Rencontre avec la chanteuse Mayra Andrade pour son grand retour imminent dans les bacs !

« Manga » ton nouvel album sortira début février, plus de 5 ans après « Lovely Difficult » son prédécesseur, pourquoi y-a-t-il eu autant de temps entre ces deux albums ?

Après la sortie d’un album, je tourne en général entre deux ans et deux ans et demi et ça m’est déjà arrivé de tourner pendant trois ans. J’ai une vie scénique assez riche et assez vaste car nous allons dans des endroits très différents. Par ailleurs, j’ai besoin de vivre et j’ai fait le choix de quitter Paris où je vivais depuis 14 ans pour aller m’installer à Lisbonne. Entre une chose et une autre, j’ai dû prendre un an pour moi afin de récupérer d’autant de temps de vie parisienne. Ensuite, naturellement, j’ai eu l’envie et la nécessité d’écrire et j’aime que les choses se passent ainsi. J’accumule autant d’échanges, d’expériences et de sentiments qu’à un moment donné, il faut qu’il y ait comme un tuyau d’échappement et que ça commence à sortir. J’ai travaillé durant deux ans sur ce nouvel album.

Ce nouvel album marque-t-il une évolution musicale ?

Une nouvelle étape, oui mais je ne sais pas si c’est une évolution car je peux très bien refaire ce que j’ai déjà fait avant en termes de couleurs musicales. Ce sont simplement des mouvances différentes. Tous mes précédents albums me représentaient bien mais « Manga » est sans-doute celui qui est le plus aligné avec mon temps. J’ai le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait par rapport à la musique Capverdienne et traditionnelle même si j’ai toujours été un peu borderline dans la tradition car j’ai toujours eu beaucoup d’influences. Au fil des albums, c’est un peu comme si je m’étais émancipée quelque part de quelque chose de plus ancestral et je me suis dit que j’allais m’autoriser des choses car j’en avais envie. Ce qui est doux dans « Manga », c’est qu’il ressemble plus à mon époque et à ce que je fais au quotidien.

« Afeto » et « Manga » les deux premiers extraits sont-ils représentatifs de l’énergie de ton nouveau disque ?

Je crois que oui mais il y a également une autre dimension dans cet album que le public pourra découvrir très prochainement. Tout le long de l’album, il y a un côté électronique mais ça ne sonne pas digital, le rendu est assez organique car nous voulions que ça se mélange bien avec des instruments acoustiques et avec le timbre de ma voix. Sur « Manga », il y aura quand même des morceaux plus Electro et plus Trap.

De quoi vas-tu parler sur « Manga » ?

J’ai beaucoup composé pour cet album ; j’ai écrit huit des treize chansons ; et il y a donc beaucoup de choses qui vont partie de mes états d’âme. Je vais parler d’amour, de l’histoire de ma famille, de choses que des gens ont pu me faire et qui m’ont blessée. C’est quand même incroyable de pouvoir créer à partir de sentiments qui sont parfois négatifs, de les exorciser, de faire la paix avec cela et d’en vivre après. Écrire, c’est vraiment un cadeau de la vie. Des chansons ont été écrites pour moi mais pas uniquement et certaines racontent des histoires personnelles des personnes qui les ont écrites. Cet album parle de l’humain et tout le monde peut se retrouver dans ces chansons. Avec le temps, j’ai voulu trouver un ton de poésie qui soit plus direct ; je voulais sortir de cette poésie un peu abstraite pour trouver des phrases et des punchlines que les gens comprennent. Cela a été un chemin pour moi.

Te retrouvera-t-on en français sur cet album ?

Non mais rien n’est exclu pour plus tard. On m’a beaucoup demandé de chanter en français sur ce disque mais je suis vraiment une artiste instinctive et si pour une raison ou pour une autre, ce n’est pas naturel de le faire pour moi, je ne le fais pas. C’est un moment très lusophone de ma vie. Alors que c’est ma langue maternelle, je n’avais jamais enregistré quatre chansons en portugais dans un album. Tout à un sens. J’ai envie de chanter plus en portugais et sur « Manga », il y a également beaucoup de créole.

