Rencontre avec Stéphane Corbin afin d’en apprendre plus sur « Les Funambules » !
Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je suis, disons, un artiste « multi-facettes », à la fois compositeur, pianiste, comédien, chanteur et auteur. Toutes ces choses que j’aime ont plus ou moins d’importance et de place dans ma vie mais j’essaie de toutes les faire et de les mélanger, et cela marche plutôt bien.
Quelles sont tes « casquettes » dans « Les Funambules » ?
Je suis l’initiateur du projet, je l’ai imaginé et en suis le compositeur. J’ai également écrit quelques-uns des textes des 42 chansons créées pour « Les Funambules ».Dans ce projet si particulier, qui fédère plusieurs centaines de personnes qui s’y sont investies bénévolement, j’endosse par ailleurs tout un tas de casquettes qui vont du secrétariat à la production, en passant par l’organisation des plannings et la fabrication des supports. C’est quasiment un temps plein dans tout un tas de jobs que je découvre et que j’essaie de maîtriser au mieux… Heureusement, je suis très bien entouré à chaque poste par des gens aussi gentils que compétents.
Comment est né ce projet musical ?
Le point de départ du projet et de notre collectif, ce sont les manifestations contre le mariage pour tous il y a quasiment quatre ans. Comme beaucoup de personnes, homos ou hétéros, nous avons été heurtés par la violence des propos et la recrudescence des actes homophobes, et nombreux à nous demander comment réagir et ce que nous pourrions faire. Ce n’est pas possible d’entendre de tels propos au XXIe siècle en France, dans un pays dont il faut tout de même rappeler la devise : liberté, égalité, fraternité. Il y a vraiment quelque chose qui a changé dans notre pays durant ces manifestations. C’est comme si la boîte de Pandore de l’intolérance s’était ouverte, ou rouverte,et qu’elle avait permis aux gens qui s’exprimaient dans ces manifestations de dire que les homosexuels étaient des « sous-êtres ». Ayant déjà beaucoup travaillé dans des associations luttant contre l’homophobie, je voulais réagir d’une façon qui colle avec qui je suis et ce que je fais, et je me suis dit que ce serait bien, et peut-être utile,de faire une sorte de documentaire en chansons qui raconterait la vie des homosexuels. Et qui essaierait de répondre à la violence et à l’agression, par la douceur et la poésie.
Pourquoi l’avoir baptisé « Les Funambules » ?
Il fallait un nom qui puisse être à la fois celui du projet, celui du collectif, et qui représente les artistes. J’ai été frappé par le film « Les Invisibles » dont le concept est très émouvant et je trouvais cela très bien d’appeler ce projet « Les quelque chose ». Dans « Les Funambules », il y a une notion de danger et de vie en équilibre. Dans ma génération, je ne connais pas beaucoup d’homos à qui on a foutu la paix, que ce soit dans le milieu scolaire, dans la rue ou dans la famille. L’homosexualité reste quelque chose de difficile à vivre socialement. Et puis dans le nom « Les Funambules », il y a aussi cette idée d’une traversée d’un point à un autre, et l’espoir que cette traversée, malgré ses dangers, nous mènera vers quelque chose de meilleur.
Il me semble que ce collectif a deux marraines. Peux-tu nous les présenter ?
Miou-Miou et Virginie Lemoine sont les deux marraines des Funambules et je dirais même que ce sont presque nos deux « porte-parole » tellement elles mettent de cœur à nous aider.Je suis très heureux de les avoir auprès de moi. Elles mettent leur notoriété au service de cette cause, et œuvrent à faire grandir ce projet et à le médiatiser, avec un altruisme et une générosité magnifiques.
« Les Funambules »,ce sont un disque et un spectacle. Que retrouve-t-on dans ces chansons pour tous ?
L’idée était de raconter un maximum de destins et c’est pour cela qu’il y a autant de titres, de chanteurs et de participants. Il ne s’agissait pas, dans ces morceaux, d’énoncer des généralités, dire « nous sommes tous égaux », cela ne suffit pas. Quand je lis un livre ou que je vais au cinéma, j’ai besoin de m’identifier, de retrouver des bouts de moi et ressentir des émotions communes avec les personnages. Depuis toujours, les homos pleurent sur des chansons de ruptures hétérosexuelles et l’idée était d’une certaine manière de trouver un équivalent à cela, mais autour des destins homosexuels. Le plus jeune auteur a 15 ans et la plus âgée 75 ans, il y a des hommes, des femmes, des homos, des hétéros, et tout cela s’est monté comme un puzzle géant et s’est assemblé de manière assez magique. Ce panorama raconte l’homosexualité aujourd’hui avec l’idée que tout le monde pourra se retrouver, ou retrouver un proche, un ami, une connaissance dans cette diversité de voix et de destins.
