Retrouvailles avec Caroline Loeb à l’occasion de la parution de son nouvel album !

Comment est née votre « histoire d’amour » avec Françoise Sagan ?

Tout est parti du livre « Je Ne Renie Rien » qui est un recueil des interviews de Sagan et que j’ai vu pour la première fois dans la cuisine d’Alex Lutz quand on travaillait sur mon spectacle George Sand. Je ne connaissais pas du tout et Alex m’a lu une phrase qui m’a beaucoup fait rire « Je crois toujours que les choses vont s’arranger ; chaque fois que je revois un film sur Jeanne d’Arc, je me dis que c’est idiot, qu’elle va s’en tirer, ce n’est pas possible ». Quelques mois plus tard, j’étais au Festival d’Avignon comme tous les ans et ma vieille copine ancienne attachée de presse Bodo m’a offert ce livre des interviews de Sagan que j’ai commencé à le lire en rentrant à Paris. Je dois dire que j’ai été cueillie par l’intelligence, la pertinence, l’impertinence, la drôlerie et la profondeur de Sagan. J’ai été profondément touchée et je me suis dit que ça ferait un très beau monologue. J’ai appelé l’éditeur qui m’a redirigée vers Denis Westhoff le fils de Françoise Sagan et c’est parti ainsi. Cela fait plus de 300 fois que je joue ce monologue et c’est toujours un rendez-vous important pour moi car elle dit des choses qui me touchent beaucoup et qui touchent les gens.

D’où est venue l’idée de faire un album autour de Sagan ?

Pendant que je jouais mon spectacle, un copain m’a envoyé un double CD des chansons de Sagan. Je ne l’ai écouté que plus tard car j’étais toujours très prise. Un jour, je me suis dit qu’il y avait une telle rencontre entre Sagan et moi que j’ai eu l’idée de revenir à la chanson par Sagan. J’ai écouté ce double album et j’ai eu envie de faire ce nouvel album autour d’elle avec notamment une chanson de Sagan qui a été interprétée par Juliette Gréco. J’ai construit les choses de manière naturelle en fait. J’ai trouvé des textes que je trouvais forts, qui me parlaient et que j’ai eu envie de faire mettre en musique et pour le reste de l’album, nous avons écrit et co-écrit de nouvelles chansons. Ce disque s’est fait avec beaucoup d’évidence. J’ai fait entièrement ce projet comme j’avais envie de le faire. Je me suis vraiment laissée guider par l’envie et par le plaisir.

Seriez-vous revenue à la musique avec un projet autre que cet album sur Sagan ?

Franchement, je ne sais pas si je serai revenue à la chanson sans cette idée et cette envie. J’avais proposé un EP de quatre titres sur mon précédent spectacle qui était du théâtre musical mais j’avais vraiment le sentiment de ne pas savoir où serait ma place aujourd’hui dans le paysage musical car les choses ont beaucoup changé et tout est devenu très compliqué mais forte de cette rencontre avec Sagan, cela m’a semblé faire du sens. L’idée n’était pas juste de faire un album de plus. Je voulais continuer cette aventure Sagan et dire des choses importantes pour moi par son prisme. Je ne pense pas que j’aurais fait un autre album s’il n’y avait pas eu cette cristallisation autour de Sagan.

Qu’avez-vous changé dans votre manière de travailler pour ce nouveau disque ?

Cela fait des années que je travaille et donc, au bout d’un moment, on fait des progrès, on finit par savoir comment les choses marchent et surtout à être plus proche de soi. J’ai passé pas mal de temps à être très inquiète, surtout en musique, j’étais intimidée par les musiciens et par le studio et je ne suis pas toujours tombée sur des réalisateurs très élégants (rires) mais avec cet album, j’ai l’impression que c’est l’aboutissement ; sans avoir l’air pompeuse ; de quasiment une vie de travail. Avec tous mes spectacles, j’ai l’impression de m’être débarrassée de beaucoup de peaux et d’avoir mué afin d’arriver aujourd’hui à l’essentiel de ce que j’ai envie de dire et transmettre. J’ai l’impression d’être arrivée à un moment que l’on rechercher tous ; artistes ou non. Je me sens en phase avec moi, avec les autres et avec mon art.

Avec qui avez-vous œuvré pour cet album ?

