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Retrouvailles avec Emmanuel Emo au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de son premier album !

Publié le par Steph Musicnation

Retrouvailles avec Emmanuel Emo au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de son premier album !

Tu évolues dans la musique depuis plusieurs années mais « Bile Noire » est ton premier album, quel a été le déclic pour te lancer sur un long format ?

Sortir un album est un peu le fantasme de pas mal d’artistes ; je savais qu’il fallait que j’y arrive et c’est finalement le confinement qui a cristallisé cela. Quand le monde s’est mis sur pause, le côté business de la musique s’y est mis également et tout d’un coup, seul restait le côté artistique. Durant cette période, je me suis rendu compte que j’étais un petit peu dans un processus que j’avais tendance à répéter par mimétisme ; je sortais des singles et j’attendais de voir ce qui se passait et dans ce processus-là, l’album est la carotte, la récompense, si jamais il y a une émulation qui se passe sur les réseaux. Je me suis dit que ce processus fonctionne avec pas mal de projets un peu mainstream ou commerciaux ; tout d’un coup, on sort un tube de l’été ou un single assez fort ou variété et ensuite, on en donne de plus en plus jusqu’à l’album ; mais ma musique ne s’inscrit pas dans cette logique. La méthode était donc un peu biaisée et il a fallu le confinement et cette pause pour que je m’en rende compte. J’ai toujours écrit énormément de morceaux mais finalement, à chaque fois, je ne montrais que la petite partie visible de l’iceberg. Quand je sortais un single, il y en avait dix autres qui existaient mais ils ne sortaient pas. Cette fois-ci, je me suis dit stop, je ne voulais pas attendre qu’il y ait des millions de vues sur Youtube, j’ai eu envie de montrer une œuvre complète. Je pense que pour entrer dans mon univers et l’appréhender, il faut faire l’effort d’écouter plus d’un titre. Moi-même, en tant qu’auditeur, j’écoute beaucoup d’albums. Je suis toujours en recherche de nouveaux artistes et dès que j’en trouve un qui me plait, j’ai vraiment envie d’écouter son album en boucle. Je ne me contente pas d’une seule chanson et c’est comme cela que j’ai la sensation de créer un lien avec certains artistes.

Pourquoi as-tu donné ce nom à ton premier album ?

C’est lié à cette phase introspective durant le confinement. En parallèle à l’écriture de cet album, je me suis posé des questions sur pas mal de choses afin de voir où j’en étais dans ma vie. Je suis quelqu’un d’assez introverti et je me suis questionné sur mon comportement social. Je suis conscient que beaucoup d’embuches que j’ai eu à subir étaient reliées au fait que je ne sois pas forcément très à l’aise avec les mondanités et le showbiz. J’aime plutôt rester dans mon coin même si en tant qu’artiste, je dois me confronter au public. C’est une activité un petit peu paradoxale. Durant le confinement, je me suis intéressé à Carl Gustav Jung et à son livre « Types Psychologiques ». Jung a travaillé sur la théorie des humeurs. L’expression se faire de la bile quand on est inquiet vient de là. Dans l’antiquité, on avait tendance à répartir les humeurs en quatre parties ; on disait notamment que les nerveux étaient sanguins, c’était associé au fluide du sang alors que la bile noire était associée à l’organe de la rate dont le fluide était relié à la mélancolie. Quand j’écris et que je compose, c’est vraiment l’humeur dans laquelle j’ai besoin de me plonger. La bile noire a toujours été mon fluide. Je suis beaucoup plus à l’aise dans cette humeur pour créer. Quand je suis content ; heureux ; ce n’est pas cet état que je suis le plus productif. J’ai vraiment besoin d’un isolement voire presque d’un inconfort pour écrire. Je pense que je ne suis pas le seul artiste à avoir besoin de cette énergie-là pour travailler (rires). Je trouvais ça assez amusant de se dire que l’essence-même, le pétrole, le carburant, de cet album a été la bile noire.

Retrouvailles avec Emmanuel Emo au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de son premier album !

Ce disque cristallise-t-il une époque, une manière de produire, un son particulier que tu aurais atteint ?

