Rencontre avec OAIO au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de « Bizarre Monde » !
Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Je m’appelle Leslie, je viens de Lyon où j’ai grandi avant de déménager à Lille à l’âge de 17 ans ; j’y ai fait toutes mes études après le BAC, Lille est une ville vraiment très accueillante et très particulière, j’y réside même si je suis beaucoup en tournée ; c’est un bon camp de base pour retrouver les amis entre les moments où je fais de la musique. Je commence vraiment à être du Nord (rires). OAIO est un groupe où je suis toute seule pour l’instant (rires). J’écris, je compose et j’arrange principalement mes chansons même si je commence à m’entourer d’autres personnes ; et j’en suis bien contente. A l’origine, j’étais chanteuse-guitariste et avec le temps, j’ai appris à jouer du banjo et du ukulélé. La musique est mon activité principale mais j’ai besoin aussi de faire plein d’autres choses dans ma vie ; je m’intéresse beaucoup notamment aux questions politiques, écologiques, aux langues…Il y a plein d’autres choses qui nourrissent ma pratique d’écriture.
La musique a-t-elle été une évidence pour toi ?
Pas du tout ! (rires) Je pensais que j’allais sauver le monde ; je m’étais plutôt orientée vers des études de sciences politiques. J’ai réduit mes ambitions au fur et à mesure. A 7 ans, je pense que je voulais être présidente de l’ONU, plus tard, je me suis dit que j’y serais peut-être interprète et encore après, que j’allais travailler pour l’Union Européenne ou pour l’Amitié entre les Peuples. Au fil du temps, je me suis confrontée à la réalité de plus en plus violemment…Mon arrivée dans le monde du travail a été relativement cool finalement car c’était très intéressant ; je travaillais dans le développement durable ; mais je me suis rendu compte avec le temps que je n’allais pas arriver à concilier mon travail, faire de la musique et les choses que j’aimais. Il y a eu la Crise des subprimes, j’ai perdu mon boulot et c’est à ce moment-là que je me suis dit que quitte à faire quelque chose de chaud, autant faire de la musique (rires).
As-tu su très tôt que tu t’exprimerais dans différentes langues ?
Ça a été très compliqué en fait. Je pense que la volonté de bien faire est un ennemi parfois. Quelle qu’était la langue dans laquelle j’écrivais, j’avais l’impression que ce n’était pas assez bien. L’anglais est la seule langue avec laquelle on n’a jamais l’impression que ce n’est jamais assez bien. C’est une langue très flexible en termes de formulation. C’est une langue qui est une porte d’entrée pour l’écriture. Comme l’anglais est une seconde langue, on ne perçoit pas forcément toutes les erreurs ou les maladresses que l’on commet ; ce qui était mon cas avec le français car je me disais tout le temps que ça avait déjà été fait et/ou que ça ressemblait à d’autres artistes. Au bout d’un moment, à force de naviguer ; et comme j’ai toujours adoré les langues, traduire, voir les correspondances entre les langues et les mots ; quelque chose s’est passé et je ne sais pas d’où s’est venu mais ça m’a permis de commencer à aborder le français comme si c’était une langue étrangère avec une forme de distance et de jeu. Je me suis dit que j’avais le droit d’utiliser le français à ma manière ; il y a une liberté à trouver dans le jeu avec la langue et cela m’a débloquée avec le français et par là même avec toutes les langues.
Comment qualifierais-tu ton univers ?
Acoustique ; et c’est devenu assez rare ; chaleureux, sincère ; je m’y mets en jeu sur mes émotions, mes pensées intimes, mon rapport au monde ; bariolé. Cet univers reflète toute la diversité qu’il y a dans les émotions et dans le rapport au monde.
D’où te vient ce côté World que l’on retrouve dans ta musique ?