Quelle couleur donnerais-tu à « Manga » ?

Jaune mangue, bien sûr !

Comment présenterais-tu l’univers de ce disque ?                           

Ce disque est sans doute afro contemporain. C’est un album de confessions qui veut se laisser découvrir. J’ai très envie que les gens se penchent sur les chansons et y trouvent leur propre histoire et c’est pour cela que nous mettons toujours les traductions des textes. « Manga » est sensuel car je suis dans une étape assez sensuelle de ma vie. Je trouve qu’en tant que femme, la trentaine, c’est hyper intéressant et je l’ai découvert en y arrivant. Cette sensualité n’est pas nécessairement provocante même si elle peut l’être. C’est juste un état qui n’a rien à voir avec des rapports de séduction. C’est une auto confiance, une force que l’on ressent en tant que femme à ce moment-là, un épanouissement que je trouve dans tellement de choses. Je vis des transformations qui sont beaucoup plus chirurgicales et profondes que ce que l’on peut voir de l’extérieur et elles sont vraiment déterminantes pour les prochaines années de ma vie. Cet album-là porte cette énergie.

Tes nouveaux morceaux appellent des relectures plus clubbing, est-ce prévu ?

Oui, c’est prévu. Nous avons très envie que des producteurs s’approprient l’album et fassent des remixes. Nous avons envie que ce disque devienne un bon virus.

Tu as déjà fait plusieurs duos dans ta carrière dont un avec Charles Aznavour et un avec Omar, aimerais-tu apparaitre sur des productions de DJS et producteurs français comme Bob Sinclar ou Martin Solveig ?

Oui, pourquoi pas. Mon hésitation vient du fait qu’il y a des choses clubbing que je n’aime pas du tout et d’autres qui m’emportent carrément. Oui, j’adorerais donc pour répondre à ta question si c’est dans la version où cela m’emporte. Toutes les collaborations que j’ai pu faire dans ma vie ; et j’en ai fait dans des univers très différents ; ont toutes semé quelque chose qui a abouti dans l’album qui a suivi. C’est un ensemble d’échanges et de collaborations qui m’ont fait du bien et je me suis toujours demandé pourquoi je ne pourrais pas le faire dans ma musique. « Manga » exprime cela. Ces dernières années, j’ai écouté d’Afro Beat Nigérien et Ghanéen, cette musique me portait et changeait tellement mon mood de manière immédiate que j’avais envie de l’inclure dans ma propre musique. La vie, les échanges et ce que d’autres font m’inspirent et c’est ça qui fait que ma musique ne stagne pas.

Peux-tu nous en dire plus sur « Debout Les Femmes » ?

Le titre est sorti il y a quelques semaines et il a été enregistré à l’initiative des Brigitte pour aider La Maison Des Femmes de Saint-Denis. Elles ont contacté une poignée de chanteuses qui devaient à leur tour inviter un ou deux chanteuses. Quand j’ai été contactée, nous devions être six ou sept au départ et quand je suis arrivée en studio, nous étions une quarantaine. La vidéo est très touchante mais je pense que l’on ne perçoit pas assez ce que l’on appelle irmandade en portugais. Il y a eu une véritable fraternité féminine, quelque chose d’hyper sensible et d’hyper doux lors de cet enregistrement et personne n’a cherché à se détacher des autres. Nous avions toutes envie de trouver une fréquence, d’y rentrer et de porter le morceau jusqu’à la fin. En tant qu’artiste soliste, on a rarement l’occasion de ressentir une émotion aussi belle dans le collectif et pour une cause. Parfois, dans la vie de tous les jours, on ne sent pas assez cette complicité qui existe entre les femmes. J’ai été très heureuse de faire partie de ce projet grâce à Inna Modja et de défendre cette cause.

Quels sont tes prochains projets ?

« Tan Kalakatan » vient de sortir, un quatrième single sera disponible en janvier et l’album « Manga » qui est déjà en précommande sortira le 08 février. La tournée a déjà commencé, nous nous sommes produits en Hollande, en Suède, en France, au Portugal, au Luxembourg, nous la reprendrons le 04 janvier à Berlin et nous serons en concert à La Cigale le 19 février.