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Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

Publié le par Steph Musicnation

Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

Comment a débuté ta carrière ?

J’avais 19 ans et je venais de perdre mon père. Après avoir passé mon bac, j’ai passé une audition afin d’intégrer le conservatoire d’art dramatique à Bologne. Mon aventure en tant que comédienne a commencé ainsi. En sortant du conservatoire, je suis allée vivre à Bologne, j’y ai découvert les plaisirs de la colocation, de l’amour et du Théâtre. J’ai très vite été appelé pour jouer dans « La Locandiera » de Goldoni. Au départ, j’avais un rôle secondaire et peu de temps après, la comédienne interprétant La Locandiera est partie et le metteur en scène m’a fait le grand honneur de me faire jouer le rôle. Je peux te donner une anecdote assez drôle car mon tout premier rôle au théâtre était muet puisque je jouais un nuage dans un spectacle assez expérimental. Pour moi, il n’y a pas de petit rôle, tout dépend de la façon dont on occupe la scène car on ne l’occupe pas avec son ego mais avec son âme. Je suis partie d’Italie car on ne me proposait que des rôles légers et cela m’a fatigué rapidement. J’ai très vite compris que pour moi la scène était un moyen de défendre quelque chose. Mes parents ont fait Mai 68 et j’ai vraiment baigné dans cette culture humaniste d’une gauche qui n’existe plus mais qui a existé. Si je n’avais pas été comédienne, je pense que j’aurais aimé faire des études de médecine mais en même temps, on ne m’a pas pris au casting (rires). Si les médecins sauvent des vies et qu’à côté, nous faisons un métier ridicule, nous pouvons peut-être apporter des petits soins aux âmes. Mon moteur a toujours été de changer le monde, sans aucune prétention, je n’ai jamais fait ce métier pour les paillettes ou pour exister.

Quand es-tu arrivée en France ?

J’avais obtenu une bourse Erasmus pour venir poursuivre ma Fac de lettres en France à Saint Denis. J’étais déjà sortie du conservatoire à Bologne et je me suis dit : « Tentons l’expérience au pays des Lumières », ce pays que mon père adorait et il disait toujours qu’en France vous étiez toujours en avance de 20 ans. Pauvre chéri, s’il voyait ce qui se passe maintenant et pas qu’en France…(rires). J’étais attirée par le cliché de la France et quand je suis arrivée ici, j’ai découvert tout ce qu’il y avait derrière, à savoir cette liberté absolue et cette possibilité de créer mais il faut savoir défendre cela. Je suis tombée amoureuse de la France et c’est pour cela que je suis restée. J’ai vécu une expérience télévisuelle qui a été constructive et je l’assume complètement. La Télévision m’a appris à être moins naïve et à identifier ce que je ne voulais pas. A la sortie de Nice People, j’ai monté un spectacle très engagé d’après Dario Fo, ce spectacle était contre les violences conjugales et je l’ai présenté au Festival d’Avignon en 2005. Je n’ai pas fait que des spectacles engagés, j’ai tourné aussi dans la série Interpol, puis dans quelques pièces comme « Les Desmoiselles D’Avignon » avec Catherine Allégret. Cela a été une expérience magnifique mais au fil des années, j’ai été rattrapée par la réalité. J’ai monté en solo « Gueule de Mariée », ensuite Christophe Alévêque et moi avons monté « 2000 Ans de Mensonge » …Je pense que mon métier est un bon véhicule pour poser de bonnes questions. Je n’ai pas la prétention de changer le monde sur scène mais je tente de changer les mentalités.

Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

N’a-t-il pas été trop difficile de « repartir de zéro » chez nous ?

« Repartir du zéro » est toujours excitant. Quand je suis arrivée en France, j’étais dans une véritable boulimie de découverte. Je ne te dirai pas que cela a été facile dès mon arrivée, il y a forcément des difficultés et avec mon accent, les gens avaient peut-être tendance à penser que je n’étais pas très intelligente ou que je n’avais pas beaucoup de choses à dire. Je ne me suis pas arrêtée à cela et j’ai fait avec ce que j’avais. J’improvisais beaucoup et je me suis toujours dit que le plus important était de prendre sa place car chacun de nous en a une. La parole est liberté même quand on parle mal (rires). La difficulté était surtout liée à mon expérience télévisée car en France, on adore mettre des étiquettes. Cela a été très dur au début à cause de nombreux à priori mais j’ai réussi à travailler régulièrement et j’ai réussi à construire mes projets. Le principal pour moi est d’être vraiment là où j’ai envie d’être.

