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Dernière interview « Dérèglements De Contes » avec Arnaud Saint-Père !

Publié le par Steph Musicnation

Photo Emmanuel Guillon

Photo Emmanuel Guillon

Qui incarnes-tu dans « Dérèglements De Contes » ?

Je ne sais pas si je l’incarne, mais en tout cas je joue Le Serrurier qui est le seul personnage qui n’appartient pas aux contes et c’est d’ailleurs ce qui m’a plu (rires).

Que fait-il là, alors ?

Dans cette pièce, les contes se dérèglent immédiatement et ce personnage, qui n’est pas de ce monde-là et vient, lui, de la vie réelle, achève le dérèglement. Les personnages ont désobéi aux auteurs en déréglant ces contes, ils l’assument, mais tout leur échappe définitivement quand Le Serrurier, venu pour réparer la poignée de la porte d’entrée, prend la main sur le dérèglement général.

Photo Éric Baudin

Photo Éric Baudin

Qu’est-ce qui caractérise ton personnage ?

En plus d’être en révolte, je dirais que c’est avant tout un grand frustré. Et cette frustration extrême va l’amener à profiter de ce grand dérèglement pour exercer un chantage sur les personnages vis-à-vis des auteurs des contes et quasiment devenir un terroriste. C’est aussi un homme très précis, méticuleux et maître de ce qu’il fait. Ce Serrurier est un maniaque de la précision, probablement par déformation professionnelle : une serrure, c’est comme une horloge, c’est une mécanique de précision.Ce caractère du Serrurier m’a sauté aux yeux à maintes reprises lors de la lecture et, notamment, dans la précision, quasi absurde pour une rançon, du montant qu’il réclame. J’ai dû me construire ma petite histoire pour trouver une justification à cette précision de la somme : je me suis dit que ce petit artisan qui rame pour vivre et faire marcher son « petit commerce tranquille rue Perrault » a un rêve ; celui de s’offrir une maison. Un jour, il a dû passer devant une agence immobilière, y a vu une offre de vente d’une maison qui correspond à celle de ses rêves et il a calculé qu’avec les frais de notaire le montant exact était celui qu’il réclame en rançon. Le Serrurier est aussi un grand amoureux du verbe, il a de la faconde, cette éloquence populaire du Titi parisien des films des années 30 à 50 et que j’adore.Il ne peut s’empêcher, même dans les pires situations, de toujours faire un bon mot dans un langage toujours très imagé et fleuri.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans l’écriture ?

J’ai de suite été frappé par le dessin très précis de tous les personnages, donné par une écriture ciselée. Chacun d’eux a son vocabulaire, sa façon de parler avec une rythmique qui lui est propre et toute particulière, dans une langue qui m’a de suite rappelé celle d’Audiard. Cela m’a sauté aux yeux lors de ma toute première lecture de la pièce chez moi et c’est d’ailleurs une des très rares fois que, dès les premières pages, j’ai imaginé et même presque vu chaque personnage physiquement. Pour le personnage du Serrurier en particulier, j’y ai de suite vu du Bernard Blier, du Jules Berry, du Paul Frankeur et même,par certains aspects, du Jean Gabin et du Julien Carette. Pour moi, Le Serrurier est un kaléidoscope de tous ces acteurs des années 40-60. Or, toutes ces références me parlent beaucoup, car ce sont celles de ma culture cinématographique.

Photo Éric Baudin

Photo Éric Baudin

Quelle a été alors ton inspiration principale pour ce rôle ?

Je me suis inspiré principalement des personnages incarnés par Bernard Blier.Le Serrurier a un aspect bon enfant et sympathique au premier abord, mais sa frustration nourrit chez lui une rancœur qui va faire de lui un véritable enfoiré sous-jacent. J’ai bien sûr surtout pensé au personnage de Raoul Volfoni dans « Les Tontons Flingueurs » de Georges Lautner et dialogué par Audiard, ainsi qu’à celui de Mitch-Mitch dans « Cent Mille Dollars au Soleil » d’Henri Verneuil ou encore à « Série Noire » d’Alain Corneau dans lequel Blier incarne le patron (Staplin) de Patrick Dewaere (Franck Poupard), avec cette scène, qui pour moi est culte, des paires de claques que reçoit Blier dans une attitude de veulerie, de pleutrerie et d’hypocrisie extrême qu’il savait si bien jouer.

Quel est le message sous-jacent dans cette comédie ?

Je ne sais plus quel auteur, Ionesco peut-être, ou quelqu’un d’autre, a répondu un jour à un journaliste qui le questionnait sur le message d’une ces pièces « je ne suis pas facteur » (rires). Je ne pense pas que Christophe Guillon le soit non plus, mais je dirais tout de même que c’est une pièce qui parle de la révolte,de la disparition de l’enfance et du choix que l’on peut faire soit de rester dans l’imaginaire, la naïveté et l’innocence,soit d’être en prise avec la vie réelle avec tout ce que cela comporte de violence, d’âpreté, de cruauté et de plaisir et bonheur également.

