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Rencontre avec Ulysse Manhes au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son premier EP !

Publié le par Steph Musicnation

(c) Anthropophobia

(c) Anthropophobia

Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?

Comme beaucoup de musiciens, au début, j’ai suivi une formation de guitare classique au conservatoire et j’étais obsédé par le fait de jouer de la guitare et de chanter en même temps ; ça me semblait quelque chose d’invraisemblable ; et à vrai dire, je voulais imiter Brassens. Vers l’âge de 11 ans, j’ai commencé à apprendre mes premières chansons ; elles étaient de Brassens ; et c’est à cet âge également que j’ai entrepris d’écrire mes premiers gribouillis de chansons dans la foulée. Mes premières compositions étaient sur des thèmes un peu étranges, mystiques et célestes. Au lycée, j’ai commencé à travailler sérieusement, je me suis intéressé à la philosophie et la littérature. Mon Bac en poche, je suis venu à Paris il y a sept ans afin de faire une classe préparatoire à Henri-IV et là, j’ai mené de front mes études et la musique ; la journée, je faisais ma prépa et le soir, je donnais des concerts dans des petits bars de la capitale. Cela fait six ans que j’ai à peu près cet équilibre avec des cycles quand même et aujourd’hui, j’ai trois casquettes principales et je tiens vraiment à ce qu’elles soient vues comme une triade. Dans la chanson, je suis auteur, compositeur, interprète ; je collabore avec d’autres artistes, je suis en train de monter un festival de musique Tzigane-Yiddish, j’apprends la musique Grecque ; j’ai plein d’activités autour de la musique même si le nœud reste la chanson française. A côté de la musique, je suis producteur de radio à France Culture et je fais également ma thèse de doctorat à Normale Sup’. Je tiens vraiment à mener les trois de front.

Pourquoi as-tu attendu 2022 pour dévoiler enfin des titres sous ton nom ?

Heureusement que je n’ai pas dévoilé des titres plus tôt car je serai comme beaucoup de personnes qui renient des œuvres de jeunesse ; même si on peut les trouver touchantes, je préfère qu’on les découvre de manière posthume. J’ai dans mon ordinateur des dossiers complets de chansons et d’enregistrements avec ma voix fluette, puis avec ma voix qui mue et enfin, avec ma voix grave et avec des textes qui changent au fil du temps. En gros, aujourd’hui, j’ai plus de cent chansons en stock mais il y en a cinquante que je ne joue pas ; en revanche, j’aimerais continuer à donner vie à ces vieilles chansons en les réécrivant un peu pour d’autres artistes. Si j’ai commencé à sortir des titres en 2022, c’est surtout car fin 2020/début 2021, j’ai fait une rencontre assez décisive avec Boris Pélosof qui est un musicien-arrangeur-guitariste Manouche et ancien prof de philo ; en plus de la musique, nous avions des accointances sur d’autres sujets.

Pourquoi n’as-tu pas intégré « Pour Toi Que Mon Cœur » et « J’Ai Dû Rêver » à ton premier EP ? Est-ce pour ne pas « briser » une cohérence ou un fil conducteur ?

Boris Pélosof possède le très beau Bleulune Studio à Amiens ; c’est un endroit très sauvage au milieu d’étangs ; nous avons commencé à y enregistrer une chanson ensemble, puis une deuxième et une troisième que je n’ai pas diffusées et ensuite, un EP que j’ai complètement bazardé à l’exception de « Pour Toi Que Mon Cœur » qui avait une veine un peu Pop et « J’Ai Dû Rêver » qui a été mise en images. L’EP me semblait fatiguant et pas abouti alors qu’objectivement, il était bien et j’ai refait un disque complet ex nihilo avec les formidables musiciens que j’ai rencontrés en 2022 ; nous avons tout enregistré dans une foulée et maintenant, je n’attends qu’une chose à savoir enregistrer un album complet.

(c) Manon Sage

(c) Manon Sage

Portais-tu en toi ce disque depuis longtemps ou les six chansons qui le composent sont-elles nées plutôt d’une seule traite il y a peu ?

Je me souviens d’une interview d’Alex Beaupain dans laquelle il disait que le premier album est toujours une sorte de gloubi-boulga, on y balance toutes les chansons que l’on a depuis dix ans, ça n’a pas de cohérence et ensuite, on constitue des albums unitaires. Sur mon premier EP, il y a à la fois des vieilles chansons comme « Baby Dit » qui assez Jazzy et des très récentes comme « Rosalie » et « Verse La Verveine » qui sont plus Rock mais j’ai quand même tenu à ce qu’il existe une unité de son dans ce disque.

Peux-tu expliciter le titre de ton EP baptisé « Nos Désirs Provisoires » ?

Le titre de cet EP a été l’objet de très très longues conversations car il m’a semblé qu’aucune des chansons de ce disque ne pouvait lui donner son nom. J’ai imaginé tout un tas de choses et en fait, c’est ma mère qui est très douée pour trouver des titres qui m’a demandé de lui envoyer toutes les paroles des chansons de cet EP et elle a trouvé « Nos Désirs Provisoires » dans « Grandeur Et Décadence ». Ce titre m’a plu car il m’a fait penser à « Risibles Amours » de Milan Kundera qui est l’un de mes auteurs préférés ; ce recueil de nouvelles traite du risible de nos émotions, de nos passions, de notre lyrisme, de nos désirs et tout cela est assez éphémère. Par ailleurs, j’aime bien l’idée que cet EP possède une tendresse ironique.

