gérard Davoust des Editions Raoul Breton qui les accompagnait. Sans m’y attendre, je me suis retrouvée à serrer la main aux deux grands Charles et là, j’ai vu Charles Aznavour se tourné vers Gérard Davoust et lui dire qu’il faudrait me demander si j’étais libre d’édition. Il ne m’avait entendue chanter qu’une seule de mes chansons et deux titres de Charles Trenet mais il voulait déjà en savoir plus sur ce que j’écrivais car il avait aimé ma façon d’écrire et d’interpréter. Quand on a l’admiration de Charles Aznavour, c’est déjà le plus magnifique des encouragements. Au fil du temps, il a pris énormément de place dans ma vie car je l’ai croisé à plusieurs reprises ; nous avons vécu des moments presque d’amitié même si je n’ose pas le dire ainsi ; c’est trop grand, ça ne peut pas être vrai et pourtant, ça a existé. La dernière fois que j’ai vu Charles, c’était il y a quelques années après l’un de ses spectacles au Centre Bell à Montréal ; il y avait eu un beau moment de confidence et confiance entre nous. « L'Éternel Embouteillage » n’était pas prévue du tout mais j’ai composé cette chanson dans l’avion en pensant à lui avant de livrer les masters de l’album. Je suis sûre que j’ai été inspirée par Charles Aznavour d’autres façons ; je suis certaine qu’il m’accompagne dans tout ce projet.

A l’heure de cette interview, six albums de ce projet sont sortis, lequel illustrerait le mieux votre mood actuel ?

« Il N’Y Qu’Un Pas » car cet album me ressemble en tous points ; il ressemble à ce que j’ai envie de livrer mais je suis sûre que lorsque je serai rendue au onzième album, ça sera celui-ci dont je serai la plus fière. C’est toujours comme cela ; on dirait que je me dirige vers quelque chose et finalement, je me laisse surprendre par ce que j’arrive encore à livrer.

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