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Retrouvailles avec Thérèse au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son premier album !

Publié le par Steph Musicnation

(c) Sarah Jacquier

(c) Sarah Jacquier

Tu viens de sortir un premier album après avoir publié deux EPs en 2021 et en 2023, ces deux disques ont-ils été nécessaires et formateurs pour atteindre ce que tu cherchais musicalement ?

Oh que oui ! Je suis persuadée que le parcours d’un ou d’une artiste se construit avec le temps, les goûts qui évoluent tout comme les compétences mais aussi beaucoup de connaissance de soi ; c’est la capacité à exprimer ce que l’on ressent et à prendre du recul dessus qui fait que les artistes sont intéressant.e.s. J’avais besoin de passer par toutes ces étapes-là pour mieux me comprendre au niveau du discours mais aussi musicalement parlant. Aujourd’hui, je partage vraiment la création avec mon binôme ; Adam Carpels ; et c’est le gros changement qu’il y a eu entre ces deux EPS et l’album. Je m’occupe moi-même de la direction artistique de A à Z et Adam fait la réalisation technique. Nous nous connaissons tellement bien qu’aujourd’hui, nous sommes capables de forger notre propre son ; et c’est génial ; mais nous allons aussi nous appuyer sur des personnes à droite à gauche à l’extérieur pour enrichir la vision que nous avons.

Que représente pour toi ce premier album baptisé « L’Attente » ?

J’ai l’impression que cet album correspond musicalement à la façon dont je me suis presque psychologiquement comprise et trouvée. J’ai le sentiment d’avoir aujourd’hui la capacité d’exprimer qui je suis à travers mes textes et ma musique de façon assez précise, complète, subtile ; j’ai envie de dire ; et avec une certaine forme de sagesse. Je me représente mes années d’avant un peu comme l’adolescence de ma vie artistique ; il y avait notamment un besoin de s’exprimer fort et dans tous les sens. Cet album illustre un alignement apaisé. Avec mon projet Thérèse, j’ai toujours été alignée avec ce que j’avais envie de dire mais je sentais qu’il y avait encore des zones d’ombre, de honte ou de non-dits. Aujourd’hui, j’ai le sentiment de me livrer telle que je suis tout en ayant détruit notamment certaines croyances qui me limitaient beaucoup. J’ose plus chanter sur cet album qui montre qui je suis avec des artifices et du maquillage quand j’en ai envie et sans quand je n’en ai pas envie car les deux sont possibles.

Pourquoi as-tu donné ce nom à ton premier long format ?

L’essence de cet album part de mon attente de greffe ; moment pré-greffe où j’étais symboliquement entre la vie et la mort. Je ne savais pas si j’allais survivre ou non, si on allait me donner un foie, si la greffe allait prendre… Je me confrontais quelque part à cette mort potentielle un peu prématurée. Quand on se retrouve face à cela, on se pose plein de questions sur ce que l’on a accompli jusqu’à présent, sur nos choix et sur l’après si on survit. J’ai extrapolé cette attente à tous les moments de la vie. Alors que le passé nous conditionne, le présent est une attente et le futur que l’on a en face de nous est un peu vertigineux car plein de possibles.

(c) Sarah Jacquier

(c) Sarah Jacquier

L’écriture de « L’Attente » a-t-elle été cathartique/thérapeutique pour toi ?

Globalement, c’est le cas de toutes les chansons que j’ai pu écrire dans ma vie mais encore plus sur cet album. Durant la composition de cet album, je me suis posé beaucoup de questions par rapport à la notion du temps et ça a été très salvateur. Je me suis rendue compte que l’on avait beau essayer de mesurer le temps, il possède une forme d’élasticité qui nous appartient surtout dans cette société où tout va toujours très vite. D’accepter l’idée de ma finitude, cela m’a beaucoup apaisée. Se confronter à sa mort, se dire que cela peut s’arrêter demain, je trouve que cela ouvre une autre dimension de vie et cela permet d’en profiter plus car on mesure le côté précieux des choses et de chaque instant. Chaque moment est un peu un miracle.

Quels thèmes abordes-tu sur ce disque ?

Ce disque parle beaucoup de ma relation au temps qui passe sous plein de formes différentes. Je dirais que cet album est à la fois linéaire et cyclique ; il va du passé au futur en passant par le présent représenté par la chanson « L’Attente ». Sur ce disque, je remonte notamment à mes rêves d’enfant ; « Industrie BB » ; et je déconstruis les illusions que je pouvais avoir. J’aborde certains défauts comme sur « Jealous ». Je me questionne sur le futur et j’essaie de m’ôter tout un tas d’injonctions afin d’être toujours plus libre comme sur « No Rules ». L’album se termine sur « Shonen » qui parle de regarder dans le rétro ; c’est une façon de rendre hommage à toutes les minorités à qui on confisque un peu la lumière.

Comme il est très présent sur ton album, peux-tu nous en dire plus sur ta propre relation avec le temps ?

La chanson « Le Temps » qui ouvre l’album raconte la relation un petit peu difficile que j’entretiens avec lui. J’ai une forme d’attraction/répulsion pour cette notion que j’adore parfois quand j’arrive à prendre mon temps alors qu’à d’autres moments, je me sens complètement écrasée par les deadlines. Ce n’est pas facile de trouver un équilibre entre vivre, survivre et sur-vivre car parfois, l’excès de vie tue aussi. La volonté de faire un maximum de choses pour profiter de la vie peut nous empêcher d’en profiter tellement on ne peut pas savourer le moment.