Je pense que j’ai ouvert cette boite-là quand je suis allée vivre en Argentine pendant mes études ; j’ai passé un an là-bas. J’ai été complètement captivée par la musique Argentine et je me suis rendu compte que j’étais en train de creuser un sillon ; cela m’a notamment amenée vers la musique Brésilienne. Quand je suis rentrée en France, j’ai rejoint une chorale avec laquelle j’ai beaucoup chanté des musiques de l’Est. Quand je me suis mise en recherche des histoires familiales, cela m’a conduite à la musique du Maroc, de l’Algérie et de l’Italie. Je me suis rendu compte que j’avais envie d’écouter toutes les musiques de partout. Il y avait un terrain très enfoui !
Le titre de ton album synthétise-t-il ta vision du monde actuel ?
Oui même si au début, je n’ai pas du tout eu l’impression de faire un constat sur le monde entier. Cette chanson s’est présentée comme un élément tellement fort dans ce disque qu’elle lui a donné son nom. Ultérieurement, je me suis rendu compte que ce bizarre monde parlait à plein de gens. C’est vrai que nous vivons dans un bizarre monde avec un sentiment d’étrangeté permanent. On se demande tous ce qui se passe.
Quelles thématiques abordes-tu sur ce disque ?
Mes chansons ne sont jamais monothème mais j’y aborde principalement la question de l’engagement dans l’existence alors que les choses ne sont pas parfaites et qu’elles ne correspondent pas forcément à ce que l’on attendait. Ce n’est pas comme j’avais imaginé mais je vais y aller à fond quand même ; c’est quelque chose qui revient souvent. Dans ma musique, je fais des tentatives de résolution après avoir présenté un problème.
Sur la pochette de « Bizarre Monde », on te découvre près de la mer, où aimerais-tu qu’elle te conduise ?
(Rires) Il faut savoir que j’ai le mal de mer mais de ouf mais il y a des médicaments qui fonctionnent assez bien. J’aimerais que la mer me conduise là où sont nés tous mes grands-parents.
Puises-tu l’inspiration dans la nature au sens large du terme ?
J’ai constaté que je puisais l’inspiration pas mal dans le mouvement ; beaucoup de mélodies me viennent quand je suis en train de marcher. Les moments où l’on se déplace sont les seuls où l’on ne peut pas être en train de travailler globalement et c’est pour cela que l’arrivée du télétravail dans le train n’est pas forcément une bonne chose. Quand on marche ou que l’on est sur un vélo et que l’on va d’un point a à un point b, à priori, on ne peut pas être en réunion et c’est donc un espace qui s’ouvre. Bizarrement, l’espace du mouvement ; du transport ; est un espace de liberté au moins dans notre tête et dans mon cas, beaucoup de choses y prennent leur origine.
Qui retrouve-t-on dans ta culture musicale ?
Manu Chao ; son album « Clandestino » qui a été un énorme choc musical pour toute ma génération ; je pense. J’ai appris l’espagnol comme cela. Ma culture musicale est complètement éparpillée, je ne suis absolument pas bloquée dans un style et du coup, je connais plein de choses très différentes ; je reviens souvent à des écoutes de Bob Dylan, Mercedes Sosa, Liliana Herrero, Toquinho et Vinicíus de Moraes, Camille…
Quels sont tes prochains projets ?
Une belle release party est organisée le 1er décembre à Lille à la Maison Folie Moulins et le mardi 12 janvier, il en sera de même à Paris à la Péniche Antipode ; ces dates se feront en co-plateau avec Pollyanna. Au moment de la release party parisienne, le clip que j’adore de « Bizarre Monde » sera dévoilé. Je serai en première partie d’Emma Peters au Métaphone à Oignies le vendredi 20 janvier. D’autres extraits de l’album devraient voir le jour et ils donneront lieu à des live sessions. J’ai déjà sept ou huit morceaux écrits pour la suite et j’ai hâte d’aller les maquetter. L’un de mes projets dingues serait d’aller faire une tournée au Québec avec les musiciens qui ont joué sur cet album et qui y sont repartis.