« Ouragan Catégorie 5 » qui mieux que Nicolas Rocq pour en parler !
Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Nicolas Rocq, j’ai 27 ans et je viens de Boulogne-Sur-Mer dans le Nord-Pas-de-Calais. Je suis comédien, auteur et metteur en scène. Je suis arrivé à Paris il y a 5 ans afin d’intégrer le Cours Florent dont je suis sorti diplômé il y a 2 ans et depuis, je me suis lancé à cœur perdu dans le théâtre.
Comment est née l’idée « Ouragan Catégorie 5 » ?
Cette pièce est née d’une scène que l’on m’avait demandé au Cours Florent, nous avions carte blanche durant 5 minutes pour faire ce que nous voulions. Je suis fasciné par le personnage de Katia joué par Christian Clavier dans « Le Père Noël Est Une Ordure », je trouve son travesti magnifique, il est à côté de la plaque et il ne comprend pas pourquoi il est n’est pas aimé. Je trouve la scène de danse avec Thierry Lhermitte à la fois pathétique et tellement belle que j’ai décidé de faire une scène autour de ce travesti. J’ai joué cette petite scène avec une amie pour qui j’ai écrit un personnage de femme alcoolique complètement perdue. Nos personnages se rencontraient sur un banc et une parole se libérait entre eux. En troisième année, pour mon travail de fin d’études, comme j’avais carte blanche, j’ai créé toute une pièce autour de ces deux personnages mais surtout autour du travesti ; la jeune fille et l’homme sont arrivés après. L’ouragan est arrivé en dernier et pour tout te dire, j’en ai rêvé de Katrina. J’avais trouvé mon fil rouge. L’ouragan explique pourquoi ils sont enfermés et pourquoi ils ne peuvent pas sortir.
Que raconte cette pièce ?
« Ouragan Catégorie 5 » se passe à La Nouvelle-Orléans durant l’ouragan Katrina en 2005. Quatre personnes vont se retrouver enfermées malgré elles dans un bar qui s’appelle Le Muriel’s qui est situé dans le Vieux Carré le quartier Français de La Nouvelle-Orléans. C’est l’enfer derrière les murs, 2000 personnes sont mortes cette nuit-là à cause de Katrina. Ces quatre personnes sont complètement dévastées, un ouragan gronde intérieurement en chacun d’eux et encore une fois, ils vont libérer la parole. Les dés sont jetés et ils décident d’être eux-mêmes.
J’ai eu une sensation de purgatoire dans cette pièce, suis-je dans le vrai ?
Cela fait penser surtout à « Huit Clos » de Jean-Paul Sartre. Dans la pièce, on dit que l’enfer, c’est nous, ce n’est pas les autres. J’aime bien cette idée. Il faut arrêter de rejeter la faute sur les autres, l’enfer on le crée et il ne tient qu’à nous d’y mettre fin. S’il y avait quelque chose à retenir, j’aimerais que ça soit ça.
Qui est ton personnage ?
J’incarne un travesti de cabaret qui est un clown triste. Pourquoi est-il encore en travesti ? Pourquoi ne s’est-il pas démaquillé ? Je me suis raconté toute une histoire avant qu’il n’arrive au Muriel’s. Ce soir-là est certainement l’anniversaire de la disparition de son ami, il se maquille et il sort durant cet ouragan pour être confronté à la mort pour voir s’il va survivre. Il voit de la lumière dans le seul bar ouvert et il y rentre. C’est un clown triste rongé par la culpabilité et le désamour. Son premier amour Adam est mort du Sida et il l’a très mal vécu. C’est un homme dévasté qui a subi un ouragan à 18 ans, Adam est mort et sa mère meurt d’un cancer du sein. Il a été doublement orphelin. Le fait de se travestir est pour lui une sorte de salut, il veut ressembler à sa mère et il veut faire rire les gens. Il ne va exister que dans les yeux et dans les rires des autres. Il accepte cette situation qui lui suffit.
Tu as situé à La Nouvelle-Orléans ; as-tu été sur place pour faire des « repérages » ?
