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Rencontre avec Lisbone à l’occasion de la parution de son divin premier EP !

Publié le par Steph Musicnation

(c) Melvin Israel

(c) Melvin Israel

Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?

Je suis Benoît Jalabert-Therre, j’ai 36 ans, je suis originaire de Montpellier et je suis auteur, compositeur, interprète, arrangeur et co-réalisateur. Je joue de la guitare et je chante essentiellement mais en tant qu’arrangeur, nous sommes obligés de toucher un peu à tout ; les claviers, les basses…A la base, je suis saxophoniste de Jazz mais pour le coup, j’ai vraiment délaissé cet instrument pour la guitare et le chant.

Vois-tu Lisbone comme une renaissance artistique ?

Je vois Lisbone comme une seconde naissance donc on peut peut-être parler de renaissance ; c’est un projet dans un registre assez différent de ce que j’ai pu faire auparavant. Mon précédent projet s’appelait Brazuk, je faisais des chansons assez festives et assez naïves ; c’était un peu un bestiaire avec plein d’animaux. J’ai fait mes armes avec ce projet assez léger dans lequel il y avait plein de jeux de mots. Je vois Lisbone comme un projet de chansons d’adulte avec des thèmes plus mûrs ; j’ai 15 ans de plus par rapport à Brazuk, j’ai mûri et les chansons avec.

Que s’est-il passé entre Brazuk et Lisbone ?

Je me suis beaucoup questionné entre ces deux projets. C’est quelque chose qui est presque maladif chez moi ; ce n’est pas calme sous le crane, il s’y passe beaucoup de choses parfois et ça fait des nuits courtes et agitées mais c’est essentiel dans une démarche artistique. Je venais du Jazz en tant que saxophoniste et forcément, quand j’ai commencé la chanson, il y avait des teintes de Jazz dans mes titres ; j’étais une sorte d’hybride. Pour le coup, ça donnait un format qui n’était pas très chanson. Ensuite, je me suis dirigé vers un univers plus Rock ; avec plein de guillemets ; car je voulais, d’une façon ou d’une autre, m’affranchir de cette chanson Française un peu classique et du Jazz. J’ai expérimenté d’autres choses ;  j’ai notamment écrit des textes moins fournis avec un peu moins de prose qu’auparavant. Forcément, nous sommes nourris par ce que nous vivons et à cette époque-là, au début de Brazuk, je suis monté à Bruxelles et je pense que la pluie a également influencé mon registre musical. Honnêtement, je ne savais pas trop où j’allais ; c’était vraiment de la recherche et je ne saurais dire comment j’en suis arrivé là. En tout cas, avec Lisbone, je voulais un format beaucoup plus chanson sans classicisme ; des productions plus modernes et contemporaines et des thèmes plus adultes. Même si j’ai toujours écrit sur des sujets qui me touchent et me bouleversent, cela évolue en fonction des années.

(c) Hugues Coudurier

(c) Hugues Coudurier

Peux-tu expliciter ton pseudo ?

Lisbone est un nom très beau et très doux que j’adore et en premier lieu, je l’ai choisi pour cela. Forcément, ce nom fait écho à la capitale Portugaise et j’avais à cœur de le masculiniser un peu ; en enlevant le second n, c’était un peu comme lui enlever sa jupe. C’est donc la première et vraie explication mais le fait est que quand j’ai raconté cela, j’avais l’impression que les personnes qui me posaient la question sur le choix du pseudo n’étaient pas forcément rassasiées avec cette réponse. Je me suis dit que ce n’était pas suffisant et j’ai trouvé un acronyme : Libre Individu Sous la Beauté Opaque d’un Nouvel Exil. C’est une sorte d’haïku à la Française. Il me semblait que l’on y retrouvait la notion de liberté et le fait de quitter un univers pour aller vers un autre en cet exil-là dont je parle. La beauté opaque traduit le fait que ce chemin-là n’est pas forcément évident ; c’est un beau chemin mais sinueux.

