Rencontre avec La Mana au Studio Luna Rossa afin d’en apprendre plus sur son premier EP !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Je suis une artiste Mexicaine mais cela fait treize ans que j’habite en France et j’ai récemment été naturalisée. Je chante, j’écris et je compose sous le nom de La Mana. Je joue un peu de piano pour composer mais pas sur scène. J’ai sorti récemment un premier EP intitulé « Alquimia » qui a été arrangé par Bastien Lacoste un ami musicien. Ma musique est une fusion entre les musiques traditionnelles de mon pays et d’Amérique Latine et des esthétiques plus actuelles comme le Rap et le Raggaeton.
Peux-tu expliciter ton nom d’artiste ?
La Mana veut dire la sœur ; la hermana ; au Mexique. Cela fait sens pour moi de m’appeler ainsi car dans ma musique, il y a quelque chose de très important qui à rapport à la sororité et à l’héritage de toutes ses femmes qui ont été oubliées et effacées de l’histoire.
As-tu très tôt quelle serait la direction musicale de ton premier EP ?
Non, je n’ai pas eu une vision ou un concept dès le début en ce qui concerne cet EP. Ce disque s’est plutôt fait instinctivement. J’ai commencé à œuvrer sur cet EP en interprétant ma propre version de « Llorona » qui est une chanson populaire. J’ai d’abord chanté ce morceau à cappella en nahuatl et ensuite j’ai créé un Rap dessus. Comme j’ai appris à faire du beatbox, on a samplé ce que j’avais fait et nous l’avons travaillé avec Bastien. Petit à petit, cela a pris forme mais en tout cas, dès le départ, j’avais à cœur de coller plusieurs choses ensemble et on retrouve aussi cela sur la pochette de cet EP qui est un collage des quatre éléments. J’ai travaillé sur cette pochette avec Chloé qui est une super graphiste.
A quelle alchimie renvoie le titre de ce disque ?
Cette alchimie renvoie au devenir de Sofia ; qui est mon prénom ; à La Mana. Je suis allée creuser dans la peur, le doute, dans quelque chose de plus profond et d’inconscient par rapport à mon héritage. Pour moi, La Mana est une sorte de puissance de tout cet héritage de femmes que je n’ai pas eu forcément dans mon éducation. Le processus alchimique illustre la métaphore d’aller chercher quelque chose de pur.
Quelles thématiques y abordes-tu ?
J’évoque notamment la transformation et il y également de la revendication qu’elle soit au niveau de l’histoire ou politique dans ces chansons. Dans « Appel Sauvage », je dénonce le capitalisme et l’état policier ; cette chanson est une sorte d’hommage pour les migrants et pour toutes les personnes qui sont en danger face à des politiques d’extrême droite.
Peux-tu nous en dire plus sur la légende de La Llorona ?
C’est une légende coloniale qui dit qu’une femme serait devenue folle suite à une rupture sentimentale et qu’elle aurait noyé ses enfants ; c’est l’une des versions les plus courantes et c’est celle que l’on m’a apprise. Selon la légende, on l’entendrait toujours pleurer dans les rues de la ville de Mexico. Mais, il existe un mythe plus ancien qui dit que les Aztèques avant l’arrivée des Espagnols avaient déjà entendu ces lamentations ; ces pleurs ; et que c’était leur déesse Cihualcoatl qui présentait l’arrivée des colonisateurs et qui pleurait le massacre de ses enfants. Ca a été très fort pour moi de découvrir cela pendant le confinement et je me suis mise à faire des recherches sur des mythes féminins. Les femmes qui ont été reniées dans l’histoire sont toujours vivantes, elles sont là à travers ma voix.
Il me semble que « Mi Nombre » est un morceau important pour toi, peux-tu nous en donner la raison ?
C’est avec ce morceau que j’ai trouvé mon nom. Sur ce titre, j’ai plus assumé le fait de coller des esthétiques parfois très contrastées comme des lamentations.
Quelles ont été tes envies visuelles pour le clip qui illustre cette chanson ?
Dans cette vidéo, je sors de mon cocon ; de cet espace de doute et peut-être aussi de confort ; afin d’aller prendre ma place dans l’espace public. On me voit danser avec mes amies et me sentir puissante en tant que femme. Ce clip illustre une métamorphose comme lorsque la chenille devient papillon.
Le dernier titre présent sur « Alquimia » est en partie en français, « Appel Sauvage » ouvre-t-il un nouveau chapitre dans ton projet musical ?
Il y a du français et de l’espagnol sur « Appel Sauvage », c’est une chanson qui est un peu constituée de deux blocs mais j’ai récemment composé un morceau baptisé « Trewa » ; que je chante déjà en live ; et dans celui-là, j’ai vraiment intercalé des phrases en français et en espagnol et ça m’a beaucoup plu. J’essaie d’explorer plus le français afin de développer l’écriture dans cette langue à l’avenir.
Comment décrirais-tu ton univers ?
Féministe, badass, engagé socialement et politiquement, hybride et spirituel dans le sens où j’imagine que la musique est une sorte de rituel grâce auquel on peut être libre.
Qui retrouve-t-on dans ta culture musicale ?
Björk est une grande influence ; j’ai beaucoup écouté ses premiers albums. J’aime beaucoup la musique Flamenco et notamment des artistes comme Estrella Morente, Rosalia et Maria José Llergo. Je peux citer également Ana Tijoux, La Chica, Los Panchos que j’écoutais beaucoup avec ma mère, Son de Madera, Los Baxin, The Beatles que j’écoutais avec mon père…Je trouve que Yamê est un artiste incroyable.
Quels sont tes prochains projets ?
J’espère pouvoir faire une petite tournée à partir de la rentrée afin de faire vivre l’EP. Je suis à la recherche d’un producteur ou d’une productrice pour mon prochain projet qui sera un album ; quatre morceaux sont déjà assez finalisés. Comme je vais être accompagnée normalement par Le Plan-SMAC-Ris-Orangis, j’ai pour idée d’enregistrer une live session.
La Mana - Mi Nombre (extended version)
Directed by Ilton Kabassa Do Rosario & La Mana Art Direction by Sari Tanikawa & Elise Roussel Dansers by Twerk Alert Crew (Patricia Badin, Willow, Laura Ansaloni & Judith Ceac) Additional dansers by