Retrouvailles avec Buzy à l’occasion de la sortie de son nouvel album « Cheval Fou » !

Pourquoi y-a-t-il eu une si longue absence dans les bacs ?

Parce que la vie, parce que je n’avais plus tellement de motivation pour faire ce métier, parce que j’en ai un autre depuis 18 ans, parce que j’ai eu des deuils dans ma famille qui m’ont beaucoup perturbée et plus particulièrement le décès de mon frère cadet…Je n’étais pas motivée, je n’avais pas envie, je n’avais rien à dire et puis, ça m’a repris.

Quel a été le déclic pour revenir avec « Cheval Fou » ?

J’écrivais toujours des textes et il fût une époque où je l’ai fait pour une jeune nana et pour un groupe, je m’étais vraiment investie grave et j’avais envie que ma carrière soit plus celle d’auteure mais ils ont splitté ; je me suis dit que ça ne devait pas être ma voie pour l’instant et j’ai pensé à m’y remettre pour moi car ça me taraudait.

Ce cheval fou est-il une métaphore de vous ?

Je suis un peu un cheval fou même si je suis plus docile maintenant. Adolescente dans mon lycée dans la Nièvre, j’étais déjà un cheval fou ; la nuit, plutôt que de rester bien tranquillement, je faisais le mur, je me barrais et je rejoignais le pion qui avait une très vieille Jaguar et qui ressemblait dans mes fantasmes à David Bowie, nous filions dans la campagne et nous buvions du Blancass. J’ai toujours gardé ce côté cheval fou.

Ce titre d’album a-t-il été une évidence ?

Non car au départ, ce disque devait s’appeler « Murs Mûrs » mais pour des raisons X, je n’ai pas réussi à trouver une photo qui stigmatise bien tout ce que je voulais mettre au travers de cela. La chanson « Murmures » est un constat de la non-communication entre les gens, des pays qui se resserrent sur eux-mêmes, de ce populisme ambiant partout et dans cette chanson, il y a une métaphore sur le mur de Berlin. Quand on voit que l’on régresse et que l’on veut de nouveau mettre des murs de partout, c’est quand même vachement impressionnant. Nous marchons à l’envers comme les crabes et ceci m’affecte tous les jours. Des amis autour de moi m’ont dit que dans un premier temps, le titre majeur de cet album était « Cheval Fou ». J’étais très amie avec un très grand photographe d’art qui avait fait une expo magnifique sur les chevaux et il m’a offert cette sublime photo qui orne la pochette de mon disque et qui est une œuvre d’art.

Comment présenteriez-vous l’univers de ce nouveau disque ?

« Cheval Fou » est un disque à l’univers sociétal et poétique.

Quels sont les thèmes principaux de votre nouvel album ?

Dans cet album, il y avait un parti-pris sociétal assez important, j’ai exprimé un constat de ce que je vois et de ce que je ressens au travers de la société, de la politique, des infos, de ce que je peux avoir dans mon cabinet, du chaos, du malaise des gens, de ce qui se passe actuellement. Je me suis mise en observatrice de ça tout en prenant des options non pas poing levé mais plutôt poétique.

Pouvez-vous nous parler des deux invités présents sur votre album ?

Il y a un featuring avec Bertrand Belin que j’adore et dont je suivais la carrière. Je trouve qu’il y a quelque chose de magique dans sa voix et dans son expression artistique. J’avais écrit « Où Vont Mourir Les Baleines » qui est un texte très dur et je ne le sentais pas en tant que compositeur. Je lui ai envoyé le texte, il a flashé dessus, il m’a fait une musique et j’ai trouvé ça très intelligent car il a décalé le truc. Bertrand a fait de ce titre quelque chose de plus léger et de plus Pop alors que je parle de problèmes écologiques et de migrants. Je chante en duo « Prière » avec Anna Mouglalis qui est une comédienne très connue qui a joué notamment dans le biopic sur Gainsbourg et qui est l’égérie de Chanel. J’ai toujours trouvé qu’Anna, non contente d’être belle et intelligente, avait une voix magnifique. « Prière » est un peu comme un mantra et je trouvais ça bien d’avoir quelqu’un qui me réponde.

Pour reprendre un mot du titre « Cheval Fou », Buzy est-elle une amazone au quotidien ?