Pourquoi as-tu fait le choix de lancer ton nouveau projet musical avec une reprise de « Voyage Voyage » ?

Cette chanson est née comme moi au milieu des années 80 et j’ai grandi avec elle. C’est un peu une madeleine de Proust musicale. Je trouvais intéressant de reprendre une chanson des années 80 tout en la déshabillant afin de la mettre à nu avant de lui remettre des arrangements plus modernes. J’avais l’impression que derrière les arrangements très datés aujourd’hui et cette coupe balai-brosse, il y avait vraiment un petit bijou qui se cachait. Ce n’est pas par hasard que cette chanson soit devenue un tube et qu’elle l’est encore. Cette chanson est hyper bien écrite et composée, elle est intergénérationnelle et populaire.

As-tu eu un retour de Desireless sur ta réinterprétation ?

Non mais Desireless a liké un post Facebook de cette reprise. En revanche, il y a quelques jours, Dominique Dubois qui est le compositeur de « Voyage Voyage » m’a retrouvé par les réseaux sociaux et il m’a écrit pour me dire qu’il avait adoré la reprise et qu’il était éventuellement intéressé pour travailler avec moi sur d’autres chansons. Pour l’instant, ça en est là mais c’était drôle en tout cas d’avoir son retour et Dominique Dubois m’a dit qu’il allait faire écouter ma reprise à Jean-Michel Rivat qui est l’auteur de cette chanson.

(c) Julie Lansom

(c) Julie Lansom

Comment décrirais-tu l’univers de Lisbone ?

Je pense que cet univers est de plus en plus lumineux. J’aime bien l’idée ; comme avec « Un Loup Pour L’Homme » ; de traiter un sujet assez lourd sur une rythmique plus enjouée qui contraste. Avec Lisbone, j’ai l’impression que je tends vers cela ; malgré moi mais j’aime bien le résultat. Ensuite, je dirai que cet univers est poétique. J’ai assez naturellement plein d’imageries et de licences poétiques ; c’est quelque chose qui m’émeut chez les autres et donc, je le pratique moi-même.

Quels thèmes abordes-tu sur ton premier EP ?

Il y a forcément un peu de romantisme car il en faut toujours. J’aborde le thème de la précarité sociale dans « Un Loup Pour L’Homme » ; nous y sommes confrontés tous les jours, ces personnes dites invisibles le sont de plus en plus d’autant qu’avec les confinements, quand on nous somme de rentrer chez nous, ceux qui restent dans la rue sont ceux qui n’ont pas de chez eux et on les voit davantage. C’est quelque chose qui m’a toujours interpellé d’abord et bouleversé par la suite. On ne sait jamais trop comment se comporter avec ces personnes qui vivent dans la rue ni comment les considérer ou les regarder. C’est toujours très délicat. Ça traduit une grande injustice. C’est une sorte de cannibalisme social ; l’homme peut être parfois cruel avec ses semblables et je ne sais pas s’il y a beaucoup d’espèces qui le sont autant. J’avais envie de mettre un coup de projeteur là-dessus mais je ne prétends pas apporter des solutions à ça ; ma démarche est artistique. « Le Vietnam Sous La Neige » raconte l’histoire d’un prétendu soldat qui serait revenu assez traumatisé de la guerre du Vietnam. Je parle d’un cauchemar récurent dans cette chanson. Au milieu de cela, il y a une femme qu’il a quittée et qu’il a hâte de retrouver. C’est une couverture dirais-je car le vrai thème de cette chanson est la mythomanie. C’est une allégorie. J’ai un copain qui à l’époque inventait beaucoup d’histoires et il finissait toujours par dire qu’il avait fait le Vietnam sous la neige. Dans notre bande de potes, la mythomanie est devenue la maladie du Vietnam sous la neige. Avec ce titre, j’ai voulu mettre de la poésie sur une pathologie qui n’est pas très lourde non plus. Parkinson, j’appelle cela la  maladie des sucreurs de fraises, je trouve ça plus doux. Je parle également du deuil sur « Michel » mais avec légèreté et poésie. J’avais à cœur de lui rendre hommage avec ce morceau-là qui est évidemment très personnel et cathartique. J’ai fait cette chanson pour aller mieux, pour accepter cette injustice-là mais aussi pour lui donner du sens sinon c’est tragique et trop lourd à porter.