J’ai horreur de la situation où tout d’un coup les choses s’arrêtent. Avec toute l’expérience que j’ai acquise depuis le début, j’aurais pu me dire qu’une grosse caisse ou une basse sonne de telle façon et m’arrêter là mais c’est quelque chose qui m’effraie car je n’ai pas envie d’arrêter de réfléchir. D’ailleurs, c’est ce que je reproche à plein d’artistes que j’ai adorés car il y a souvent une sorte de tentation du confort quand on a trouvé une « recette » qui marche et on essaie de la reproduire. Pour ma part, je suis toujours en quête de nouveaux sons ; je suis très à l’écoute de mon époque et soit je m’en sers, soit je vais aller contre. En tout cas, je n’ai jamais eu l’impression d’être arrivé à quelque chose, je suis toujours en quête d’atteindre cet objectif. 

Tu as annoncé « Bile Noire » avec « Km/h », il me semble que ce titre date de tes débuts, pourquoi y es-tu autant attaché ?

Tout d’abord, cette chanson plaisait beaucoup à mon éditeur qui m’en parlait très souvent. Ensuite, j’avais un sentiment d’inachevé la concernant. J’ai composé ce morceau à l’origine pour une pub.  Le photographe Renaud Cambuzat qui travaille pour la marque Chantelle m’avait demandé de faire l’habillage sonore d’une publicité et j’avais composé ce morceau un peu vite à mon goût et finalement, je me suis rendu compte qu’il avait du répondant. J’ai décidé d’écrire un texte par-dessus et tout cela s’est fait extrêmement vite ; en quelques jours seulement, j’ai produit le titre et je l’ai sorti dans la foulée. Après coup, j’ai eu le sentiment de ne pas être allé au bout de ce morceau ; comme si je ne l’avais pas terminé vraiment. Je me suis dit que celle qui était sortie, c’était la version « mixtape » et j’ai eu à cœur d’en faire une vraie avec un son un peu plus abouti pour l’album. Je trouvais ça important que « Km/h » soit sur « Bile Noire » car c’est un peu le premier morceau de mon aventure solo.

Comment qualifierais-tu l’atmosphère présente sur « Bile Noire » ?

Complexe (rires). On m’a dit que l’ensemble était cohérent mais je ne sais même pas moi-même comment j’ai réussi à faire quelque chose de cohérent. Sur cet album, on passe par pas mal de sons, de textes et d’ambiances différentes. Ce disque est un peu une épopée et l’atmosphère change au gré de ce voyage qui se situe plutôt à l’intérieur qu’à l’extérieur. « Hikikomori » qui ouvre l’album en plante le décor et ce voyage se fait à l’intérieur d’un appartement.

Retrouvailles avec Emmanuel Emo au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de son premier album !

Comment évoquerais-tu ton rapport à l’écriture ?

Pendant plusieurs années, j’ai complexé par rapport au fait de ne pas avoir une écriture très concrète au niveau des textes mais maintenant, je l’assume beaucoup plus. Je ne raconte pas des histoires avec un début, des péripéties et une fin, j’évoque plutôt un ensemble d’images et d’impressions. Je lis beaucoup de poésie et je ne cherche pas à comprendre exactement ce qu’il se passe de façon concrète dans un texte, je préfère me focaliser sur les images et les émotions qui en ressortent. C’est comme cela que j’aime écrire également. Je suis plus à l’aise avec les textes abstraits. 

De quoi parles-tu sur « Bile Noire » ?

Même si au final, l’œuvre ne décrit pas quelque chose de concret, il y a quand même certains thèmes qui m’animent. Certaines choses sont très importantes pour moi au niveau du rapport que j’ai avec le monde. Il y a du questionnement ; de la réflexion ; sur ce disque notamment autour de la spiritualité. Ce disque est un peu une ode à la faiblesse car ça a toujours été ce qui m’intéressait chez les gens plutôt que leurs forces ; je parle de cela dans « Tens ». 

« Askip » est-il né d’une fiction ou d’une réalité ?

J’ai volontairement employé la troisième personne du singulier. Ce morceau illustre la façon dont je me suis vu par rapport à mon comportement social plutôt indépendant et introverti. Parfois, j’ai comme l’impression d’être agressé par le monde extérieur. J’ai employé le il dans ce titre car j’ai l’impression que je ne suis pas le seul concerné. Dans ce morceau, j’ai grossi les traits et il y a un petit jeu avec le personnage. « Askip » était en quelque sorte ma réponse sur ma vision du showbiz à un instant t. Dans ce titre, c’est moi mais c’est nous aussi.