Non, je n’y suis pas allé même si je suis resté deux mois aux Etats-Unis. J’ai connu les Etats-Unis avant de connaitre Paris. J’ai été bercé par plein de films et de musiques et pour moi, La Nouvelle-Orléans est le symbole de la mélancolie. Comme « Ouragan Catégorie 5 » est une pièce mélancolique et elle ne pouvait que se dérouler dans cette ville. La Nouvelle-Orléans, c’est également la joie de vivre avec le carnaval, la culture afro-américaine, les bayous, j’ai voulu apporter cela dans la pièce. Le Muriel’s existe vraiment et il est situé sur le Jackson Square.
Quels thèmes développes-tu dans « Ouragan Catégorie 5 » ?
Il y a plusieurs thèmes car chaque personnage à son propre thème. Le travesti parle surtout du Sida et de l’homosexualité mais pas sous l’angle de la sexualité mais sous celui des sentiments et du rejet comme si c’était un crime encore aujourd’hui d’être homosexuel. J’aborde également l’alcoolisme mondain, on voit rarement cette déchéance même si on en parle de plus en plus. Je voulais à tout prix que ce soit une femme qui joue ce personnage. Encore plus que des personnages, je parle de héros car ils brillaient et ils sont tombés dans leur ouragan. La jeune fille a été abandonnée et a dû avorter également. Elle est partie à La Nouvelle-Orléans afin de retrouver sa mère. L’homme de la pièce souffre de la pédophilie latente. Il n’est jamais passé à l’acte mais il est tombé fou amoureux de l’âme et de l’insouciance d’un enfant. Ça le ronge. Dans la pièce, c’est traité comme une déclaration d’amour et non comme un désir sexuel.
Quelles sont les deux forces majeures de cette pièce ?
C’est une pièce engagée, les propos y sont assez durs mais ils sont dits avec conviction sans être moralisateurs. L’autre force serait la construction de la pièce qui est faite en flashbacks, cela apporte une action, c’est monté comme un film et du coup, on ne s’ennuie pas durant la pièce.
Qu’apporte chaque comédien à son personnage ?
Les comédiens se battent tous les soirs, j’ai l’impression qu’ils mettent une cape pour sauver leur héros. J’aime leur investissement. Chacun apporte son caractère à son personnage. On ne peut pas faire autrement qu’aimer les comédiens qui jouent ces personnages qui demandent énormément d’investissement car ils se mettent vraiment à nu.
Pourquoi la musique est-elle omniprésente ?
Je crois qu’elle est vitale à la pièce. Il y a du Jazz joué en live sur scène grâce à Constantin. Cela apporte une respiration par rapport à ces propos engagés. Le spectateur a besoin de ces bulles d’air. Chaque personnage à sa propre musique. Le tube de mon personnage est « Believe » de Cher. Le côté un peu ringard de cette chanson amène une légèreté à la pièce et pourtant quand on écoute bien les paroles, cela représente bien mon personnage. Est-ce que vous croyez à la vie après l’amour ? J’ai l’impression que mon personnage est le dernier à être convaincu par ce que chante Cher.
Quel est l’avenir d’« Ouragan Catégorie 5 » ?
Nous jouons jusqu’au 24 juin à A La Folie Théâtre et ensuite, j’aimerais que la pièce grandisse et que l’on grandisse avec elle. J’aimerais que l’on fasse venir plus de monde et que cette pièce devienne connue afin de faire découvrir ces propos engagés aux spectateurs. Je n’ai pas de boule de cristal mais j’aspire à un avenir merveilleux pour cette pièce.
Comment inviterais-tu nos lecteurs à venir découvrir cette pièce à A La Folie Théâtre ?
Venez voir cette pièce qui est forte, impudique et poétique et laissez-vous bercer par La Nouvelle-Orléans ! On a besoin de choses engagées surtout en ce moment. Il y a une morale dans « Ouragan Catégorie 5 » mais on ne la donne pas, on donne des cartes aux spectateurs et c’est à eux de faire leur jeu !
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Situé au cœur du 11e arrondissement de Paris, A La Folie Théâtre est un lieu de vie artistique, niché dans une petite cour pavée.