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Retrouvailles avec Pauline Croze au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de l’album « Après Les Heures Grises » !

Publié le par Steph Musicnation

(c) Les Mauvaises Filles

(c) Les Mauvaises Filles

Peux-tu nous dire à quoi renvoient ces heures grises qui donnent son nom à ton sixième album ?

Ces heures grises renvoient à mon vécu et à ce que nous avons tous traversé depuis début 2020. Il y a ce que j’ai vécu personnellement ; moi-même ou mon entourage ; mais aussi la détresse que l’on a pu tous vivre par rapport aux confinements durant lesquels nous avions l’impression de ne pas voir d’issue. Dans cet album, il y a des morceaux très intimistes qui sont sur le ton de la confidence et d’autres qui sont moins « orientés sur mon nombril ». J’avais déjà l’envie d’aborder ce que j’observais de la société ; comme le comportement des gens, leur psychologie ; même avant cette histoire de confinement mais par la suite, certains morceaux ont été influencés par ce qui se passait socialement.

Un après implique forcément un avant ; et vice versa ; vois-tu ce disque comme une sorte de bilan aussi bien personnel que sur ta vision du monde qui nous entoure ?

Oui, j’étais arrivée à une sorte de bilan que ce soit par rapport à ma vie personnelle ; mes choix de vie ; et par rapport à mon parcours dans la musique. A un moment donné, j’ai dû faire des choix plus forts qui ont impliqué plus de responsabilités ; j’ai monté mon label et j’ai dû assumer plus de choses. Il y a effectivement un avant et un après même par rapport à ma vision de ma musique et ma façon d’en faire. De même, dans ma vie personnelle, j’ai dû faire des choix en fonction de choses qui fonctionnaient et d’autres pas. J’ai pris des virages.

Il y a pas mal de collaborateurs sur « Après Les Heures Grises », as-tu ressenti le besoin de « t’ouvrir aux autres » après avoir vécu ces mois de confinements forcés ?

Le confinement n’a pas joué en la faveur des collaborations car j’en cherchais déjà avant la pandémie. J’avais le souhait de trouver des co-écritures et des co-compositions car depuis un moment, j’avais le sentiment qu’en termes d’écriture, je n’arrivais pas à atteindre ce que je voulais vraiment. Quand j’écrivais, je trouvais que c’était assez incomplet. J’avais à cœur que les textes de ce nouvel album frappent plus fort que ceux de « Ne Rien Faire » ; mon précédent disque. Je dois dire que je ne me considère pas vraiment comme une auteure, je ne dirais pas que c’est mon atout principal, je pense que c’est plutôt la composition, la mélodie et l’interprétation.  C’est aussi pour cela que je me suis redirigée vers Anne Claverie qui était l’éditrice de mes deux premiers albums. Au niveau artistique, nous sommes vraiment sur la même longueur d’ondes. Avec cette exigence par rapport aux textes, je savais que c’était la personne qui pouvait m’emmener là où je voulais.

(c) Julie Trannoy

(c) Julie Trannoy

Quelles ont été tes envies musicales sur « Après Les Heures Grises » ?

Je voulais intégrer par petites touches des notes un peu plus urbaines, un peu plus électroniques, des sons plus contemporains même s’il est vrai que ce qui me caractérise ; mon ADN ; c’est l’acoustique, le rapport guitare-voix, un son très organique et très chaud. Dernièrement, beaucoup d’artistes issus du milieu urbain m’ont vraiment mis une claque au niveau du son, je trouve qu’ils ont frappé super fort. Je voulais approcher ce son tout en trouvant un juste milieu. Ça demeure du Pauline Croze mais avec un son plus contemporain. C’est ma façon à moi de retransmettre par petites touches ces sons à des gens qui ne les écouteraient peut-être pas d’ordinaire. J’ouvre une petite porte par rapport aux personnes qui me connaissent et qui écoutent de la chanson Française, j’essaie que l’éventail s’élargisse un petit peu et que celles qui n’auraient pas écouté d’urbain aient la curiosité d’aller vers ces sons-là.

