Rencontre avec Damien du groupe Au Loin Carmen au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution d’« Incendies Ordinaires » !
Dirais-tu que ce sont l’humain et le partage qui se trouvent au centre d’Au Loin Carmen ?
D’une certaine manière, oui car c’est un projet familial. A la base, ce sont Julien et sa sœur Sylvia qui ont fondé le groupe à Rouen avec Jules un ami d’enfance et moi, j’ai rejoint le projet qui alors ne s’appelait pas encore Au Loin Carmen car je sortais avec Sylvia quand ils ont tous déménagé à Paris. C’est très vite devenu une histoire de famille car nous nous retrouvons ensemble en dehors de la musique et pour la musique. L’humain et le partage, ça nous parle et on retrouve aussi cela dans les textes que nous écrivons à trois ; Julien, Jules et moi-même ; et qui abordent la société et tout ce qui nous entoure.
D’où vient votre nom de scène ?
Il y a deux versions (rires). En ce qui concerne la version officielle, Carmen est un personnage que nous nous sommes inventé et qui nous regroupe tous. Comme nous sommes trois à écrire et quatre à composer, il nous fallait quelque chose qui nous centralise. Carmen est une sorte de phare, de muse lointaine qui s’éloigne au fur et à mesure que nous essayons de la chercher ; un peu comme une utopie ; un idéal. En ce qui concerne l’autre version, c’est un nom qui nous est venu comme cela et il est entré en résonance avec chacun de nous. Quand on a cherché un nom de groupe, on savait qu’on voulait un personnage féminin qui nous unifie tous ; on était en pleine époque #METOO et il y avait quelque chose qui nous tenait à cœur là-dessus. Par ailleurs, on retrouvait cette idée de lointain dans la plupart de nos paroles. L’association des deux nous a tous parlé.
Qu’est-ce qui a été le plus mis en avant sur votre premier album éponyme paru en avril 2021 ?
Les textes et le côté très acoustique. Ce premier album avait un côté très proche, très intime voire même feutré et cela venait aussi du fait que nous l’avions enregistré dans un cocon à la maison tout juste à la sortie du confinement ; nous avons fait ce disque un peu renfermés sur nous-mêmes durant l’été 2020. C’est la chanson « Coyote » qui parle de l’enfance, de l’épanouissement et du passage à l’âge adulte qui a été la plus mise en avant par le biais d’un clip.
« Incendies Ordinaires » marque-t-il un approfondissement de ce premier long format ou êtes-vous partis dans d’autres directions ?
Ce second album n’est pas vraiment un approfondissement car nous avons voulu prendre un léger virage vers quelque chose de plus rythmé et de plus dansant. Pour défendre le premier album sur scène, François nous a rejoints à la batterie et nous avons écrit ce second disque avec lui, ce qui a permis d’y inclure des notions de groove, de danse et de rythme. Dans la façon de composer, nous avons voulu que ce nouvel album soit plus lumineux. Nous avions à cœur que ce second disque soit moins centré sur nous et plus ouvert sur l’extérieur. A l’heure actuelle, c’est Stéphane qui nous accompagne à la batterie.
Peux-tu expliciter le titre de votre second album ?
« Incendies Ordinaires » est un titre qui rassemble toutes les chansons de l’album qui peuvent être tout aussi bien des incendies intérieurs ; des rages, quelque chose qui brûle en nous ; qu’extérieurs en rapport avec tout ce qui nous entoure actuellement ; l’actualité brûlante et la planète qui se réchauffe ; tout cela évoque des incendies que nous voulons ordinaires car nous vivons avec au quotidien.
Quelles thématiques y abordez-vous ?
Sur cet album, on retrouve certains sujets de société comme la montée de l’extrême droite en France et cette façon que l’on a d’accueillir des exilés qui n’est plus du tout en phase avec ce que devrait être notre pays à savoir un pays d’accueil. On parle également de religion et de l’enfermement que cela peut créer, d’amour qui est toujours une source d’inspiration pour nous…Chaque chanson a un thème spécifique et ce côté brûlant/incandescent est ce qui les relie toutes.
Peux-tu nous nous en dire plus sur vos envies visuelles concernant la pochette d’« Incendies Ordinaires » mais aussi des deux premiers singles et la mise en images de « La Boucle » ?