Retrouvailles avec Emmanuel Emo au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de son premier album !

Comment expliquerais-tu que ton univers soit partagé entre le Japon et les États-Unis ?

C’est une bonne question ! Ces deux pays ont un rayonnement culturel très très fort ; en ce qui concerne les États-Unis, même un peu trop. Je pense ne pas être le seul dans ce cas-là, ça a toujours été une obsession, c’est vraiment ma culture. Même si avec mes parents, nous pouvions regarder des films Français ; j’aime beaucoup la Nouvelle Vague ; je dois dire que le cinéma et la musique des États-Unis sont tellement présentes dans notre culture collective que ce pays m’a toujours obsédé. Je pense à des réalisateurs comme Stanley Kubrick, Steven Spielberg, Ridley Scott, John Milius…La transmission de parents à enfants passe énormément par la culture et j’ai une grosse part de la mienne qui vient des États-Unis ; comme si ce pays était un parent éloigné et c’est un peu la même chose avec le Japon. Je suis un passionné de jeux-vidéo ; je suis un grand fan de licences comme Zelda, Final Fantasy, Secret Of Mana et Dragon Quest. J’adore les JRPG et souvent, ces jeux sont très longs avec une densité littéraire très intense. Ces histoires très complexes m’ont construit aussi. Je pense que je partage la passion de l’histoire des religions avec la culture Japonaise des jeux-vidéo. Dans Final Fantasy, on retrouve notamment les mythologies Scandinave et Sumérienne. Le Japon m’a donc aussi beaucoup inspiré et influencé ; tout comme le Club Dorothée avec Dragon Ball Z, Les Chevaliers du Zodiaque et City Hunter (rires). 

Est-ce que musicalement parlant aussi, tes inspirations se situent entre ces deux pays ?

Les États-Unis sont vraiment une très grosse référence pour moi qui aime le Rock, le Sad Rap et la musique alternative. Je pourrais citer des artistes comme Bones, Nirvana, Soundgarden ; les groupes du label Sub Pop de Seattle ; plus récemment XXXTentacion…J’aime le côté toujours avant-gardiste dans leur façon de faire. En ce qui concerne le Japon, ce n’est pas la Pop qui va m’inspirer mais plutôt la musique des jeux-vidéo notamment celle de Koji Kondo et les sonorités 8-bit, 12-bit, le côté FM pour la Super Nintendo. 

Tu produis pour d’autres artistes, est-ce que tu te nourris de ces collaborations pour faire évoluer ta patte ?

Oui, ça m’a beaucoup nourri ; à la fois le fait d’explorer d’autres univers et d’autres façons de faire de la musique mais également au niveau de l’égo, cela m’a permis de beaucoup évoluer. Auparavant, je n’arrangeais que pour moi et j’avais l’impression de tourner un peu en rond. Le fait d’être confronté à d’autres visions et d’autres fantasmes, ça permet de mettre son égo de côté tout simplement afin d’être vraiment au service de quelqu’un. C’est extrêmement enrichissant et cela a changé ma façon personnelle de faire de la musique. Le fait de travailler pour d’autres artistes m’a appris à faire le tri et à synthétiser mes idées. 

Quels sont tes prochains projets ?

Je vais continuer la promotion de « Bile Noire » que je vais défendre sur scène à Paris et en province notamment au Havre d’où je suis originaire. Je serai notamment en concert le 08 novembre au Pop-Up du Label. Je suis en train de finir le prochain album qui est déjà bien avancé. En termes de productions pour d’autres artistes, pas mal de choses vont arriver dans les prochains mois dont l’album d’Abderraouf Ouertani qui est un joueur d’oud Tunisien. Je suis super content de ce projet qui m’a énormément enrichi et grâce auquel j’ai pu explorer beaucoup de choses. J’ai hâte qu’il sorte ! Je viens de terminer également l’album d’Éléonore Prieur. Je vais sortir pas mal de choses avec Believe grâce au micro label PROLIFIX que j’ai crée et qui va me permettre d’aller au bout des projets ; de la compo à la parution.

Retrouvailles avec Emmanuel Emo au Studio Luna Rossa à l’occasion de la sortie de son premier album !
https://www.facebook.com/EmmanuelEmoMusic
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