(c) Sarah Jacquier

(c) Sarah Jacquier

Pourquoi la chanson « No Right Time » est-elle aussi importante pour toi ?

C’est vrai que cette chanson est particulièrement importante pour moi et je pense que je ne m’en suis pas rendue compte au moment où je l’ai écrite en une heure. Je pense que c’est la chanson qui m’apparaît le plus comme une évidence et je crois que c’est un peu ma philosophie de vie aujourd’hui, c’est un combat à la fois personnel et collectif. On peut mourir à tout moment, il n’y a pas de « bon moment » et de ce fait, il n’y a pas de bon moment pour commencer ou recommencer à vivre. Ça peut aussi être une métaphore, mourir peut être la fin de quelque chose ; la fin d’un cycle ; je ne parle pas que de la mort biologique. On peut renaître ; se recréer ; tous les jours, à chaque instant. En dehors de cela, ce combat est aussi sociétal car je trouve que la mort est un sujet qui est encore très tabou ; les gens évitent un peu d’en parler car ça gène tout le monde alors qu’elle est partout. Pour ma part, je trouve que le fait de tenir la mort à distance nous traumatise encore plus que si on en parlait dans le calme et pas forcément dans un moment de deuil où l’on est souvent submergé par les émotions. Mon opération m’a permis d’en parler avec mes parents, mon frère et des amis et ces moments ont été extrêmement riches.

Peux-tu nous parler de sa mise en images ?

Même si je ne nomme jamais vraiment la mort dans les paroles ; sauf sur le refrain ; je dis qu’elle me tournait autour,  j’ai voulu en faire une chanson d’acceptation et c’est ce que les images traduisent. La mort me tournait autour, certes mais cette fois-ci, elle m’a fuit car ce n’était peut-être pas encore le bon moment. J’ai survécu à tout cela et j’ai voulu montrer les étapes d’un retour à la vie apaisée. Si je cours après la mort, cette course n’est ni flippante ni désespérée. Je la rattrape et je lui dis que je l’accepte. A la fin du clip, je mets ma tête sur son épaule et je me réconcilie avec elle comme pour lui dire que je ne lui en veux pas car elle ne fait que son job ; les êtres naissent, vivent et meurent. C’est une façon de dédramatiser la présence de la mort dans notre vie et d’apprendre à accepter notre condition en tant que mortels ; c’est notre finitude mais elle peut ne pas être terrible. Pour qu’elle soit la plus heureuse possible, peut-être qu’il faut profiter maintenant.

Ton single précédent ; « Toujours Trop » ; sentait clairement le vécu, l’as-tu envoyé à la personne qui t’a inspiré ce morceau ?

(Rires) Je me suis posé la question quant au(x) destinataire(s) cette chanson ; des ex, des amis masculins comme pluriels ; et finalement, je me suis rendu compte que « Toujours Trop » était adressée à quelque chose de très abstrait à savoir le système, et au nom de toutes les femmes, et à une personne très concrète à savoir mon père (sur le refrain) mais plus par rapport à ce que j’ai ressenti quant à ses attentes à lui alors qu’elles n’étaient pas nécessairement formulées. En écrivant cette chanson, j’ai eu envie de dire stop à toutes ces choses auxquelles je me suis pliée soit parce que c’était des injonctions de la société qui étaient verbalisées soit parce que c’était des choses que je m’étais auto-imposées en pensant que c’était ce qu’on attendait de moi. Evidemment, dans cette chanson, je réponds également à l’industrie de la musique aussi.

(c) Sarah Jacquier

(c) Sarah Jacquier

Sur ton album, on retrouve des collaborations avec Louisadonna et Cœur ; à l’avenir, imagines-tu tes collaborations exclusivement avec des artistes féminines ?

Pas forcément car ce qui prime pour moi, c’est l’entente, les valeurs et les idées que ces personnes défendent. Louisadonna et Cœur sont des copines et ça m’a fait grave marrer de me retrouver en studio avec elles. Toutes les deux m’ont beaucoup aidée dans mon processus de chant, j’ai découvert que j’avais des points forts, qu’elles en avaient aussi et c’était génial car ça se complétait. C’est aussi cela la richesse de la sororité ou de la solidarité car j’ai très envie d’être solidaire avec d’autres personnes ; des femmes, des hommes, des personnes non binaires ; tant que l’on partage des valeurs. C’est cool de se rendre compte que le collectif a du bon ! Sur l’album, on retrouve aussi des hommes, Argo sur « Butterfly », Rémi Ghesquière sur « L’Attente », Timothée Marceau sur « No Right Time », les musiciens Kengo Saito et Aksel Bahouche sur « No Rules » déjà et bien sûr, Adam Carpels ! Je profite de ta question pour inviter n’importe quel artiste à toquer à ma porte, à mon cœur, à mon oreille parce qu’on ne sait jamais…

Quels sont tes prochains projets ?                     

Plein de choses arrivent ! J’ai récemment posé une phrase sur un titre et un featuring avec un groupe surprenant devrait se faire dans les prochains mois…La tournée va se poursuivre jusqu’à la rentrée ; le 12 juin, nous présenterons l’album à La Maroquinerie. La musique que je fais trouve écho hors de nos frontières, petit à petit, je me produis en Belgique, en Suisse et en Allemagne. Il se pourrait que « L’Attente » sorte en vinyle et qu’il y ait des surprises notamment des remixes et des invités…Je prépare aussi un podcast sur la santé des artistes.

Retrouvailles avec Thérèse au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son premier album !
https://www.facebook.com/tcommetherese
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