Ce nouveau pas discographique est très varié d’un point de vue musical, en est-il de même pour les thématiques abordées ?

Oui ; il y a souvent des choses très intimes de ma vie personnelle, de mes sentiments, de mes chagrins, de mes déceptions sur mes disques et pour celui-là, il était important pour moi d’aborder des choses différentes ; sociétales ; et même sur un ton différent. « Phobe » est quand même poétique dans l’écriture mais cette chanson est très frontale. Pour moi, c’est une sorte de portrait robot de la société car j’ai la sensation que l’on se démarque de l’autre en creux ; j’ai l’impression que maintenant, on ne se définit plus que par nos phobies et nos philies. On retrouve un autre ton que je n’avais pas exploré auparavant, le second degré, sur le titre « Kim ». Il y a un côté très décalé dans cette chanson et cela ne faisait pas partie de mes partis pris depuis le départ car je chante des choses très premier degré, plutôt sérieuses et profondes. Dans « Kim », il y a de la profondeur, de l’ironie mais également du surréalisme et j’adore cela.

Ton nouveau single s’intitule « Je Suis Un Renard », on retrouve également cet animal sur la pochette de ton album, que symbolise-t-il pour toi ?

C’est peut-être un peu une lapalissade de dire cela mais pour moi, le renard est un animal rusé. Je l’imagine comme une flamme. C’est un animal très vif duquel émane une certaine douceur et un côté malicieux. Je trouve qu’un renard est espiègle et j’aime beaucoup cet animal pour cela. Pour moi, le renard est entre le loup et le chien. Il n’est pas aussi sauvage et inaccessible qu’un loup mais pour autant, il n’est pas aussi domesticable qu’un chien. Je trouve cet animal touchant. Je dis souvent qu’il y a un bestiaire dans mes chansons ; quand on regarde ma discographie, il y a toujours un moment où un animal apparait. Inconsciemment, on a un peu une tradition en France ; comme avec Les Fables de La Fontaine ; de mettre notre vie en écho avec un animal, son habitat, ses habitudes et son tempérament. Il y a un relief que je trouve intéressant entre l’homme et l’animal.

Illustration @ Joann Sfar

Illustration @ Joann Sfar

Peux-tu nous en dire plus sur le clip qui illustre cette chanson ?

J’ai fait pas mal de clips où je suis au premier plan et pour celui-ci, je ne voulais pas être toute seule à l’image. Pour illustrer cette chanson, je ne voulais pas quelque chose de trop terre à terre et de littéral. Quand la boîte de prod Les Mauvaises Filles m’a proposé ce plan séquence qui évoque le film « Mauvais Sang » où l’on retrouve une scène culte dans laquelle Denis Lavant court sur du David Bowie, ça m’a parlé immédiatement. J’ai trouvé cela plus fort que d’être dans des images très littérales et didactiques. Comme les réalisateurs m’ont proposé qu’il y ait une sorte de chorégraphie et que moi, je ne suis pas la meilleure personne pour illustrer cela à la caméra, on s’est dit que ce serait bien qu’une personne m’accompagne et qu’elle puisse utiliser aussi mes faiblesses. J’ai regardé pas mal de vidéos dont « Orée » et c’est là que j’ai découvert N’doho Ange. J’ai vraiment eu un coup de cœur ; j’ai trouvé que cette performeuse était fabuleuse, élégante, inquiétante, virtuose ; et j’ai eu très envie de travailler avec elle. J’ai mis le son de « Je Suis Un Renard » sur les images de sa vidéo et j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose qui se passait. Nous l’avons contactée, elle a beaucoup aimé la chanson et elle a été d’accord pour collaborer ensemble sur une gestuelle. Elle s’est appuyée sur des gestes que je fais naturellement afin de ne pas me « travestir » en me faisant faire des postures qui n’étaient pas naturelles. Pour moi, la star de ce clip, c’est N’doho Ange ; elle est flamboyante comme le renard, elle est vive, malicieuse, elle se cache avant de se redéployer, je trouve qu’elle exprime parfaitement cet animal un peu imprévisible qui me fait passer par plein d’états d’âme positifs et négatifs.