Photo Éric Baudin

Photo Éric Baudin

Comment vois-tu les personnages évoluant dans ce conte pas comme les autres ?

Je dirais que ce sont tous des révoltés à leur manière, à l’exception du Prince peut-être, bien qu’à la fin il finisse par suivre le mouvement. Ce sont des sales gosses, en révolte, mais ils vont être pris à leur propre jeu. C’est une pièce bien rock’n roll et c’est ça qui plaît, politiquement très incorrecte et je dirais même subversive. Chap’ et Le Loup, par exemple, sont des sauvages et des rebelles dans l’âme. Chap’ peut être assimilée à la petite rebelle des quartiers dits « difficiles » de banlieue, elle sait où elle veut aller et on ne lui fait pas à l’envers, elle ne se laisse plus influencer. Et, contre toute attente, ces deux rebelles vont se trouver et c’est cela qui est intéressant. Tous les personnages sont chargés d’une grande humanité et c’est aussi ce qui m’a beaucoup plu.

Qui d’autre aurais-tu aimé incarner dans « Dérèglements De Contes » ?

Le personnage du Serrurier me plaît tellement que je ne me suis jamais posé la question. À vrai dire, je ne connaissais pas Christophe Guillon avant cette pièce, mais j’ai immédiatement accroché à son écriture et je me suis dit, dans un moment de grande présomption (rires),que ce rôle avait été écrit pour moi. Cela faisait une quinzaine d’années que je disais à qui voulait l’entendre que j’aimerais jouer des personnages à la Blier, avec une écriture comme celle d’Audiard, et cela m’est tombé dessus par un heureux hasard. J’en profite pour remercier sincèrement Olivier Denizet qui incarne Le Prince, à qui je dois d’être dans la distribution de ce spectacle, puisque c’est lui qui a pensé à moi pour ce rôle et qui m’a présenté à Christophe Guilllon. Je suis de suite tombé amoureux du personnage du Serrurier et du coup, je ne me suis jamais posé la question de jouer un autre rôle…Avec le recul, je me dis que je m’éclaterais bien dans celui de La Bête, mais je ne me vois pas faire le Magicien Qui Ose. Emmanuel Guillon, qui joue ces deux personnages, est parfaitement à sa place, car il a la capacité d’acteur de faire les deux. Je ne sais pas si, moi, je saurais assez « oser » (rires).

Photo Éric Baudin

Photo Éric Baudin

Pour quel personnage féminin Le Serrurier a-t-il le plus le béguin ?

Pour Belle, il le dit dès sa première entrée : « merde, elle est belle la demoiselle ». Il ne va pas la prendre en otage par hasard. Il se trouve que c’était la seule femme qui était là quand il prend cette décision, mais en même temps il ne choisit pas le Prince par exemple. Je ne dis pas qu’il tombe amoureux de Belle, mais il pourrait ! Ce qui se passe dans la vie réelle ne déplaît pas à Belle, mais elle a d’autres ambitions que de finir avec un Serrurier. Il en a certainement conscience et l’avoir en otage est donc pour lui un bon compromis (rires).

Évolues-tu principalement dans l’humour au théâtre ?

J’aime le comique et je joue principalement des comédies, mais c’est aussi dû au hasard des rencontres. Je n’ai jamais joué dans des tragédies, j’ai toutefois joué des drames et des spectacles sérieux et profonds, notamment « Voltaire De La Tolérance À La Raison » mis en scène par Pierre-Marie Carlier. Ce spectacle était une suite de tableaux illustrant les sujets graves (foi, obscurantisme religieux, esclavage, instruction, connaissance et bien d’autres) pour lesquels Voltaire avait pris une position très claire et très ferme. Mais même sur ce spectacle, je n’ai pas pu m’empêcher d’amener un peu de légèreté et de comique, car j’aime apporter une petite respiration, une rupture dans les situations de grande gravité.

Photo Emmanuel Guillon

Photo Emmanuel Guillon

As-tu d’autres actualités et/ou projets ?

Je continue à jouer dans « Merlin », avec Olivier Denizet et mis en scène et écrit par Christophe Glockner, mais je n’ai pas d’autres projets précis à court terme pour l’instant dont je peux parler, rien n’étant encore ferme et définitif. J’en ai un, mais à long terme (fin 2018), une comédie musicale qui est en bonne voie. Toujours avec Olivier Denizet, et grâce à lui d’ailleurs. On ne se quitte plus. Va falloir que je songe à le rémunérer si ça continue (rires).

Comment inviterais-tu nos lecteurs à venir découvrir « Dérèglements De Contes » ?

Si vous avez envie de retomber dans les contes de votre enfance, mais avec une autre lecture, et si vous avez envie, vous aussi, d’être des sales gosses par rapport à cela, il faut que veniez voir « Dérèglements De Contes ». Vous allez vous marrer !

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