Rencontre avec Séverine Cojannot afin d’en apprendre plus sur « Jeanne d’Arc » qui se joue au Théâtre de la Contrescarpe !
Comment qualifierais-tu dans sa forme « Jeanne d’Arc » ?
Monica Guerritore qui en est l’auteure et la metteuse en scène présente cette œuvre comme un Unicum, une chose unique, car ça ne ressemble à rien d’autre. C’est un seul en scène mais ce n’est pas un biopic. Les musiques et les images apportent une résonance contemporaine au destin de Jeanne pour en restituer la modernité.
Que raconte réellement cette œuvre théâtrale ?
Cette pièce raconte avant tout la révolte et le combat de cette jeune fille dans un pays dévasté par la peur, la guerre, la peste, la misère. Jeanne se dresse face au découragement du monde. C’est l’inertie générale, du roi et des puissants, qu’elle va bousculer avec la force de sa foi. Elle redonne courage et confiance au peuple désespéré. Et dans sa terrible épreuve face à ses juges, qui sont des religieux, on découvre la force de son engagement et sa pureté.
C’est un spectacle profondément engagé qui parle de la « puissance d’être » de chacun de nous face à la monstruosité du pouvoir et l’injustice. Ce message d’espoir s’adresse au public et l’invite à une prise de conscience.
Par quoi as-tu été séduite dans « Jeanne d’Arc » ?
C’est un destin lumineux qui transmet une énergie vitale. Le personnage est fascinant. Jeanne d’Arc est le modèle même de l’engagement sans limite. Sa révolte authentique contre l’occupant anglais bien sûr, mais aussi contre ses juges. Quel courage il fallait pour s’opposer au pouvoir de l’Eglise catholique au XVème siècle ! Pour affirmer que Dieu lui parlait directement à elle, sans l’intermédiaire du clergé !
Le procédé dramaturgique imaginé par Monica Guerritore m’a aussi beaucoup séduite. Dans ce spectacle, il y a l’actrice et le personnage. C’est d’ailleurs pourquoi la moitié du corps de l’actrice est recouverte de l’armure et l’autre non, pour figurer cette dualité. C’est d’abord l’actrice qui s’adresse aux spectateurs, qui va s’approcher du mystère de Jeanne d’Arc, le questionner par rapport à nous, à ce que nous sommes... et puis peu à peu, elle devient Jeanne. J’aime explorer ces rapports singuliers au personnage et au public.
Quels traits de caractère mettrais-tu en avant chez cette grande figure féminine ?
Son courage et sa ténacité. C’est incroyable ce qu’elle a accompli portée par sa foi. Elle est restée fidèle à ses convictions même quand le tribunal d’Inquisition essayait inlassablement de la faire se contredire. Elle a douté une nuit, seulement. Le lendemain, elle est revenue sur son reniement. Elle croyait dans sa vérité et dans l’infinité des possibles.C’est aussi ce qui touche profondément le public car je pense qu’aujourd’hui, nous avons tous besoin de modèles qui nous rappellent que nous ne sommes pas des sujets passifs, résignés, mais que nous pouvons agir sur nos peurs, et sur le monde.
Quels souvenirs scolaires gardais-tu d’elle ?
Très basiques !Le sens de son combat avec l’Eglise m’avait complètement échappé. Je me souvenais de la jeune paysanne de Lorraine qui avait été voir le roi, qui avait bouté les Anglais hors de France et qui avait été brûlée.
As-tu approfondi tes connaissances sur elle avant de monter sur les planches pour l’incarner ?
Oui, beaucoup. J’ai lu plusieurs biographies ; je crois que c’est l’un des personnages qui a suscité le plus d’œuvres que ce soient des écrits historiques, littéraires ou cinématographiques. Il faut savoir que beaucoup de choses ont aussi été inventées sur Jeanne d’Arc et même de son vivant. C’est aussi ce qui est intéressant dans ce spectacle : il va au-delà des images préconçues et de la mythologie pour s’approcher du cœur de la vocation de Jeanne et de son âme.
Qu’as-tu voulu mettre de toi dans ce rôle ?
C’est difficile à dire ... je dirais que j’y ai mis une forme d’authenticité, de radicalité et ma passion.
Comment as-tu rencontré l’auteure Monica Guerritore ?
C’est une histoire incroyable ! Monica Guerritore m’avait vue sur scène quand je jouais la reine « Marie Tudor » au Lucernaire dans la pièce éponyme de Victor Hugo, mais on ne s’était pas rencontrées alors. Cinq ans plus tard, cette grande artiste italienne m’a contactée via les réseaux sociaux pour me dire qu’elle pensait à moi pour le rôle de Jeanne d’Arc qu’elle a incarné elle-même de 2004 jusqu’à récemment partout en Italie et dans le monde. Elle m’a invitée à venir la voir jouer à Rome l’une de ses dernières représentations et c’est à ce moment-là que j’ai compris la dimension de son travail.
Ce n’est pas la première fois que tu incarnes un grand personnage historique ; qu’est-ce qui t’as attirée chez ces femmes et qu’auraient-elles en commun ?
Ce sont des femmes qui sont allées au bout d’elles-mêmes. Ce sont des caractères extrêmement forts. Mais chez Jeanne, c’est la force du cœur qui agit. Il n’y a pas de désir complexe de pouvoir mêlé aux sentiments passionnels comme chez la Reine. Quand je jouais Marie Tudor, chaque soir, je me disais que j’avais une montagne à gravir et c’est pareil avec Jeanne d’Arc. Dans la dramaturgie de Monica Guerritore, la comédienne est modifiée par le personnage qu’elle découvre et c’est quelque chose de très vrai. Dans les deux cas, ce sont des expériences qui remuent des choses assez profondes et beaucoup d’émotions pour le public et pour la comédienne.
Pour toi, de qui Jeanne d’Arc se rapprocherait-elle à l’heure actuelle ?
Jeanne d’Arc est vraiment unique et irréductible ! Mais on peut bien sûr établir des ponts avec des personnalités contemporaines qui font entendre leur voix face au pouvoir et qui ont aussi une sorte de « destin ». Par exemple, Svetlana Tikhanovskaïa, la principale opposante à Loukachenko est surnommée la « Jeanne d’Arc Biélorusse », même si son appel n’est pas d’ordre spirituel. Car c’est aussi, au départ, une femme ordinaire qui, par sa prise de conscience et la force de son engagement, devient une héroïne. Elle prend des risques immenses pour aller au bout de son combat contre le régime autoritaire au prix de sa liberté.
Comment inviterais-tu nos lecteurs à venir découvrir « Jeanne d’Arc » au Théâtre de la Contrescarpe jusqu’en janvier ?
La vie de Jeanne est inspirante pour nous tous ! En ce moment, en cette période de peur, je crois que nous avons besoin de modèles de courage, de reprendre confiance en notre capacité à agir, car nous avons l’impression d’être écrasés par une société particulièrement violente sans pouvoir influer sur la politique. Je crois que ce spectacle redonne foi en nous et en notre capacité à « faire quelque chose ». Et comme Monica Guerritore nous murmure dans la pièce : « Quand nous écoutons notre voix, nous devenons une nuit remplie d’étoiles. »
" JEANNE D'ARC " AU THÉÂTRE DE LA CONTRESCARPE
IT ART BAG "Séverine Cojannot incarne à la perfection le rôle de Jeanne d'Arc, un jeu authentique, sincère et sans démesure." Lire l'article Florence YEREMIAN pour SYMA NEWS "Séverine Cojanno...