Quand on regarde la liste de tes pièces, on s’aperçoit que tu es une femme engagée. D’où te vient cet engagement ?

Je pense qu’il me vient de mes parents et surtout de mon père. Mon père était prof et il avait fait philo à la fac. Il m’a fait lire dès 7 ans « L’Homme et la Mer » d’Hemingway ou « L’Insoutenable légèreté de l’être » de Kundera. Mon père me disait toujours que l’on pouvait faire des conneries mais qu’il fallait toujours les assumer. Je dirai que ma mère m’a aidé à comprendre ce que les féministes ont raté dans leurs combats en excluant les hommes alors qu’aujourd’hui, on doit réinventer ce féminisme que j’aimerais rebaptiser le fHommisme. Je me dis que mon père a été mon premier exemple de féminisme car il faisait la cuisine, la vaisselle, le repassage alors qu’il travaillait en même temps. Mon engagement m’est venu du berceau mais aussi je pense de l’école primaire où je me suis beaucoup occupée d’une camarade handicapée avec qui j’étais amie.

Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

Qu’est ce qui t’a séduit dans « Et pendant ce temps Simone veille ! » ?

Tout ! C’est le plus beau cadeau que l’on pouvait me faire en ce moment ! Alors que j’étais partie pour monter un nouveau seul en scène (que j’ai mis de côté), Trinidad m’a proposé de jouer dans ce spectacle. J’ai tout de suite été séduite car elle a su traduire une parole forte et engagée mais avec des couleurs légères et un fond très populaire dans le bon sens du mot. Ce spectacle devrait passer par la sécurité sociale, c’est un remède contre la connerie, l’ennui et contre le décrochage et cela l’a été pour moi aussi. Ce spectacle m’a réconcilié avec les femmes. Nous, les femmes, devons travailler encore sur la solidarité car souvent la femme est la pire ennemie de la femme. Dans cette pièce, je me suis rendu compte que les femmes pouvaient être très fortes ensembles à condition d’accepter leur féminité. Trinidad m’a vraiment fait redécouvrir la Femme.

L’évolution de la condition féminine a-t-elle été la même en Italie qu’en France ?

Dans les grandes lignes, on peut tracer des parallèles très parlants. On a eu des femmes d’exception aussi mais au niveau politique, nous n’avons pas eu une Simone Veil. Les changements étaient surtout portés dans la rue et par la rue et parfois très violemment. En Italie, nous avons le Pape, l’Italie du Nord et celle du Sud et bien sûr Berlusconi qui n’a rien aidé. Il y a beaucoup à faire encore, le travail se fait avec un peu de retard mais paradoxalement les jeunes générations sont plus dans le combat qu’ici.

Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

Peux-tu nous présenter les personnages que tu joues dans la pièce ?

Giovanna est une femme qui appartient à la classe moyenne, elle est assez conservatrice mais de bonne volonté. Elle a trois enfants et un mari qui lui achète un robot ménager et cela lui semble être le plus beau cadeau de sa vie. Quand elle rencontre France qui incarne le début du féminisme, elle ouvre les yeux petit à petit. J’ai eu du mal à affronter ce personnage car je dis des trucs qui me font très très mal (rires) mais c’est aussi cela la beauté du théâtre, on peut jouer des personnages très opposés à nous mais cela se rattrape dans les années 70 avec la fille de Giovanna qui travaille au Planning Familial et distribue la pilule… et elle est très engagée.

