Rencontre avec la comédienne Dominique Frot afin d’en apprendre plus sur « Le Bonheur Au Quotidien ! » à l’affiche au Théâtre Daunou !

Comment nous présenteriez-vous « Le Bonheur Au Quotidien ! » ?

Je dirais que c’est tout d’abord la chance pour moi de jouer sept personnages de femmes totalement différents en 1h15. « Le Bonheur Au Quotidien ! » est une comédie hyper terre à terre sur notre temps, notre temporalité et notre rapport au quotidien. Au lieu que tout soit caché et que les personnages disent ce que l’on dit dans la vie courante, ils osent dire ce que l’on ne dit pas habituellement et je n’avais jamais rencontré cela dans l’écriture. On peut frôler des monstruosités comme par exemple la cancérologue qui ; au lieu d’être gentille trente fois par jour ; dit les choses crument mais on se doute bien qu’elle a à faire avec trente patients irréversibles par jour et qu’elle doit avoir une circulation absolument phénoménale entre la vie et la mort quand elle rentre chez elle.

Par quoi avez-vous été séduite dans cette comédie ?

Dans cette comédie, il y a une relation très quotidienne aux mots qui donne envie d’aller au-delà et le chemin pour y aller n’est pas celui que j’emprunte d’habitude mais il est très intéressant.

Qui incarnez-vous dans « Le Bonheur Au Quotidien ! » ?

J’incarne une maire de village, une mère un peu perverse, une cancérologue, une dame qui vient récupérer sa lettre recommandée à la poste, une juge face à un schizophrène qui n’a aucune conscience des faits horribles qu’il a commis, une femme qui a été employée toute sa vie par le même employeur et qui vient pour la première fois de sa vie à Pôle Emploi et une seconde mère qui fait semblant d’avoir Alzheimer pour que son fils appelle le médecin pour lui faire le coup de manière bien plus longue car cela l’amuse beaucoup.

De quel personnage vous sentez-vous la plus proche ?

Aucun vraiment et tous à la fois. Si je devais vous en dire un, je dirais la mère qui fait croire qu’elle a Alzheimer car c’est peut-être celui qui se rapproche le plus de ma joie. C’est presque une évidence mais cela ne veut pas dire que je pourrais m’amuser avec quelque chose comme ça mais c’est le personnage qui permet le plus le flottement entre l’au-delà et le quotidien.

Qui vous accompagne sur scène ?

Je suis accompagnée de Florian Hessique qui est acteur, auteur, réalisateur et producteur. Florian a écrit « Le Bonheur Au Quotidien ! » et il joue avec moi toutes ces séquences. Je n’avais jamais eu à faire à ce flow langagier partagé en deux personnes ; cela coule comme un fil conducteur où l’on dépend du rythme de l’autre.

Quels seraient les atouts principaux de Florian Hessique ?

Je ne pourrais vous répondre que par les atouts visibles par moi. Florian a une certaine empathie envers les gens et il a une façon directe de dire les choses. C’est agréable de partager le plateau avec lui.

Quelle serait la force principale de cette comédie, selon vous ?

Je pourrais dire que cette sorte de quotidien ; dont les soubassements seraient parfois non pas ce que l’on dit mais ce que l’on ne dit pas ; porté à un certain degré et assaisonné d’au-delà, donne quelque chose d’assez inattendu, drôle car inattendu, non répertorié et j’ai connu cela nulle part. C’est un humour dans lequel il y a un équilibre entre le rire et la lucidité, entre le quotidien et son au-delà, un certain cynisme et une dignité.

Que serait le bonheur au quotidien pour vous ?

D’arriver à faire le lien entre cet au-delà des choses dont je parle et le quotidien au ras des pâquerettes. Je pourrais dire également d’arriver à faire un lien permanent et en douceur entre la pensée que j’ai seule et la pensée que j’ai parmi les autres.

On a pu vous voir à la télévision ces dernières années, aviez-vous mis le théâtre de côté pendant un temps ?

Pendant plusieurs années, j’ai partagé un lien avec toute l’équipe de production, d’acteurs et de techniciens de la série « Soda » et cela m’a donné un élan. J’ai monté une production aux États-Unis, elle a été jouée à Boston, New York et San Francisco et elle a été reprise en France dans un festival international. Cette correspondance entre Ingeborg Bachmann et Paul Celan que j’ai jouée en anglais a eu le partenariat du musée juif à San Francisco où elle a été créée. J’ai également monté deux productions avec le Théâtre de La Tête Noire et récemment, j’ai joué un Feydeau à Nanterre.

Avez-vous des projets en parallèle à la comédie « Le Bonheur Au Quotidien ! » ou à venir ?

J’ai deux projets en développement au théâtre pour 2019 ; une pièce et un seul en scène qui devrait débuter au Festival Off à Avignon. Si je suis déjà allée quatre fois au Festival In en tant qu’actrice, je ne suis jamais allée au off et ça me plairait bien. Lors du dernier Festival Côté Court à Pantin, on m’avait tendu une carte blanche et j’y ai présenté une adaptation de « L’Ordre Du Jour » d’Éric Vuillard qui est un auteur que j’aime beaucoup et cette adaptation sera programmée en mars et en juin 2019 au Théâtre-Studio d’Alfortville. Pour le 18 octobre, j’ai été contactée afin de concevoir une soirée hommage à Claude Debussy pour le centenaire de sa mort en collaboration avec le Trio Antara. J’ai adapté « La Bataille d’Occident » d’Éric Vuillard que j’ai mise en regard avec un choix de fragments de la correspondance littéraire de Debussy afin d’ouvrir la soirée;

Comment inviteriez-vous nos lecteurs à venir découvrir « Le Bonheur Au Quotidien ! » au Théâtre Daunou ?

En leur disant qu’ils pourront rire sans se sentir bernés et qu’ils seront pris en compte dans leur lucidité, leur intelligence, leur quotidien et leur capacité à s’élever au-dessus de ce quotidien !