« Michel » est dédié à un ami disparu…Comment votre bande de potes a-t-elle réagi à ton hommage ?

L’accueil a été très lacrymal. Ça a pleuré un peu partout dans les chaumières mais je crois que c’est ce que je voulais aussi. J’avais envie que les gens se nettoient de tout ce chagrin avec ces jolies larmes. J’ai eu beaucoup de très beaux retours de la part du cercle proche mais ceux faits par des personnes que je ne connais pas m’ont encore plus touché. Cette chanson leur a parlé et elle leur a fait du bien. C’est vraiment le but et la récompense ultime. Le fait que ce cercle se soit élargi est une fierté.

Crédit Pochette (c) Hugues Coudurier

Crédit Pochette (c) Hugues Coudurier

Que retrouve-t-on dans ton écriture ?

De la poésie car pour moi, c’est la clé de tout. Sans poésie, le monde serait triste et insoutenable. Très tôt, j’ai écrit sur des choses intimes car je pense que c’est ce qu’il a de plus facile ; parler de choses qui nous touchent de manière sans filtre mais de plus en plus, j’ai l’impression que j’écris sur des sujets qui ne me concernent pas directement comme si j’étais plutôt spectateur qu’acteur. Je suis en train d’écrire une nouvelle chanson sur un migrant ; dieu, merci, ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu ; mais c’est un sujet qui me bouleverse et je suis parti de cela et j’ai trouvé plein de métaphores. Parfois, on s’imprègne tellement d’un sujet dont on n’est pas acteur que l’on va finir par croire que l’on a vécu cela aussi, c’est assez intéressant dans le travail d’écriture et ça rejoint la mythomanie dont nous parlions précédemment.

Quelle esthétique musicale as-tu envie de développer autour de ton projet ?

J’aime l’idée de partir du guitare-voix car c’est comme cela que je compose mes titres. Essayer d’être le plus minimaliste possible, ne pas chercher des arrangements beaucoup trop tape-à-l’œil et chargés car j’aime que l’on soit concentré sur le texte. J’ai envie de proposer quelque chose d’aérien dans l’idée et de plus en plus rythmé ; j’aime de plus en plus apporter des claviers assez modernes et des guitares électroniques dans ma musique.

(c) Melvin Israel

(c) Melvin Israel

Qu’aimerais-tu transmettre au public avec Lisbone ?

J’aimerais transmettre tout court car nous sommes dans une situation pas mal compliquée. J’ai envie de mettre les poils ou les larmes aux yeux aux gens. J’ai envie que ça les touche au cœur en premier lieu. Je n’ai pas forcément envie que les gens ressentent ma musique de façon intellectuelle même si j’ai vraiment à cœur d’écrire des textes bien ciselés avec de jolis mots et de belles phrases. J’ai envie que l’on ressente les choses de manière frontale et physique.

Ton premier album est-il en préparation ?

Oui, l’album est en préparation même si la période fait que les choses sont un peu au ralenti. Plusieurs chansons sont déjà faites et plusieurs titres de l’EP s’y ajouteront sans doute. Nous ne sommes pas loin de ce premier album. J’adorerais qu’il sorte dans un an mais surtout qu’il puisse exister à ce moment-là. L’échéance est un peu compliquée car ça ne m’intéresse pas de jeter un pavé dans la mare. Un an, ça serait super, on verra…

https://www.facebook.com/lisboneofficiel
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