Pour revenir au titre de ton nouveau disque, le gris est une couleur nuancée, l’es-tu toi-même dans la vie de tous les jours ?

Plus j’avance en âge, moins je suis nuancée. Plus ça va, moins je suis patiente alors que je l’étais auparavant. Je peux être un peu plus tranchée même par rapport aux gens. Je suis beaucoup plus catégorique d’une certaine façon mais je n’aime pas devenir comme cela. Ce ne sont pas des traits qui me ressemblent car je préfère la patience et la réflexion.

(c) Julie Trannoy

(c) Julie Trannoy

L’un de tes nouveaux titres s’intitule « Phobe », de quoi as-tu peur dans le monde d’aujourd’hui ?

Les extrêmes, le fait de devoir se faire un avis très vite et prendre parti tout de suite pour telle ou telle chose, être mis au pied du mur tout le temps, le fait de devoir être tranché et intransigeant…Ce manque de souplesse fasse aux événements de la vie, ça me pose un problème. Dans cette société, certaines phobies sont comme des mini folies qui peuvent vraiment tourner mal. Par ailleurs, même si c’est dans l’air du temps, je n’aime pas le fait qu’il faille tout montrer de sa vie. Je trouve que c’est un manque de pudeur qui devient même de l’indécence ; c’est comme si on perdait le sens des réalités, on se demande à quoi on donne de l’importance aujourd’hui…Il y a beaucoup de quantité mais peu de qualité.

La chanson « Kim » pourrait-elle être une porte ouverte vers une chanson Française plus engagée à l’avenir ?

Je pense qu’il y a toujours eu une dose d’engagement dans mes chansons mais peut-être pas de manière très voyante. Pour moi, créer et essayer de faire de la poésie est déjà en engagement en soi. Dans mon troisième album, « Le Chant De L’Orpailleur » était une chanson poétique mais également politique. Cette personne risque sa vie pour gagner un peu d’argent, elle se met en danger pour ça. En termes de féminisme, « Femme Fossile » qui figure sur mon premier album était ma petite pierre à l’édifice. J’abordais le fait de ne pas correspondre à une idée que l’on se fait de nous et de ne pas rentrer dans un moule ou dans une case que notre conjoint aurait décidé de dessiner pour nous. Il y a toujours une dimension sociale dans ma musique mais je ne pense pas être la bonne personne pour fournir des chansons dans lesquelles je lèverai le poing gauche pour dénoncer des choses. En tout cas, je pense qu’il ne faut pas mélanger les chansons engagées d’un point de vue politique et celles qui le sont envers la vie.

Joann Sfar a dessiné la pochette d’ « Après Les Heures Grises », aimerais-tu poursuivre votre collaboration afin qu’il croque l’intégralité des textes de ce disque ?

Moi, j’adorerais, je signe tout de suite pour (rires) ! A vrai dire, je pense que Joann a fait ces dessins pour moi mais pas forcément pour ma musique. Il y a 15 ans, je lui ai écrit un petit mot en lui disant que j’aimais beaucoup ce qu’il faisait, il m’a répondu et de loin en loin, nous avons gardé le contact et je pense qu’il a plus fait cela par amitié ou par affection que pour accompagner vraiment ma musique. Je ne sais pas du tout ce qu’il pense des chansons…Moi, je dirais oui mais il a tellement de projets…C’est déjà un cadeau énorme qu’il m’a fait. Je suis vraiment aussi fière de la musique que de la pochette !

Retrouvailles avec Pauline Croze au Studio Luna Rossa à l’occasion de la parution de l’album « Après Les Heures Grises » !
https://www.facebook.com/paulinecrozeofficiel
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