Rencontre avec Lena Deluxe au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de son second album !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Je suis une artiste multi-casquettes. Si je joue de pas mal d’instruments ; guitare, basse, batterie, piano ; le clavier est mon instrument principal à la base. Je suis autrice, compositrice, arrangeuse ; mon second album « Santaï » a été mixé par Bertrand Fresel mais j’ai aidé aux arrangements avec les musiciens Indosiens sur place ; chanteuse. Je suis originaire du Nord.
« Santaï » s’inscrit-il dans la lignée musicale de « Mirror For Heroes » paru en 2015 ?
Non, pas totalement car « Santaï » marque vraiment un virage. Comme j’ai fait ce second album en Indonésie avec des musiciens de ce pays, on y retrouve forcément une influence de la culture Indonésienne. On reste dans le créneau Sixties un peu psyché mais « Santaï » est plus Pop que « Mirror For Heroes » et il possède des sonorités plus ethniques.
Pourquoi as-tu attendu aussi longtemps avant de revenir sur le devant de la scène avec un second album ?
Après le premier, je suis partie en voyages durant plusieurs mois et c’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai rencontré Ipin Nur Setiyo le guitariste avec qui j’ai œuvré sur « Santaï ». Ce disque s’est terminé en plusieurs étapes ; en réalité, je suis restée un mois et demi en Indonésie pour le faire. Tout cela a pris pas mal de temps car j’avais d’autres projets à côté. Ensuite, il y a eu le COVID ; « Santaï » aurait dû sortir à cette époque-là mais après avoir présenté un premier extrait, j’ai bien compris que ce n’était pas le bon moment même si pendant la pandémie, j’ai fait des concerts au balcon toutes les semaines et qu’ils ont eu leur petit succès. Quand les concerts ont redémarré, je suis tombée enceinte et avant de présenter « Santaï », j’ai fait d’autres choses dont de la musique de films.
Comment est née l’idée de partir en Indonésie et d’y composer ton deuxième disque ?
A la base, ce n’était pas dans un but musical. J’avais toujours eu envie de voyager, je suis partie en Asie durant cinq-six mois et cette idée de disque est vraiment venue de ma rencontre avec Ipin. Un peu par hasard, je suis arrivée dans une communauté d’artistes où des musiciens jouaient tous les jours. J’ai joué avec Ipin qui adore aussi le Rock’n’ Roll tout en ayant été baigné dans la culture Indonésienne et il y a eu vraiment une sorte d’alchimie. J’ai continué mon voyage mais avant de revenir en France, je me suis dit que je ne pouvais pas rentrer sans garder quelque chose de ce périple. Je suis partie presque un an et j’ai beaucoup évolué durant ces mois à l’étranger. J’ai contacté Ipin, je lui ai demandé s’il était partant de faire un album avec moi et je suis retournée en Indonésie.
Que signifie le mot santaï et pourquoi as-tu baptisé ton album ainsi ?
Santaï veut dire beaucoup de choses mais globalement, on pourrait le traduire par relax, être tranquille dans le moment présent, prendre le temps. C’est un peu l’opposé de notre vie occidentale et c’est vraiment ce que j’ai vécu là-bas. Mon speed d’occidentale qui voulait faire les choses en un mois et demi s’est opposé au rythme des musiciens qui n’était pas du tout le même et j’ai dû m’adapter. C’était presque devenu une blague car ils me disaient tout le temps santaï Lena. En Indonésie, ils appellent cela le temps élastique. La fait de me « calmer » m’a beaucoup appris et cela m’a paru évident d’appeler l’album « Santaï ». Ici, c’est beaucoup plus difficile de garder ce rythme car la vie autour est tellement speed que quand tu es santaï, on te le reproche. J’essaie, en tout cas, de garder cette trace de santaï ; parfois, je prends du recul et je me dis que la vie n’est pas une course.
Qu’a apporté le guitariste Indonésien Ipin Nur Setiyo à cette œuvre ?