Quelles thématiques abordes-tu sur ce disque ?

Ce disque parle notamment de l’émoussement du désir, de consolation et d’addiction mais malgré tout, les chansons sont assez légères ; je n’ai pas de tragédie dans la voix, j’ai une sobriété un peu amusée de temps en temps.

(c) Sam Delhay

(c) Sam Delhay

Musicalement comment as-tu souhaité habiller tes chansons ? Ce premier EP est-il un instantané ou fige-t-il ta direction artistique ?

Tout a été enregistré en deux jours dans les mêmes studios avec les mêmes musiciens et les mêmes micros. Il y a à la fois une dynamique un peu live car nous avons joué tous ensemble au clic mais après, il y a eu de la postproduction ; phase durant laquelle nous avons revu les batteries et rééquilibré nos légères fausses notes. C’est un mélange d’énergie live et de méticulosité de studio. Ce disque est dans mon actualité car il sort maintenant et il ressemble à peu près au son que je veux produire mais étant déjà achevé et mixé, il est « vieux » aussi pour moi dans le sens où je suis déjà préoccupé par la suite.

Comment qualifierais-tu ton univers ?

A la fois léger et mélancolique ; anempathique ; un peu romantique, intimiste, délicat et un peu intello.

Peux-tu nous parler de la mise en images de « Grandeur Et Décadence » ?

Le clip de « Grandeur Et Décadence » a été réalisé par Émile Thevenin qui est un vieux copain d’enfance ; nous nous sommes rencontrés quand je vivais à Cherbourg en Normandie. Emile qui chantait comme Gainsbourg quand il avait sept ans ; j’étais complètement admiratif ; s’est dirigé doucement vers le cinéma et moi vers la musique et la prépa, nous nous sommes un peu perdus de vue ; j’ai vécu à Amiens et lui à Rouen ; mais nous nous écrivions tous les ans. Un jour qu’Emile était à Paris, nous avons pris une bière tous les deux et je lui ai rappelé que quinze plus tôt, nous voulions faire une création ensemble et que le moment était peut-être venu car mon disque allait sortir. Nous avons choisi la chanson et le projet s’est fait en trois semaines quasiment. Emile a été étourdissant. Pour ce clip, mon seul impératif était d’avoir une esthétique un peu feutrée à la Michel Ocelot ; en théâtre d’ombres ; et Emile a complètement capté ce que je souhaitais. Le clip s’est tourné en deux jours avec une équipe merveilleuse de jeunes étudiants qui ont eu la gentillesse de travailler avec un budget restreint ; ils ont été d’une inventivité géniale. J’ai demandé à mon amie Anouk Rivoalen de danser dans ce clip qui s’est fait très spontanément. Ça a été un rêve ; nous avons de bons retours dessus et c’est très encourageant. J’espère que nous allons continuer à travailler ensemble !

Rencontre avec Ulysse Manhes au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son premier EP !

Qu’est-ce qui, selon toi, illustrerait au mieux cette idée de grandeur et de décadence à notre époque ?

Je trouve qu’à notre époque, nous avons une tendance à rendre très spectaculaires ; grandiloquentes ; les luttes collectives ; les sujets politiques. Si je respecte le fait qu’il y ait de grands enjeux, il me semble que la lyrisation de ces luttes mène toujours à la déception. A chaque fois qu’il y a une grandeur ou un emballement, cela peut conduire directement après à une déconvenue. Même si je ne suis pas un type triste, j’ai tendance à me méfier des grandes réjouissances ; j’ai une lucidité un peu critique.

Te sens-tu plus proche de la chanson française dite traditionnelle ou de la nouvelle scène ?

Je suis beaucoup plus proche de la chanson française traditionnelle. Un penseur Colombien a dit qu’une âme cultivée est celle où le vacarme des vivants n’étouffe pas la musique des morts, je trouve cela magnifique et moi, je vis avec la musique des morts ; je vis aussi avec la musique des vivants ou le vacarme des vivants parfois. Mes compagnons sont Georges Brassens, Georges Moustaki, Charles Aznavour, Michel Berger et énormément Alain Bashung. J’écoute aussi de la musique classique, du Jazz, du Blues, des chants Grégoriens, de la musique Yiddish, de la musique du Pirée, du Rap grâce à mon frère…Je suis vraiment un héritier ; pour moi, on reçoit un héritage musical qui précède la production. Par contre, j’ai aussi un œil très attentif sur la nouvelle scène ; je pense notamment à Bertrand Belin, Feu ! Chatterton, Arthur H, Clio que j’aime beaucoup, Alex Beaupain, Albin de la Simone, Iliona…Pour moi, Rodolphe Burger est le plus grand musicien vivant aujourd’hui en France.

Quels sont tes prochains projets ?

La promotion de ce premier disque va se poursuivre. J’aimerais présenter « Nos Désirs Provisoires » en live et pas seulement en guitare-voix car j’ai la chance d’être accompagné de très bons musiciens ; j’ai une vie de groupe. Idéalement, j’aimerais qu’un album soit prêt pour fin 2024 mais avant cela, j’aimerais trouver un label et un tourneur. Je rêve d’écrire des chansons pour d’autres artistes.

Rencontre avec Ulysse Manhes au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son premier EP !
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