J’ai un très gros sens de la liberté, je suis une humaniste et ce n’est pas par hasard que je fais le métier de thérapeute ; je suis là pour aider les gens et pour essayer de dessiner un chemin plus humain dans cette société qui devient de plus en plus inhumaine.

Comment avez-vous abordé votre retour d’un point de vue de la communication car tout change et tout va très vite de nos jours et le monde de la musique n’est plus celui qu’il était il y a 10 ans ?

Je suis tombée du ciel. J’en avais l’idée mais je ne pensais pas que c’était à ce point-là. Pendant huit mois, des personnes choisies par mes soins ont démarché des labels pour avoir un contrat de licence et ça ne le faisait pas. Soit, ils ne répondaient pas, soit, ça ne les intéressait pas. Je me suis retrouvée face à un dilemme. L’album était fini, je n’allais pas le mettre à la poubelle et je me suis dit qu’il fallait aller au bout du bout. Nous avons cherché une distribution et j’ai tout payé moi-même. Entre parenthèses, les plateformes de téléchargement ne rapportent absolument rien, 0.02 centimes ; sur le plan économique, c’est la mort de la musique et je ne pensais pas que c’était à ce point-là. Le paysage musical s’est énormément rétréci. On passe essentiellement des gens qui sont signés dans des majors et qui font de la musique actuelle, du Rap, de l’Electro ou de l’urbain. Avant, il y avait une contreculture et cela venait de la musique Indé. J’avais pris conscience de tout cela lors de l’album « Tous Buzy » car j’avais collaboré avec des artistes indépendants qui m’avaient expliqué la difficulté de se faire entendre et connaître. Paradoxalement, j’ai dû me mettre à tout ce qui est Internet et réseaux sociaux et je trouve que Facebook est génial car ça me met en contact avec mes fans, il y a une sorte de rapport producteur-consommateurs sans intermédiaires. Finalement, c’est comme ça que l’on nique le système.

Ce nouvel album va-t-il être synonyme de live ?

Je ne peux pas le savoir car dans la configuration dans laquelle je suis, il faut trouver un tourneur, payer les musiciens, payer des répétions, remplir des salles…On m’a proposé une date au mois de septembre afin de chanter quelques titres, je vais la faire mais pour le reste, je ne peux pas anticiper…

Quel regard avez-vous sur le revival des années 80 et sur les tournées hommage qui fleurissent depuis plus de 10 ans ?

Je n’aime pas cracher sur les artistes car chacun a son point de vue, sa ligne éditoriale, sa façon de gérer sa carrière ou non-carrière, c’est gens-là ont décidé de potentialiser sur leur passé et sur leurs tubes d’hier ; c’est une vaste entreprise financière car ces plateaux rapportent beaucoup d’argent à ceux qui les produisent, les artistes prennent beaucoup d’argent et je comprends qu’ils y aillent. D’un autre côté psychologiquement et pour l’avoir fait moi-même trois ou quatre fois, je ne veux pas faire ça. Me secouer sur « Body Physical » sur un playback d’il y a 30 ans, j’ai vraiment du mal et même en le pitchant car ma voix a changé. Évidemment, je n’ai pas les grandes chaussettes et les cheveux en l’air mais je me demande ce que je fais là. En revanche, quand je chante ce titre en live, nous le réarrangeons pour qu’il aille dans le set avec les nouvelles chansons.

Avez-vous des regrets en termes collaboratifs dans votre carrière ?

Non car je pense avoir travaillé avec tous les gens qui me fascinaient à l’exception de Bashung avec qui j’aurais aimé collaborer, nous avions tenté de le faire, il avait fait une chanson sur l’un de mes textes mais ça ne me correspondait pas. Bashung le disait lui-même, il n’était pas fait pour écrire pour d’autres gens. Pour la petite histoire, c’est Bashung qui m’a dit d’aller voir Gainsbourg. J’ai aimé toutes mes collaborations, Serge Gainsbourg, Daniel Darc qui était mon porte, Charlélie Coutume qui est venu sur scène une fois avec moi, Gerard Manset, Jean Fauque, Rodolphe Burger…Ils font tous partie de ma famille. Si ça s’est passé, c’est qu’ils me correspondaient et que je leur correspondais.