Ipin faisait vraiment le lien là-bas ; il a joué un peu le rôle de l’intendant en ce qui concernait toute l’organisation. Il a trouvé les musiciens qui parlaient très peu anglais, il a donc fait aussi le traducteur, il m’a trouvé les instruments, le lieu…Ipin a vraiment été essentiel pour ce disque ; sans lui, tout cela n’aurait pas été possible. Musicalement, il a un jeu de guitare que je trouve exceptionnel. Ipin est un très très bon guitariste qui a fait de la guitare classique, de la guitare traditionnelle Indonésienne, il adore le Rock des années 60, tout cela se mélange et fait qu’il a un jeu atypique. J’adore les guitares sur cet album. La touche artistique d’Ipin a vraiment été importante sur ce disque. Ipin est habité quand il joue, c’est quelqu’un de très profond et il a transmis cela dans la musique.
Quels thèmes abordes-tu sur « Santaï » ?
Sur cet album, je parle notamment de féminisme ; du harcèlement de rue, des diktats opposés que les femmes subissent ; de viol et d’écologie. Cet album est un peu plus « engagé » que le précédent. Ma vision du monde a changé durant ce voyage et on retrouve cela dans « Papiers Dorés » car le fait de voyager n’est pas quelque chose de simple dans la majorité des pays en Asie ; il y a eu une prise de conscience et tout un cheminement qui m’a fait changer ma vision du voyage notamment par rapport au fait de modifier l’économie locale.
Pourquoi as-tu fait le choix d’y mélanger les langues ?
J’étais partie sur l’anglais comme pour mon premier album mais en Indonésie, j’ai appris un peu le bahasa, j’ai fait un morceau dans cette langue et c’est alors que je me suis dit que j’étais à l’autre bout du monde et que je ne chantais même pas dans ma langue maternelle. J’ai essayé en français et une fois que j’y suis passée, je n’arrivais plus à revenir à l’anglais. J’ai vraiment adoré écrire en français, cela m’a permis d’avoir notamment toutes les petites finesses de notre langue. Habituellement, je me moquais que les gens puissent comprendre mes textes mais dans le cas de « Gueule de Loup » ; par exemple ; qui est un morceau plus rentre-dedans et féministe, ça aurait été dommage de passer à côté du propos. Je ne suis pas fan du fait de chanter en français mais j’adore écrire dans notre langue.
Comment synthétiserais-tu cet album en quelques mots et/ou adjectifs ?
Voyage, introspection, transformatif et multiculturel.
Peux-tu nous en dire plus sur le clip qui illustre « Animals » ?
Je ne voulais pas que ce clip soit trop moralisateur. J’avais le souhait qu’il y ait un côté un peu délirant et drôle dans cette mise en images. Nous avons utilisé des matériaux plastiques et ces créatures afin de parler d’un sujet sérieux tout en ayant un côté décalé. L’idée était de créer un univers de fin du monde, c’est une sorte de conte un peu psychédélique avec ces deux animaux. J’ai eu pour références le clip « Animals » du groupe The GOASTT formé par Sean Lennon et Charlotte Kemp Muhl ; j’aimais le côté messe chamanique ; mais aussi l’univers de Michel Gondry. Ce clip a été fait avec très peu de budget mais avec des gens très créatifs qui ont réussi avec peu de choses à faire des costumes délirants.
Quels sont tes prochains projets ? Vas-tu notamment défendre « Santaï » sur scène en Indonésie ?
La release party Lilloise de « Santaï » se fera le 20 septembre à La Bulle Café et d’autres dates sont déjà programmées jusqu’en novembre. Nous aimerions pouvoir présenter ce disque sur scène à Paris prochainement. J’ai pour projet de mettre en images le morceau « Santaï » et aussi de faire une live session avec Ipin avant qu’il ne reparte pour l’Indonésie. En ce qui concerne des concerts en Indonésie, c’est en cours…Peut-être qu’il y aura des remixes. Je n’écris pas encore pour la suite car j’ai envie de profiter du moment présent. Santaï !