Je n’avais pas du tout envie de faire un album de reprises car ça ne m’intéresse pas et parce que j’adore écrire et co-écrire. Je n’ai pas fait de plan d’attaque pour ce disque et je me suis laissée porter par les textes et par des gens avec qui j’avais déjà travaillé. Je pense notamment à Pascal Mary, Wladimir Anselme, Thierry Illouz et Pierre Grillet. C’était important pour moi de retrouver des gens que j’aimais et dont j’admirais le talent, la sensibilité et la poésie afin de les embarquer dans cette aventure. J’ai dit à Pascal Mary qu’il y avait quelques phrases qui me touchaient beaucoup dans les interviews comme par exemple « si l’on est un tant soit peu sensible, on est écorché partout et tout le temps » et il m’a écrit « A Tout L’On S’Ecorche » qui pour moi est un bijou, je lui ai parlé également du fait que Sagan avait un rapport très particulier au masque qu’il soit social ou par rapport au succès et il m’a écrit « Sous Mon Masque » ; c’est venu d’un jet car nous étions vraiment en phase sur des choses qui vraisemblablement le touchaient aussi. « On Ne Sait Jamais Ce Que Le Passé Nous Réserve » est une autre phrase de Sagan qui me plaisait beaucoup et j’ai travaillé dessus avec Pierre Grillet qui est quelqu’un de fin d’esprit et qui a une grande intelligence des textes et des idées. Chacun a vraiment une particularité dans sa façon d’écrire et de penser. Nous nous sommes retrouvés comme si nous ne nous étions jamais quittés 30 ans auparavant et nous nous sommes amusés.

Qu’est-ce que l’on retrouve dans ces nouvelles chansons ?

Je voulais transmettre ce qui me touche chez Sagan. Dans cet album, il y a un rapport au monde, à la sensibilité, l’amour de la littérature, le goût du risque, l’idée de liberté car Sagan, ce sont les jeux, la nuit, la fête, les hommes, les femmes, elle cassait tous les codes et les tabous. Sagan était quelqu’un de Rock, de presque Punk et j’adore ça. Ces chansons sont un peu comme un kaléidoscope ou un puzzle dont les pièces s’emboitent. La chanson « Toxique » est un clin d’œil à l’un de ses livres où elle racontait comment elle avait décroché des antidouleurs après un accident de voiture terrible. Sagan savait parler de la souffrance avec beaucoup d’élégance et d’humour et ça me plaisait aussi. Avec « Toxique », je fais également un petit clin d’œil à Gainsbourg qui m’a donné envie d’écrire des chansons. J’ai cherché à faire des rimes en -ique comme Gainsbourg en avait fait en -ex pour « Comment Te Dire Adieu ». Cette contrainte a été très amusante.

Quels points communs partageriez-vous avec Françoise Sagan ?

Il y en a pas mal ! L’amour de la littérature et notamment de Proust me semble central. Je dirais également le goût de la fête, de la nuit et des excès même si tout cela est loin derrière moi maintenant. J’avais ma table au Palace et Sagan a passé beaucoup de temps chez Castel et chez Régine. Nous avons également en commun le fait d’aimer s’entourer de gens d’esprit. Ma vie d’adulte a commencé au Club 7 avec la bande Saint-Laurent et une élite extrêmement brillante, cultivée et très cinglante.

Allez-vous présenter ces chansons en live ?

Bien sûr ! J’ai déjà commencé à le faire en showcase et je vais présenter le spectacle complet cet été au Festival d’Avignon avec trois musiciens. Je vais chanter les chansons de l’album et je vais agrémenter mon tour de chant d’anecdotes sur Sagan. Ce spectacle va me permettre d’avoir un rapport direct avec le public et j’adore ça.

Après le théâtre et la musique, aimeriez-vous approfondir le sujet via un « autre support » ?

Non car j’ai beaucoup d’autres envies et beaucoup d’autres curiosités. Cet album et ces chansons sont déjà un vrai cadeau pour moi et je pense que cela va boucler mon aventure Sagan.

Avez-vous déjà en tête la prochaine grande figure féminine à qui vous voudriez rendre hommage ?

A un moment donné, je me suis dit que j’allais faire une trilogie mais je ne pense pas la faire maintenant car j’ai très envie d’écrire une pièce de théâtre à plusieurs personnages. J’ai en tête un sujet qui me passionne depuis 30 ans et je pense que c’est la prochaine chose qu’il faut que je fasse.

Quels sont vos prochaines actualités ?

Je reprends actuellement le spectacle « Françoise Par Sagan » au Théâtre Lepic pour 20 dates exceptionnelles jusqu’au 10 mars. Je suis en tournée un peu partout en France avec ce spectacle et je vais également aller le jouer en Asie fin mai-début juin à Singapour et à Hong-Kong mais aussi au Musée Saint-Laurent à Marrakech. Des dates à l’étranger se profilent, ça va être vraiment chouette. J’ai très envie de démarrer ce spectacle de chansons et de voir où cela me mène. J’aime bien naviguer à vue, nez au vent et je me laisse guider par les rencontres, les coups de foudre et par les envies ; c’est qu’il y a de plus juste à faire pour moi !