Qui retrouve-t-on sur scène ?
C’est un spectacle à quatre voix, deux féminines (en alternance Vanessa Cailhol ou Cloé Horry et Amala Landré ou Amélie Manet), et deux masculines (Doryan Ben et moi-même), ce qui nous permet de raconter, en solo et à travers des duos, trios ou quatuors, une grande diversité d’histoires. Et pour accompagner ces voix, il y a un guitariste (Yorfela), une ou un bassiste (Cléo Bigontina ou Adrien Anastaze), un batteur (Benjamin Corbeil) ou un beatboxer (Sidi Degnieau), une altiste (Mariette Girard), plus moi au piano. Quentin Defalt a mis en scène tout ce joli monde, et tout est très construit et théâtralisé. Il faut savoir aussi que quand les chanteuses et chanteurs prennent la parole entre les morceaux, ils racontent leurs propres histoires.
« Les Funambules » s’adressent-ils plus à la communauté gay ?
On nous dit souvent après les concerts qu’au bout de deux chansons, on a oublié que cela parlait d’homosexualité, et c’est le plus beau compliment qu’on puisse nous faire. Bien sûr, nous espérons que les lesbiennes et les gays se retrouvent dans nos chansons, mais ce n’est pas un projet « communautaire », c’est même tout le contraire. Les hétéros s’identifient tout autant aux histoires que racontent les chansons, simplement parce que ce sont des sentiments, des émotions que nous partageons tous. Je reprends l’exemple de la rupture car il est très parlant : on est tous égaux dans ce cas.
As-tu eu des retours de politiques et plus particulièrement des opposants à la loi du mariage pour tous ?
Quelques élus de la mairie de Paris sont venus, et j’ai aussi eu le plaisir de rencontrer Christiane Taubira l’année dernière car elle a remis aux Funambules un prix de lutte contre l’homophobie. Mais c’est tout. Du côté des opposants à la loi, je doute de toute façon qu’une Christine Boutin soit tentée de venir voir ce concert, si tant est qu’elle en ait eu connaissance. Mais j’aimerais assez, ceci dit ! Je peux te dire que nous avons eu à plusieurs reprises des gens qui sont venus un peu forcés par des amis et qui avaient participé à des manifs contre le mariage pour tous ; et finalement, ils ont compris des choses avec ce concert, ils ont évolué. Cela donne de l’espoir, les choses ne sont pas obligatoirement figées, et on a le sentiment d’être vraiment utiles, concrètement, à travers ces chansons.
Le combat est encore long. Quelles seraient tes solutions pour faire évoluer les mentalités ?
J’ai rencontré récemment l’acteur et auteur québécois Jasmin Roy. Il vient de sortir un livre qui s’intitule « Sale Pédé » et il y a quelques années, il a monté une fondation qui forme les enseignants à la lutte contre toutes les discriminations possibles. Les intervenants forment les professeurs, qui à leur tour forment les élèves. Je trouve cela vraiment intelligent et je pense que c’est exactement cela qu’il faut faire car tout commence par l’éducation des enfants.
Comment inviterais-tu nos lecteurs à venir découvrir « Les Funambules » au Studio Hébertot tous les lundis ?
Peut-être juste en essayant de résumer ce qu’on nous dit après les concerts, avec un enthousiasme qui nous fait tellement de bien : qu’on a ri et pleuré dans la même soirée, et qu’on ressort ému, optimiste, et heureux d’avoir passé un bon moment à découvrir de jolies chansons et des artistes talentueux ! Nous essayons d’être simples et sincères, sans prétention mais avec la conviction de raconter des histoires importantes et qui vont parler à tous, femmes et hommes, jeunes et plus âgés, homos et hétéros. Et voilà ! Ah oui, aussi : musicalement, je crois que c’est pas mal (rires) !
Studio Hébertot Théâtre Paris Lieu d'expression contemporaine