Je dois dire que cela se gâte dans les années 90 mais c’est souvent le cas quand on a eu des parents très libres, souvent on a une réaction inverse. Dans les années 90, mon personnage veut se faire refaire les seins car il subit l’époque de la porno culture. Elle vit une histoire avec un homme marié mais il y a quand même un fond de rébellion en elle. Dans les années 2010, j’interprète une artiste peintre, mère célibataire car le père a abandonné son enfant mais elle assume sa posture. Mes personnages se ressemblent beaucoup, ces femmes sont dans une contradiction permanente, elles sont aussi bien grandes gueules que fragiles, elles ont envie de changer mais elles sont rattrapées par leur passé… mais elles avancent et dans ce sens, je me sens proche de ces personnages.

Ont-ils des points communs avec toi ?

Oui, le fait que ces personnages s’accrochent malgré tout et envers tout. Ils assument leurs contradictions et ils n’ont pas peur d’être ridicules.

Que mettrais-tu en avant dans ce spectacle ?

Le fait de faire avancer notre société tout en rigolant avec ce spectacle qui est important à tout âge, c’est une piqûre de rappel pour ceux qui l’ont vécu et c’est un message de relève pour les jeunes générations. C’est un spectacle où le rire prend tout son sens.

Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

Si je te demandais un mot pour qualifier « Et pendant ce temps Simon veille ! » ?

Indispensable !

Quelles sont les figures féminines qui t’inspirent ?

Il y en a un paquet ! Simone Veil que je connaissais bien évidement avant le spectacle car nous n’avions pas de femme politique comme elle en Italie. Franca Rame la femme de Dario Fo a vraiment changé ma vie. Elle a été derrière Dario Fo toute sa vie et elle a fait que Dario Fo soit ce qu’il est. Elle était une vraie féministe et en même temps elle n’a jamais lâché son homme. Elle m’a appris que l’on pouvait aimer tout en se mettant de côté aussi. Christiane Taubira que j’ai eu la chance de rencontrer m’inspire beaucoup également. Je pense qu’elle est le résumé de ce que nous devrions toutes être, c’est une femme cultivée, très simple avec une volonté et une énergie de croire au futur. C’est une femme extraordinaire qui me rappelle Simone Veil à l’époque de la loi sur l’avortement car avec la loi sur le mariage homosexuel, elle s’en est pris plein la tête.

Peux-tu nous parler de « Bambina » ?

« Bambina » est ce projet que j’ai un peu mis de côté car je suis tombée amoureuse de « Et pendant ce temps Simone veille ! ». « Bambina » est mon prochain projet qui raconte l’histoire d’une call-girl de luxe qui a fait tomber le pouvoir. C’est une jeune fille de 19 ans qui se retrouve dans un tribunal et on lui demande pourquoi elle a couché avec le président en échange d’argent. « Bambina » est la caricature des jeunes filles d’aujourd’hui qui sont dans la totale fascination de l’argent et de leur corps, des Lady Gaga en puissance qui se disent féministes mais qui n’ont rien compris à ce qu’est le féminisme puisqu’elles ne rêvent que d’avoir un mec avec de l’argent, des grosses bagnoles et un chien. C’est l’histoire d’une résilience puisqu’elle va réussir à faire tomber le pouvoir et faire changer le monde. Si tout va bien, ce spectacle se jouera au Festival d’Avignon en 2017.

Rencontre avec la comédienne Serena Reinaldi !

Peux-tu nous parler de ton travail en prison ?

Je travaille en prison et ZEP notamment pour les jeunes. Je travaillais sur un projet en IDF sur l’égalité avant l’arrivée de Valérie Pécresse mais elle a décidé d’y mettre un terme. Le but était de diffuser la culture avec l’importante mission d’enseigner l’égalité homme-femme grâce au billet de l’art. Je faisais des projets sur la parité mais également sur la laïcité. Ceci ne va pas m’arrêter et je vais continuer à défendre cela.

« Et pendant ce temps Simone veille ! » est vraiment l’union de tout ce que je veux défendre, à savoir une culture populaire, une culture qui véhicule de vrais messages mais de manière accessible à tout le monde. Je voudrais emmener la culture au-delà des théâtres que ce soit dans la rue, dans les banlieues ou dans les prisons car la culture est l’éducation de la deuxième chance !

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