C’est moi qui ai créé la pochette de l’album, c’est une sorte d’île volcan qui représente Carmen idéalisée et en même temps incandescente. C’est un collage un peu à la manière surréaliste sur lequel on retrouve tous les sujets abordés dans l’album. C’est en même temps quelque chose de très onirique et d’assez littéral par rapport au nom de l’album et à ce qui s’y trouve. Toutes ces chansons mêlées ensemble forment ce volcan en éruption. En ce qui concerne les pochettes des deux premiers singles, ça a été un peu différent car celle de la chanson « On Dansait » est un portrait de nous quatre ; les chanteurs fondateurs du groupe. A l’époque où nous avons sorti ce single, nous ne travaillions plus déjà avec François mais nous n’avions pas encore commencé à œuvrer avec Stéphane, c’est pour cela que nous nous sommes mis tous les quatre en scène dans ce portrait mélangé de nos quatre visages qui forme une sorte de paysage dans lequel il y a des détails, des instruments et des personnages. Quant au visuel de « La Boucle », il a été créé par Jules qui est graphiste aussi, nous nous sommes mis ensemble pour imaginer cet animal en patchwork. Cette chanson parle du confinement, de cette envie de liberté comme si nous avions été domestiqués tout ce temps-là et son clip illustre ce retour a l’état sauvage. Il y a eu tout un travail sur ces animaux humanisés contraints dans leurs vêtements qui finissent par tout casser afin de repartir à l’état sauvage. Ce clip a été réalisé en collage animé sur ordinateur avec des photos découpées.
A-t-il toujours été évident qu’il y aurait plusieurs voix au sein d’Au Loin Carmen ?
Oui, depuis que ce groupe existe en tant que tel sous ce nom-là. Auparavant, nous avions créé Le Petit Bazar ; il y a de cela 20 ans ; et au départ, il y avait deux chanteurs et puis, je me suis rajouté et ensuite, ça a été au tour de Sylvia. Ça s’est fait de façon un peu empirique et parfois en concert, on nous faisait remarquer que l’on ne savait pas qui regarder et que cela donnait l’impression d’être un tour de chant ; chacun venait chanter sa chanson et passait le relais à son voisin. Quand nous avons créé Au Loin Carmen, nous avons eu envie de passer outre ce problème-là et de mêler vraiment toutes nos voix directement ; que ce soit par le relais de voix au sein d’une même chanson ou par les chœurs/les harmonies. Nous sommes conscients que ça peut être autant une force qu’un défaut mais nous avons voulu prendre cela à bras le corps afin d’en faire une force.
Que mettrais-tu en avant chez chacun de tes « camarades de jeu » ?
Julien est le poète rock ’n’ roll du groupe, c’est la fougue, il sait vraiment tout lâcher, il fonctionne à l’instinct ; je pense que c’est autant sa force dans son caractère que dans son écriture ou sur scène. Jules est un peu le clown blanc du groupe, il y a quelque chose de très poétique chez lui mais pas dans le même sens que Julien ; quelque chose de plus mélancolique ; il est posé et très rêveur. Jules amène tout un univers plein d’images et de voyages. Si nous étions des éléments, Julien serait le feu, Jules serait plus l’eau et Sylvia serait plus l’air alors que ; quelque part ; c’est elle qui a plus les pieds sur terre. Sylvia, c’est la douceur, c’est elle qui nous canalise et qui nous guide. Quant à Stéphane, c’est quelqu’un de très sérieux sur lequel on peut se reposer, il nous cadre beaucoup, c’est la terre !
Pourriez-vous troquer même momentanément le français pour l’anglais afin de faire voyager encore plus votre musique ?
C’est une bonne question ! Dans nos influences musicales, pour la plupart d’entre nous, il y a beaucoup de musique Anglo-Saxonne mais je sais que Sylvia et son frère Julien ont beaucoup de mal à écouter des textes qui ne sont pas en français. Pour ma part, étant fils de prof d’anglais, un peu plus du coup (rires). Ça dépendrait donc des morceaux…mais ; moi ; je serais prêt à chanter en anglais ou à adapter des chansons dans cette langue. Je pense que certains de nos titres s’y prêteraient. C’est aussi cette barrière de la langue qui nous emmène à chanter/interpréter les chansons différemment.
Quels sont vos prochains projets ?
Nous serons en concert le 13 janvier à Larré CHEZ Lulu. L’agenda de concerts commence à se remplir pour le printemps afin de défendre ce nouvel album sur scène ; nous nous produirons notamment à Paris au Bateau El-Alamein le 02 avril ; et nous sommes également en train de booker les festivals pour l’été. L’édition vinyle d’ « Incendies Ordinaires » sortira normalement en mars ; elle contiendra dix des douze chansons de l’album ; et afin d’accompagner cette sortie, nous allons proposer une petite tournée semi-acoustique plutôt en version cave conc’ ; je pense que cela mettra plus en valeur les voix, le chant et les textes. Nous allons continuer à faire des clips et nous avons envie de sortir un single inédit qui a été enregistré durant la session de l’album ; c’est un long morceau un peu fleuve sur lequel nous chantons tous et qui se suffit à lui-même. Nous allons continuer à faire des live sessions car nous aimons beaucoup cela. Parallèlement à tout cela, nous commençons à nous faire écouter de nouvelles idées…ça commence à semer les graines pour de nouveaux morceaux.